L’organisation en catimini d’un procès criminel hors des canaux officiels a porté atteinte à la « primauté du droit » dans notre société, selon le Procureur général du Québec, qui a entrepris des démarches devant la Cour d’appel afin de corriger le tir.

« Le Procureur général du Québec considère que la situation décrite […] porte atteinte à la confiance du public envers l’administration de la justice et à la primauté du droit », expliquent les avocats du ministère de la Justice dans une requête déposée lundi devant la Cour.

C’est le ministre Simon Jolin-Barrette qui a demandé aux procureurs du gouvernement d’intervenir, dans la foulée des révélations de La Presse sur la découverte par la Cour d’appel d’un procès secret dont toutes les traces avaient été effacées. L’accusé dans cette affaire était un informateur de police et selon nos informations, son procès était piloté par des procureurs de la couronne fédérale.

La Cour d’appel a décrété que la tenue de ce procès secret était contraire aux « principes fondamentaux » du système de justice, mais elle a refusé de rendre publics le nom du juge qui a présidé à cet exercice hors-norme, le district où il siège, et la sentence qu’il avait imposée à l’informateur de police. Les noms des avocats impliqués demeurent aussi confidentiels à ce jour.

« Annihilée de façon absolue »

Dans sa requête, le Procureur général du Québec demande donc à la Cour d’appel de modifier ses ordonnances afin de permettre la création d’un vrai dossier en bonne et due forme devant le tribunal de première instance, avec un vrai numéro de dossier qui permettra de consigner l’affaire dans les archives judiciaires.

« La publicité des débats judiciaires, voire l’existence même d’un dossier judiciaire, est une question d’intérêt public et un principe fondamental dans toute société démocratique », précise la requête.

Or, « dans la présente affaire, toute possibilité de connaître l’existence de l’instance judiciaire, sauf pour les personnes dont l’identité a été tenue secrète, a été annihilée de façon absolue », poursuit le texte.

La requête demande aussi à la Cour d’appel de rendre publics les éléments du dossier qui ne compromettraient pas la sécurité de l’informateur de police, dont l’identité est protégée par la loi.

Vieux de plusieurs siècles

« Le Procureur général du Québec est justifié d’intervenir à la présente instance, et ce, afin de préserver la primauté du droit et la confiance du public envers le système de justice, dans un souci de saine administration de la justice », explique la requête.

La primauté du droit est un concept vieux de plusieurs siècles. Selon l’Encyclopédie canadienne, « la primauté du droit est un principe constitutionnel prépondérant selon lequel la loi s’applique aussi bien au gouvernement qu’à tous les fonctionnaires publics qui doivent répondre de leurs actes devant les tribunaux ordinaires ».

La requête du Procureur général est signée par MPierre-Luc Beauchesne, un avocat du ministère qui a aussi représenté le gouvernement dans des dossiers importants comme la tragédie de Lac-Mégantic et la légalité de l’imposition d’un couvre-feu pendant la pandémie.