Des documents judiciaires ontariens lèvent le voile sur un nouveau pan du passé criminel du rappeur White-B

Un gun chargé dans son véhicule, des douilles dans le porte-gobelet, des allers-retours Montréal-Ontario pour empocher des milliers de dollars grâce à la prostitution. Avant d’être l’une des étoiles montantes du rap québécois, le rappeur White-B avait une vie ancrée dans la criminalité, révèlent des documents judiciaires obtenus par La Presse.

Menotté des pieds aux mains, White-B sort du fourgon cellulaire dans une prison aux allures de forteresse. Flanqué d’agents correctionnels, il est escorté jusqu’à sa cellule, dévisagé par ses codétenus. C’est par cette mise en scène que s’amorce le nouveau single Sentencé des rappeurs Lost & White-B du populaire collectif 5sang14.

Voyez le vidéoclip

« J’ai pris du pen time, j’ai choisi ma vie de criminel », chante White-B dans cette chanson sortie tout juste mercredi et qui avait déjà été vue à 69 000 reprises dimanche.

Si la réalité dépasse la fiction dans ce vidéoclip, c’est que White-B purge depuis quelques semaines une peine cumulée de quatre ans d’emprisonnement pour avoir possédé des pistolets chargés en 2017 et en 2019. Même si les juges ont dénoncé le fléau de la violence par arme à feu au pays, le rappeur s’en est tiré avec des peines de prison clémentes pour ses crimes.

De son vrai nom David Bouchard-Sasseville, le chanteur montréalais de 27 ans a d’abord été condamné en février dernier à deux ans de prison en Ontario, puis à une peine similaire à Montréal en avril.

C’est donc également dans une geôle ontarienne que White-B se trouvait ce printemps, lorsqu’est sorti le nouveau hit du populaire Loud, Rien de moins, dans lequel le rappeur fait une collaboration remarquée.

« Majeur levé devant les forces de l’ordre. C’est du rap, mais c’est de l’art. Les menottes remplacées par de l’or », y chante White-B. S’il n’y a pas d’arme à feu dans ce vidéoclip, les pistolets et la drogue étaient fréquents dans les premiers succès de White-B, qui lui ont permis d’accumuler des millions de vues avec son collectif 5Sang14.

Même s’il demeure derrière les barreaux pour une longue période, White-B continue de voir grand. « J’ai une carrière fructueuse qui me rapporte beaucoup d’argent. […] La prochaine étape était d’aller en France pour grandir ma carrière », se targuait l’artiste, en avril dernier, en résumant sa carrière au juge Manlio Del Negro.

Le magistrat l’a alors condamné à deux ans moins un jour de prison pour avoir possédé une arme à feu chargée dans son appartement en août 2019. Ce jour-là, le rappeur avait exhibé son pistolet en plein jour devant un ouvrier hébété dans une ruelle de Montréal, simplement parce qu’il lui reprochait d’avoir presque écrasé son chihuahua. « Ça, penses-tu que c’est un faux ? », avait lancé White-B en montrant son arme, selon la preuve à l’enquête préliminaire.

« Un problème social, un problème pour les jeunes, un problème de société qui a des effets extrêmement sérieux. » C’est ainsi que le juge avait qualifié le fléau de la violence par arme à feu à Montréal lors de la sentence.

Proxénétisme

Cette insouciance avec des armes à feu chargées n’était pas nouvelle pour le rappeur. Deux ans plus tôt, en août 2017, David Bouchard-Sasseville n’était pas une figure connue du public. Il était alors proxénète à ses heures dans le Grand Toronto, montrent des documents judiciaires ontariens obtenus par La Presse.

Alors qu’il fuyait les policiers à la course dans le stationnement d’un motel, l’apprenti rappeur s’est fait pincer avec un pistolet chargé de calibre. 22 (modèle HS38S) abandonné dans un véhicule loué. Les policiers, qui voulaient l’interpeller pour avoir fumé du cannabis, ont également trouvé deux douilles dans le véhicule.

« La prolifération de la violence par arme à feu est une grande inquiétude pour les tribunaux et pour le public. Il n’y avait absolument aucune raison valable pour que M. Bouchard-Sasseville détienne une arme prohibée chargée. Les armes à feu sont utilisées uniquement comme armes d’intimidation et de violence extrême », a affirmé la juge Jill Cameron en entérinant la suggestion des avocats, le 11 février dernier, au palais de justice de Newmarket.

Le musicien à la carrière « déjà remplie de succès », aux dires du juge, a alors été condamné à deux ans de prison pour avoir détenu une arme à feu prohibée chargée et avoir reçu des avantages financiers de la prestation de services sexuels. Une peine qui se situe dans la fourchette « très basse » des peines en matière d’armes à feu, a précisé la juge, mais qui s’explique par des faiblesses dans la preuve de la poursuite.

Avant de remplir le MTelus à Montréal et d’être invité aux Francofolies et au Festival d’été de Québec, White-B s’en mettait plein les poches grâce aux fruits de la prostitution.

Au printemps 2017, une femme qui ne connaissait rien à ce milieu a pris contact avec David Bouchard-Sasseville pour qu’il s’occupe de lui trouver des clients et fasse la publicité de ses services sexuels.

« [La victime] travaillait généralement une semaine à la fois. Elle et M. Bouchard-Sasseville voyageaient de Montréal jusqu’à plusieurs endroits en Ontario où l’accusé trouvait des clients à la [victime]. Celle-ci performait des services sexuels en échange d’argent », indique le résumé des faits déposé lors de la reconnaissance de culpabilité du rappeur.

Pendant ces six séjours d’une semaine en Ontario, la victime a engrangé 15 000 $, partagés moitié-moitié avec White-B. Mais ce lucratif commerce a pris fin lors de l’arrestation du rappeur avec une arme à feu dans le stationnement d’un motel de Markham, en banlieue de Toronto. Le même motel où la victime se livrait à la prostitution.

Dans les deux dossiers, David Bouchard-Sasseville a exprimé des remords et a présenté ses excuses aux victimes. « J’ai grandi, j’ai maturé, j’ai changé », assurait-il, en avril dernier. Le juge Del Negro lui a alors cité un proverbe de circonstance : « Celui qui vit par l’épée meurt par l’épée. Réfléchissez à ce dicton pendant votre temps en prison. »