Deux petites filles jouent dehors dans un quartier résidentiel de Laval. Tout à coup, une Cadillac noire s’approche, à quelques mètres des enfants. Puis, des tirs. Un homme reçoit un projectile d’arme à feu sous leurs yeux.

C’est l’inquiétante scène filmée par les caméras de surveillance du secteur où est survenue une autre fusillade, mardi après-midi, à Laval. La séquence transmise par un résidant du quartier à La Presse montre que des enfants se trouvaient à quelques mètres de la victime.

« Pendant la journée, je n’ai jamais vu ça », dit Ioan Palut, un résidant du coin qui vit à Laval depuis 32 ans. « Ça, c’est grave. »

Cette fusillade survenue en début d’après-midi au beau milieu d’un secteur résidentiel est la troisième à secouer Laval depuis dimanche, provoquant l’insécurité chez les résidants.

Un conflit entre deux gangs de rue serait à l’origine de ces multiples épisodes de violence, a appris La Presse de diverses sources gravitant autour du milieu criminel.

Déroulement des évènements

Les services d’urgence ont reçu un appel peu après 13 h mardi pour des coups de feu dans la rue Normandin, près du boulevard Le Carrefour, dans le secteur Chomedey. Le ou les suspects ont tiré depuis un véhicule avant de prendre la fuite, selon le Service de police de Laval (SPL), qui n’a pas été en mesure de fournir de description du véhicule.

La victime, un homme de 33 ans, a été touchée à une jambe et transportée à l’hôpital. On ne craint pas pour sa vie.

La victime est connue des milieux policiers. Elle avait plaidé coupable à des accusations de possession d’armes et de voie de fait armée en 2011, puis avait été arrêtée pour non-respect des conditions en 2013. Il lui était interdit de posséder une arme pour une durée de 10 ans.

Sur des images montrées à La Presse par un résidant, on voit ce qui semble être une voiture noire de marque Cadillac suivre le véhicule de la victime, puis repasser devant pendant qu’elle se gare.

Au troisième passage, on peut voir une arme sortir de la fenêtre du côté passager pour faire feu vers la victime, qui sort de sa voiture avec une jeune femme.

Au même moment, de l’autre côté de la rue, deux fillettes sont occupées à chercher un chat sous une voiture. Les jeunes filles sursautent et prennent la fuite en entendant les coups de feu alors que le véhicule suspect file à toute vitesse.

Une autre vidéo capte le son de plusieurs coups de feu et les cris de douleur de l’homme pris pour cible, visiblement stupéfait. « C’est même pas vrai, c’est qui ? », peut-on l’entendre vociférer avant de le voir se réfugier sous un balcon. « Je l’ai vu en plus, man, fuck ! »

« J’ai entendu les coups de feu », a dit Mike Massaad, qui démarrait sa moto à quelques dizaines de mètres de là, rue Beauregard. « Au moins trois, suivis par une femme qui a crié. […] Trois minutes plus tard, les policiers arrivaient des deux côtés. » Il a également entendu les coups de feu dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu’une autre fusillade a fait un mort et des blessés non loin de là. « Je sais pas si c’est relié ou non […], j’ai vu des incidents comme ça plusieurs fois, c’est choquant quand même. Ça me dit qu’il y a quelque chose qui se passe. »

Flambée de violence

Des balles tirées dans un quartier résidentiel où les enfants s’amusent. Le meurtre d’un innocent venu assister à une fête de famille. Des disputes sur les réseaux sociaux, des ripostes dans la rue. Un scénario tristement familier se joue à Laval, où plusieurs fusillades, dont une mortelle, ont éclaté en ce début de semaine.

L’évènement de mardi est similaire à celui de la veille. Plusieurs coups de feu avaient été tirés avenue Dumouchel, dans le secteur Chomedey, lundi peu après 14 h.

Ils tirent partout. Ils s’en foutent de qui ils pognent.

Un jeune résidant d’un HLM

Depuis dimanche, des provocations font le tour des réseaux sociaux, confie-t-il.

« Les Zone 2 ont essayé de nous pop [tirer] à PSM [Place Saint-Martin, un HLM] », peut-on lire dans une publication temporaire sur Instagram relayée par de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux.

  • Publication sur Instagram à la suite de la fusillade de mardi

    CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D'INSTAGRAM

    Publication sur Instagram à la suite de la fusillade de mardi

  • Publication sur Instagram à la suite de la fusillade de mardi

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    Publication sur Instagram à la suite de la fusillade de mardi

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    Publication sur Instagram à la suite de la fusillade de mardi

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Zone 2 fait référence au gang de rue Flamed Head Boys à Laval-des-Rapides, alors que Zone 3 représente leurs ennemis, à Chomedey, a expliqué à La Presse une source du milieu criminel. Les deux groupes sont impliqués dans un violent conflit de longue date.

Des internautes prêtant allégeance à des gangs lavallois ont réagi aux tirs de lundi sur les réseaux sociaux. « Vous visez comme des merdes », nargue l’un d’entre eux dans une des publications Instagram mardi soir, en partageant un article de journal relatant la fusillade. « Dix douilles pas une, ni deux. Dix douilles et ça n’a même pas touché aucun de nous », rigole un autre.

Meurtre de dimanche

Cette nouvelle flambée de violence a déjà coûté la vie à un innocent, Junior Lemoyne Printemps. Dimanche dernier, lui et quatre membres de sa famille ont été ciblés à la sortie d’une soirée organisée dans la salle de réception Paragon, dans le quartier Chomedey.

PHOTO TIRÉE D'INSTAGRAM

Junior Lemoyne Printemps, victime innocente morte dimanche

La victime de 28 ans n’était pas connue des services de police et n’avait aucun antécédent judiciaire. Le résidant de Montréal-Nord jonglait entre sa profession de barbier et un emploi d’agent de sécurité chez Garda.

Au salon L’Addict, un barber shop du quartier Rosemont où travaillait le défunt, plusieurs messages lui rendent un dernier hommage.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des messages de condoléances ont été affichés dans la vitrine du commerce de la rue Masson où travaillait le jeune barbier tué dimanche.

« Tu étais un bon, tu ne méritais pas ça », « L’esprit le plus doux et aimable », peut-on lire sur une affiche placardée sur la devanture du commerce.

« C’était un gars au sourire contagieux, rempli de bonnes intentions », décrit Sammy-Jo Joseph, sa collègue au salon de coiffure.

Il n’a jamais eu d’ennuis avec personne, se désolait-elle. Au salon, les chaises vides en disaient long mardi matin. « On essaye de garder le moral. On était plusieurs à prendre la journée de lundi. Mais il faut garder la tête haute et le sourire, parce que c’est ce que Junior aurait voulu », a poursuivi la jeune femme.

Junior Lemoyne Printemps est mort sur le coup tandis qu’un garçon de 14 ans a été gravement blessé. Leur Dodge Charger a été criblée de balles, du côté conducteur, à une centaine de mètres à peine du stationnement. Deux des trois autres passagers ont subi des blessures mineures dues aux éclats de verre.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La Dodge Charger dans laquelle se trouvait Junior Lemoyne Printemps

Selon nos informations, le défunt est un membre de la famille de Jemsley Olivier Printemps Sanon. Plus connu sous son nom de scène JPS, l’homme dans la vingtaine est membre du gang de rue Flamed Head Boys, selon diverses sources policières.

Il était également présent à la salle de réception Paragon le soir du meurtre, confient deux hommes qui gravitent autour du milieu criminel.

On ignore toutefois si Printemps Sanon était la personne visée par les coups de feu ce soir-là.

Pour l’instant, l’insécurité des résidants grimpe.

« Je vis ici depuis 2003 et c’est pas agréable de voir ce qui se passe ici », témoigne Peter Karampatos, un résidant interrogé mardi au sujet de la plus récente fusillade. « J’ai toujours eu l’impression que je vivais dans une ville sûre, dans un quartier sûr, et je veux que ça continue. Mais nous voulons voir plus de leadership en ce moment, parce que ça devient un peu incontrôlable. »