(Québec) Carl Girouard ne pouvait distinguer le bien du mal au moment de tuer des passants innocents avec un sabre, car il a été victime d’un délire schizophrénique, a déclaré au tribunal le psychiatre Gilles Chamberland vendredi.

« Si ce n’est pas un délire, je ne sais pas ce que c’est ! Il a couru après des personnes désarmées avec un sabre, se pensant courageux. Et il était convaincu que les gens reconnaîtraient son courage », a dit ce psychiatre de l’Institut Philippe-Pinel.

Le DChamberland s’est entretenu avec le tueur au sabre du Vieux-Québec à la demande de son avocat. Il a aussi épluché des rapports d’autres experts produits dans l’enfance de Girouard.

Sa conclusion ? Le tueur n’est ni narcissique ni sadique, mais plutôt dans le spectre de l’autisme, un schizophrène victime d’un délire grandiose nourri par les jeux vidéo, qui a pris de plus en plus de place dans sa tête jusqu’au passage à l’acte.

« Pour lui, il faut être dans un monde sans technologie, sans voiture, chacun pour soi comme si on était des survivants », a noté le psychiatre.

« On peut penser qu’il invente ça… Mais c’est pas mal ça, un délire. C’est de la maladie, c’est un délire. Sinon, ça va être difficile d’expliquer qu’un individu dise des choses comme ça. »

L’expert de la défense a commencé son témoignage en parlant d’une évaluation du DHubert Van Gijseghem réalisée au moment de la séparation des parents de Carl Girouard. Il devait évaluer leur capacité parentale, mais le psychologue a surtout été frappé par la personnalité de l’enfant de 12 ans.

« Dès 12 ans, le psychologue constate qu’il est rigide dans ses idées, très formel. Il manque de sensibilité sociale et son contact est un peu robotique », a raconté aux jurés le DChamberland.

Le psychologue trouve chez le jeune Girouard « une problématique intrapsychique très importante », un potentiel agressif et impulsif, des idées morbides. « C’est une pathologie », ajoute le DChamberland.

Puis, dès 16 ans, l’idée de tuer des gens avec un sabre surgit dans la tête de Girouard. C’est le début du délire, selon Gilles Chamberland. « Il avait comme un personnage. Ce n’est pas encore deux Carl. La maladie n’a pas encore tout structuré ça. Plus ça va avancer, plus ça va devenir deux lui. »

La pandémie a tout fait basculer

Les « deux Carl » arrivent à cohabiter un moment. Il occupe différents emplois, reste fonctionnel malgré son délire. « Pendant des années, le côté sain a été capable d’ignorer le délire. »

Le jeune homme est toutefois isolé. Il n’a pas d’amis. Il n’a jamais eu de relations sexuelles. Il achète 20 sabres au fil du temps et dépense 2500 $ en masques de toutes sortes.

Mais en mars 2020, à la faveur de la pandémie, Girouard quitte son travail, demande l’assurance-emploi et se réfugie dans des jeux vidéo d’épées.

« C’est là que ça bascule. À partir du moment où il arrête de travailler, il reçoit des prestations d’assurance-chômage, il reste à la maison, ne fait que jouer aux jeux vidéo. »

Il devient de plus en plus convaincu qu’il doit tuer des innocents le soir de l’Halloween dans le Vieux-Québec. Quand il apprend que ce sera soir de pleine lune, il décide de passer à l’acte. « Quand il délire, il ne peut pas s’en rendre compte », a lancé le psychiatre.

Girouard reste calme durant sa cavale morbide et l’est tout autant durant son arrestation. Il garde le silence pendant cinq heures lors de son interrogatoire. Ces comportements ne sont pas incompatibles avec un délire, selon le DChamberland.

« C’est quelqu’un qui n’est pas capable d’avoir des émotions. Il a des sensations. On peut le trouver froid, mais il est comme ça », a-t-il dit, rappelant que selon lui, il est dans le spectre de l’autisme.

Le DChamberland témoignait pour la défense, qui avance que le tueur n’est pas responsable de ses gestes, car il souffre de troubles mentaux. La Couronne va le contre-interroger lundi au palais de justice de Québec, et entend présenter elle aussi l’expertise d’un psychiatre.

Carl Girouard est accusé de deux meurtres au premier degré et de cinq tentatives de meurtre.