White-B, l’un des visages du rap québécois depuis quelques années, a été condamné à deux ans de prison moins un jour, mercredi, pour avoir pointé une arme à feu sur un travailleur de la construction pour une banale histoire de chihuahua. Le juge a fermement dénoncé les effets « extrêmement sérieux » de la violence par arme à feu.

De son vrai nom David Bouchard-Sasseville, le rappeur du collectif 5Sang14 s’est entendu signifier sa peine au téléphone depuis une prison ontarienne mercredi, au palais de justice de Montréal. Le rappeur en pleine ascension purge en effet depuis février une peine de deux ans de détention pour d’autres accusations de possession d’arme à feu et de marchandisation de services sexuels. Les déboires judiciaires de White-B n’ont étonnamment jamais été publiés.

White-B est connu sur la scène du hip-hop québécois depuis 2017. Il a fait paraître quatre albums, rempli des salles un peu partout au Québec et accumulé des millions d’écoutes sur différentes plateformes. Dans certains de ses vidéoclips, il s’affiche sans gêne avec des armes à feu. La violence et la culture de la drogue sont également mises en scène dans ses chansons.

« J’ai une carrière fructueuse qui me rapporte beaucoup d’argent », a affirmé White-B, alors que le juge l’interrogeait sur son métier.

Il chante d’ailleurs en duo avec Loud dans le plus récent single du poids lourd du rap québécois, paru le mois dernier. Joint par La Presse, Loud n’a pas souhaité commenter.

« Ça, penses-tu que c’est un faux ? »

David Bouchard-Sasseville a plaidé coupable en novembre dernier à une accusation de possession d’une arme à feu chargée. Selon la preuve présentée à l’enquête préliminaire, le Montréalais de 27 ans s’en était pris pour des broutilles à un ouvrier qui circulait en camion pour travailler dans une ruelle de Montréal en août 2019.

« Aïe, mon chien ! », entend crier la victime. En sortant de son camion, le cimentier aperçoit un petit chihuahua sortir des buissons. David Bouchard-Sasseville débarque alors en lui reprochant d’avoir presque tué son chien. « Il lui crie des bêtises, qu’il va le tuer », résume le jugement sur la citation à procès.

Le cimentier sort alors ses outils pour se mettre au travail, quelques mètres plus loin. L’ouvrier aperçoit le rappeur avec une roche à la main, près de son camion, et retourne le voir pour interpeller le criminel. White-B sort alors de sa poche une arme décrite par la victime comme un « petit revolver à baril noir ».

« Lorsqu’il montre son arme, [l’accusé] déclare : “Ça, penses-tu que c’est un faux ?” Moins de cinq pieds le séparent de [la victime] qui, à ce moment-là, craint de se faire “tirer dessus” », relate le jugement sur l’enquête préliminaire. Précisons que l’accusé n’a pas reconnu sa culpabilité à une accusation d’utilisation d’arme à feu.

C’est une expérience traumatisante pour les victimes de se faire pointer une arme à feu. Ce n’est pas une façon de régler des différends. C’est extrêmement aggravant

le juge Manlio Del Negro

Le juge a d’ailleurs tenu à dénoncer le fléau de la violence par arme à feu à Montréal, alors qu’on observe une recrudescence de cette criminalité. « Ça devient un problème social, un problème pour les jeunes, un problème de société qui a des effets extrêmement sérieux », a affirmé le juge Del Negro.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Les proches et l’agent de White-B, de son vrai nom David Bouchard-Sasseville, ont assisté au prononcé de la peine au palais de justice de Montréal mercredi matin.

En apprenant pendant l’audience que l’accusé était un rappeur populaire, le juge a rappelé que de nombreux rappeurs étaient impliqués dans des « confrontations avec des armes à feu ».

Celui qui vit par l’épée meurt par l’épée. Réfléchissez à ce dicton pendant votre temps en prison.

le juge Manlio Del Negro

David Bouchard-Sasseville a présenté ses excuses à la victime et a répété avoir fait des « erreurs », alors qu’il était un « jeune adulte ». Il s’est ainsi dit « prêt à payer le prix » pour ne plus jamais retourner en prison. « J’ai grandi, j’ai maturé, j’ai changé », a-t-il assuré.

Mais après avoir fait preuve de certains remords, le rappeur s’est ensuite targué d’être parmi les artistes les plus populaires à Montréal. « Je fais les plus grands festivals, je fais les FrancoFolies. J’ai sold-out le Métropolis, j’ai sold-out le Club Soda, j’ai sold-out à Québec et à Sherbrooke. La prochaine étape était d’aller en France pour grandir ma carrière », a raconté le rappeur.

La peine de deux ans de prison moins un jour imposée par le juge est relativement clémente. Il s’agit toutefois d’une suggestion commune des avocats que le juge pouvait difficilement refuser. La procureure de la Couronne, MChristine Desjarlais, a évoqué les possibles recours de l’accusé en vertu de la Charte pour justifier une telle peine. Celle-ci sera par ailleurs purgée à la suite de sa peine en Ontario.

Appelé à commenter, le directeur de Joy Ride Records, maison de disques de White-B, n’a pas voulu se prononcer sur l’avenir de son client. « Je n’ai pas encore tous les éléments de l’histoire. Je vais prendre une décision à tête reposée », a affirmé Carlos Munoz à La Presse.