Qu’ont en commun les Hells Angels David Lefebvre, Martin Robert, Stéphane Plouffe et Michel Lamontagne, leur soldat Benoit Nantel-Gagnon et les mafieux Francesco Del Balso, Marco Pizzi, Davide Barberio et Steven D’Adario ?

Ils ont été pris en flagrant délit de repas au restaurant Prima Luna du boulevard Henri-Bourassa, dans le quartier Rivière-des-Prairies, lors de trois évènements distincts entre février et mai 2021, alors que cela leur était pourtant interdit étant donné les règles sanitaires en vigueur à ce moment.

Ces évènements, et quelques autres, sont le fer de lance des arguments de la police contre le titulaire du Prima Luna, Andrea Dell’Orefice, qui se bat depuis jeudi devant la Régie des alcools, des courses et des jeux pour conserver ses permis.

Interrogés par le procureur du contentieux de la Régie, MStéphane Cossette, devant le juge administratif MMarc Savard, des policiers du groupe Éclipse ont commencé par raconter que c’est en février 2021 que l’un d’eux a vu, sur les réseaux sociaux, des vidéos d’un anniversaire célébré au Prima Luna, et sur lesquelles apparaissait le membre des Hells Angels de la section de Montréal David Lefebvre.

La police au dessert

Le mois suivant, les policiers ont effectué une visite surprise au Prima Luna et constaté la présence d’une vingtaine de clients attablés, dont Benoit Nantel-Gagnon, surnommé Le Brin, une relation des Hells Angels connue de la police en matière de stupéfiants.

« Lorsque nous sommes arrivés au restaurant, la porte n’était pas verrouillée, mais il y avait une grosse pancarte publicitaire amovible qui cachait la porte de la salle à manger. On entendait de la musique et des gens qui parlaient, et on a vu plusieurs personnes attablées qui mangeaient, avec des bouteilles d’alcool sur les tables, alors que le restaurant devait être fermé.

« J’ai essayé de m’entretenir avec M. Dell’Orefice sur le fait qu’il recevait des gens alors que c’était interdit et il m’a répondu qu’il voulait survivre et faire de l’argent honnêtement. Il tentait davantage de me fuir que de discuter avec moi. Je voulais savoir qui avait fait la réservation et quelle entente avait été prise, mais il n’a pas voulu répondre à mes questions », a raconté la policière Isabelle Macoul.

« Les gens ont ensuite quitté au fur et à mesure qu’ils étaient identifiés. Ils ont fait l’accolade à M. Dell’Orefice et ont quitté sans payer et sans porter de masque, par la porte arrière », a ajouté Mme Macoul, aujourd’hui enquêteuse à la moralité.

La fête est finie

Cinq semaines plus tard, les policiers sont retournés au Prima Luna. Alors que les clients sur la terrasse étaient permis, ils ont évalué qu’ils étaient trop peu nombreux pour le nombre de véhicules dans le stationnement.

« J’ai alors remarqué un Jeep Gladiator garé devant les portes et à l’intérieur, un homme qui nous suivait du regard. J’ai reconnu un membre des Maraudeurs qui fait de la surveillance pour les motards. Ça ne correspondait pas aux gens sur la terrasse, et je me suis dit : ‟C’est sûr qu’il y a des gens du crime organisé ici” », a témoigné la policière Mélanie Lafleur.

Nous sommes entrés. Les lumières étaient fermées ; il faisait noir, mais on entendait des gens chuchoter. Nous avons ouvert la porte de la salle à manger et allumé les lumières, et constaté qu’il y avait des gens assis à quatre tables, dont la table 1, que nous avons appelée la table des motards.

La policière Mélanie Lafleur

C’est ce soir-là que les Hells Angels Robert, Plouffe et Lamontagne ont été surpris dans le restaurant, ainsi que les mafieux Pizzi, Barberio, Del Balso et D’Adario, pour ne nommer que ceux-là.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Marco Pizzi

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Francesco Del Balso

Ils ont tous fait l’objet d’un rapport d’infraction général pour non-respect des règles sanitaires.

Un revolver de calibre 38 chargé de cinq balles a été trouvé par les policiers dans une pièce-débarras d’où sortait Lamontagne. Il a été accusé de possession d’arme, mais a bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire, visiblement parce que les policiers n’ont pas été en mesure de faire un lien entre l’arme et lui.

PHOTO DÉPOSÉE DEVANT LA RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

Le revolver chargé trouvé au restaurant Prima Luna le soir du 29 mai 2021

Une proche de Lamontagne a confié aux policiers que le repas était destiné à souligner l’anniversaire du motard et qu’elle savait que le souper était illégal.

De son côté, la conjointe de Marco Pizzi a dit aux policiers : « Je suis vraiment fâchée. On avait réservé pour être sur la terrasse et on nous a installés à l’intérieur », selon la preuve déposée.

« Je vais poser une question », a lancé le juge administratif Savard à la témoin. « Tout le monde qui était là était relié au crime organisé, y compris par des liens familiaux ? »

« Exactement », a répondu la policière.

Inacceptable, dit la police

« M. Dell’Orefice a agi de manière imprudente relativement à toutes les mesures mises en place en raison de la pandémie. On croit que l’établissement opérait déjà le 21 mars 2021. On constate la présence d’un grand nombre d’employés. Il y a une façon de dissimuler les allées et venues des clients et de plus, certains n’ont pas été vus payer leur facture. Il y a la présence de membres du crime organisé et la découverte d’une arme à feu. Tout ça, c’est inacceptable pour les autorités policières », a résumé un enquêteur du renseignement, Daniel Legault.

Le contentieux a un dernier témoin à faire entendre et la défense, représentée par MNina V. Fernandez, trois.

Ce n’est que le 3 octobre prochain que la cause se poursuivra, mais déjà, MSavard a annoncé ses couleurs et invité les parties à discuter durant l’été.

« C’est une cause de sécurité publique. Je n’ai pas entendu toute la preuve, mais il y a au moins deux évènements en contravention avec les consignes de la COVID-19. Disons qu’il y a matière à intervention avec facteurs aggravants », a dit le juge administratif avant de mettre fin à l’audience.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.