(Québec) À l’issue de cinq jours de délibérations, le jury a reconnu le tueur au sabre du Vieux-Québec coupable sur toute la ligne, au grand soulagement des victimes présentes au palais de justice de Québec. Mais déjà, le meurtrier veut interjeter appel.

« Pour moi, c’est quelqu’un de très dangereux, c’est un manipulateur. Je suis contente qu’il soit enfermé », a lancé, très émue, Lisa Mahmoud, une coiffeuse de 26 ans qui a survécu à l’attaque au katana, mais n’est plus capable d’utiliser ses mains pour coiffer.

Les 11 membres du jury n’ont pas cru la thèse de la défense, selon laquelle Carl Girouard aurait été non criminellement responsable de ses gestes. Ils n’ont pas cru que le tueur était schizophrène et en proie à un délire au moment d’attaquer sept passants innocents avec un sabre le 31 octobre 2020, faisant deux morts.

Le jury a donc reconnu Carl Girouard coupable sur toute la ligne : deux meurtres au premier degré et cinq tentatives de meurtre. Sa peine n’est pas encore connue. Au minimum, ce sera la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans.

Mais puisqu’il a commis deux meurtres au premier degré, il pourrait aussi recevoir une peine de prison ferme de 50 ans, comme celle imposée à l’auteur de l’attentat à la Grande Mosquée de Québec. Les observations sur la peine auront lieu le 10 juin.

La Couronne suivra avec intérêt la décision de la Cour suprême dans le dossier d’Alexandre Bissonnette, attendue vendredi prochain. Le plus haut tribunal du pays va se prononcer sur la constitutionnalité des peines multiples.

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Me François Godin, procureur de la Couronne

« On est heureux du verdict du jury, selon nous ça correspondait à la preuve présentée, a dit le procureur de la Couronne, MFrançois Godin. On est heureux pour les membres de la famille des victimes. »

Le tueur veut interjeter appel

Le soir de l’Halloween 2020, Carl Girouard a quitté son appartement de Sainte-Thérèse, près de Montréal, en direction du Vieux-Québec. Il a sorti un katana de sa voiture et, vêtu entièrement de noir, a attaqué des passants au hasard.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVQ À LA PRESSE CANADIENNE

Carl Girouard

François Duchesne, 56 ans, et Suzanne Clermont, 61 ans, ont péri ce soir-là. Girouard a aussi fait cinq blessés.

« C’est un individu très dangereux, très malveillant », a lancé Marie-Claude Veilleux, belle-sœur de Suzanne Clermont, en sortant de la salle d’audience.

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Marie Claude Veilleux, belle-sœur de Suzanne Clermont, une des victimes

Mme Veilleux a suivi tout le procès de Carl Girouard, qui a duré cinq semaines. Elle pense que le jury a pris la bonne décision.

La société va être protégée de cet individu très dangereux, mais ça ne nous ramènera pas Suzanne, ni M. Duchesne, mais la société va être protégée.

Marie-Claude Veilleux

Le verdict était à peine tombé que déjà, l’avocat du tueur annonçait son intention d’interjeter appel.

« Les derniers jours nous ont permis de faire une rétrospective de la preuve présentée et je peux d’ores et déjà vous dire que j’ai le mandat d’aller en appel. Selon nous, il y a des motifs sérieux de porter le verdict en appel », a indiqué MPierre Gagnon.

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Pierre Gagnon, avocat de la défense

Selon l’avocat de la défense, un expert de la Couronne a donné des réponses « qui débordaient de son champ d’expertise ».

MGagnon estime aussi que la Couronne a injustement utilisé le silence de Carl Girouard lors de l’interrogatoire de police, qui a duré cinq heures, « pour tenter d’établir que [s]on client était conscient de ce qui se passait ».

Le juge Richard Grenier a d’ailleurs servi des réprimandes à ce sujet au procureur de la Couronne juste avant que le jury ne fasse connaître sa décision.

« Le commentaire du juge Grenier avant que le verdict ne tombe alimente notre décision de porter le jugement en appel. C’est difficile de le voir autrement qu’un reproche fait à la poursuite », a indiqué MGagnon aux médias.

Si la Cour d’appel acceptait d’entendre la cause et donnait raison à Carl Girouard, le procès pourrait devoir être tenu de nouveau. Ce serait donc un deuxième acte pour cette bataille d’experts.

Rappelons que selon le psychiatre Gilles Chamberland, le jeune homme était en proie à un délire exacerbé par le cannabis et les jeux vidéo, dans lequel il devait tuer des innocents avec un katana pour prouver son courage. Selon l’expert de la défense, Carl Girouard ne pouvait savoir que ce qu’il faisait était mal.

La Couronne a quant à elle produit les expertises du neuropsychologue William Pothier et du psychiatre Sylvain Faucher. Ces experts ont indiqué au tribunal que Carl Girouard n’était probablement pas schizophrène, ni en proie à un délire au moment des gestes.

Ce narcissique évitant avait plutôt développé un fantasme pour se donner de l’importance et se venger de cette société dans laquelle il ne trouvait pas sa place.

C’est finalement la thèse de la poursuite que les jurés ont retenue.