Le torchon brûle au Tribunal administratif du logement (TAL). Alertée par la charge de travail excessive des juges et les dénonciations de « climat de terreur », l’Association des juges administratifs réclame l’intervention de Québec pour gérer la « crise ». Montré du doigt pour son inaction, le président du TAL fera une « déclaration » mercredi.

Cet appel inédit de l’Association des juges administratifs du TAL (AJATAL) auprès du gouvernement découle d’un dossier publié dans La Presse le mois dernier, lequel a levé le voile sur la guerre interne qui déchire les juges de l’ancienne Régie du logement. Sous le couvert de l’anonymat, des juges ont accusé le président, MPatrick Simard, de faire régner un « climat de terreur ».

PHOTO TIRÉE DU RAPPORT ANNUEL DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

MPatrick Simard, président du Tribunal administratif du logement

Un juge écarté pour inconduite sexuelle, MAndré Gagnier, mais qui se dit victime d’une vendetta de MSimard, a déposé une plainte en harcèlement psychologique à l’endroit du président. Il le décrit comme un homme « colérique » qui menace de sanctions ceux qui ne partagent pas son opinion.

Lisez le dossier « Ça brasse au Tribunal administratif du logement »

Ces dénonciations doivent être « prises au sérieux et méritent un suivi », mais « aucune action » n’a été prise par la direction, déplore Marc Forest, président de l’AJATAL dans une lettre obtenue par La Presse et envoyée au début du mois à Benoît Grenier, responsable du Secrétariat aux emplois supérieurs, une instance affiliée au ministère du Conseil exécutif.

Dans la lettre, l’Association évoque le témoignage d’un juge dans La Presse portant sur « l’importance des statistiques pour la direction, et ce, au détriment de la santé des juges administratifs ». Plus de 22 000 demandes de locataires ou de propriétaires étaient en attente de traitement l’an dernier, selon le rapport annuel.

« Cette situation est vécue par la quasi-totalité des juges et a maintes fois été dénoncée à la direction. Les juges administratifs du TAL sont littéralement à bout de souffle en raison d’une charge de travail trop élevée. Aucune solution n’a été proposée par la direction », dénonce le président de l’AJATAL, qui représente l’immense majorité des juges du TAL.

Or, le président Patrick Simard refuse d’intervenir pour régler ces problèmes, malgré les demandes de l’Association. De surcroît, le président tient l’exécutif de l’Association « responsable de l’ombrage porté au Tribunal » dans le dossier de La Presse, compte tenu de l’absence de « commentaires positifs » à son égard, indique la lettre.

L’Association réclame ainsi une « intervention rapide » du Secrétariat aux emplois supérieurs pour dénouer « l’impasse » actuelle.

« Nous vous rappelons que MSimard lui-même n’a pas répondu aux journalistes pour prendre sa propre défense. Il n’est pas du ressort du conseil d’administration de l’AJATAL de gérer cette crise », tranche l’Association dans la missive envoyée le 4 avril dernier.

Également, l’Association critique sévèrement les propos de la juge administrative Micheline Leclerc, qui a qualifié de « gang de sans-jugement » ses propres collègues en entrevue avec La Presse. De tels propos « discréditent notre tribunal » et constituent une « allégation grave, portant ombrage au sérieux du travail exercé par les membres du TAL », estime l’Association, qui souligne encore une fois l’absence de réaction de la direction.

En réponse à notre demande d’entrevue, le porte-parole du TAL, Denis Miron, s’est limité à dire que MPatrick Simard ferait une « déclaration » mercredi, sans donner plus de détails.

La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, qui est responsable du TAL, s’est abstenue de commenter l’affaire mardi en raison du processus judiciaire en cours. Même réponse du Secrétariat aux emplois supérieurs et du cabinet du premier ministre François Legault, qui dirige le ministère du Conseil exécutif.

« Campagne de salissage »

L’ex-juge administratif MAndré Gagnier, dont le mandat s’est terminé à la mi-avril, se bat en effet devant les tribunaux pour conserver son poste.

Me Gagnier estime faire l’objet d’une « destitution déguisée » et d’une « campagne de salissage » de la direction du TAL. « Rien n’arrête le président du TAL pour [le] détruire », plaide-t-il dans un document judiciaire.

Le responsable du Secrétariat aux emplois supérieurs, Benoît Grenier, a choisi de ne pas renouveler le mandat de MGagnier, en janvier dernier, en raison d’une « inconduite à caractère sexuel commise à l’encontre d’une collègue ». Selon une enquête lancée par le TAL, André Gagnier a touché la poitrine d’une collègue pendant un party de Noël entre juges. Une allégation niée par MGagnier.

« Il s’agit de l’orchestration, menée tambour battant par le président du TAL, d’une manœuvre illégale visant à s’opposer au renouvellement du mandat de [MGagnier] », indique une requête de MGagnier.

La semaine dernière, la Cour supérieure a refusé de renouveler son mandat pour un an, sans toutefois se prononcer sur le fond de son recours. L’affaire sera entendue par la Cour d’appel la semaine prochaine.

Avec la collaboration d’André Dubuc, La Presse