Plus d’un mois après les révélations entourant la tenue d’un mystérieux « procès fantôme », Québec nage toujours dans le flou. Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, assure que des « vérifications internes » ont été effectuées, mais refuse de confirmer la tenue d’une enquête interne sur le rôle joué par les services juridiques québécois.

« Je peux bien mener une enquête interne, mais où, quand, comment ? Il faut avoir un début d’information pour savoir comment peut se tenir un tel procès. Il faut avoir un commencement d’information », a affirmé mardi après-midi le ministre Jolin-Barrette lors des études de crédits du ministère de la Justice à l’Assemblée nationale.

La députée du Parti québécois Véronique Hivon venait alors de demander au ministre s’il avait commandé une « enquête interne » pour faire la lumière sur le rôle joué par les services juridiques québécois lors du « procès fantôme ». Le ministre s’est limité à dire que ses fonctionnaires avaient mené des « vérifications internes » et que personne n’avait donné d’autorisation pour la tenue d’un tel procès.

Bien que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’ait pas été impliqué dans ce procès hors norme (il s’agit de la Couronne fédérale), des employés provinciaux, comme des greffiers, ont possiblement participé à ce procès inédit qui ne se serait toutefois pas tenu dans un palais de justice.

« Comment les services judiciaires de son ministère ont pu voir aller un tel dossier sans qu’il y soit répertorié, sans un numéro de cour au greffe ? », a insisté la députée péquiste.

Or, le ministre Jolin-Barrette suggère que le procès a pu se dérouler sans l’implication d’aucun employé des services juridiques québécois. « C’est une possibilité », a-t-il avancé, sans donner plus de détails. La tenue d’un procès dans un tribunal québécois sans aucune participation d’employés provinciaux serait certainement du jamais vu.

L’existence de ce procès secret a été révélée par La Presse en mars dernier dans la foulée d’une décision de la Cour d’appel du Québec. De nombreuses informations de base demeurent toujours inconnues : on ne connaît ni le district judiciaire, ni le nom du juge, ni les noms des avocats impliqués. Les juges en chef des tribunaux affirment également ignorer l’identité du juge qui a piloté ce procès secret.

C’est pourquoi le ministre Simon Jolin-Barrette a demandé au Procureur général du Québec de présenter une requête à la Cour d’appel. Un consortium de médias, dont La Presse, a déposé une requête similaire qui sera entendue en juin prochain.

« Pour faire la lumière, je l’affirme : ce n’est pas normal et ça ne doit jamais réarriver qu’un dossier n‘ait pas de numéro de dossier, que le greffe ne soit pas informé, que le juge ne soit pas connu, que les procureurs ne soient pas connus aussi. La situation qui s’est produite m’apparaît inexplicable, c’est pour ça qu’on fait une requête devant la Cour d’appel », a affirmé le ministre mardi après-midi lors de l’étude des crédits.