Audrey Dulong-Bérubé a frôlé la mort lors de l’attentat du Métropolis en 2012. Dans le chaos, elle a traîné le corps de son collègue blessé par Richard Henry Bain. « On a été de la chair à canon ! », peste la technicienne de scène. Depuis, sa vie est devenue un enfer, pourrie par l’anxiété, l’alcoolisme et les tentatives de suicide.

« Ma vie, c’est vraiment de la survie. Je prends le bus et bang ! je suis de retour dans la fusillade. Ce n’est pas une vie », confie-t-elle.

Audrey Dulong-Bérubé a témoigné lundi par visioconférence au palais de justice de Montréal, à l’ouverture d’un procès civil tenu à son initiative et à celle de trois autres survivants de l’attentat du Métropolis, Guillaume Parisien, Jonathan Dubé et Gaël Ghiringelli. Ceux-ci réclament chacun 125 000 $, plus 100 000 $ en dommages punitifs, au Procureur général du Québec et à la Ville de Montréal.

Dans leur poursuite, ils reprochent à la Sûreté du Québec et au Service de police de la Ville de Montréal de n’avoir mis en place « aucune sécurité » à l’arrière du Métropolis et d’avoir « mal évalué les risques » reliés à l’élection de Pauline Marois, le 4 septembre 2012. En raison de la sécurité déficiente, Richard Henry Bain s’est facilement approché d’eux et a tué leur ami Denis Blanchette et blessé Dave Courage.

Je n’en suis jamais revenue qu’il n’y ait pas de présence policière derrière le Métropolis avec le climat politique atroce en 2012 ! Zéro police à l’arrière ! Zéro périmètre !

Audrey Dulong-Bérubé

Juste avant l’attentat, Audrey Dulong-Bérubé regarde les élections avec Denis Blanchette au sous-sol du Métropolis. Un peu avant minuit, ils vont fumer une cigarette dans les marches de l’entrée des artistes où se rassemblent de nombreux techniciens. Il n’y a aucun policier dans les parages, selon elle. Quand elle essaie de retourner dans l’immeuble, une personne lui bloque l’accès.

Soudain, c’est le chaos.

« J’entends une énorme détonation. Je vois Dave Courage tomber à mes pieds en hurlant. Mes collègues se sauvent. Je suis sous le choc. Je vois Gaël prendre un bras à Dave, je prends l’autre bras et on essaie de le tirer. Je relève ma tête, et c’est un mur de flammes », lâche-t-elle d’un trait.

« On le dépose dans le monte-charge. Il souffre. Il souffre sans arrêt. Je lève son pantalon et je vois sa plaie sur sa hanche. Il veut appeler Denis [Blanchette]. C’est un moment de chaos et de panique », poursuit-elle. Atteint par la même balle qui a tué Denis Blanchette, Dave Courage a été gravement blessé. Il ne fait cependant pas partie de ce recours.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Survivant de l’attentat du Métropolis, Guillaume Parisien était au palais de justice de Montréal mardi.

Dans les jours et les mois suivants, Audrey Dulong-Bérubé est en « total état de choc ». « Je pleure, je tremble. J’ai l’impression de vivre dans un rêve éveillé, comme une automate », confie-t-elle. Mais comme elle est travailleuse autonome, elle retourne au travail une semaine seulement après les évènements.

La jeune technicienne commence alors à « s’auto-médicamenter » en consommant de l’alcool de façon « excessive ». Elle boit régulièrement jusqu’à « passer out ». Son calvaire se poursuit pendant des années. Rongée par l’anxiété et la détresse, elle est en « état de survie », dit-elle.

Une partie de sa vie « perdue »

« Je me sens oubliée, seule, dépourvue de moyens. J’ai zéro concentration. Je fais de l’anxiété. Je n’ai plus d’énergie », poursuit-elle. Une détresse qui l’a poussée à une première tentative de suicide en 2015. Il y en aura deux autres. Malgré ses efforts pour parler du Métropolis, les experts rencontrés aux urgences ignorent ses appels à l’aide, dit-elle.

Avant les évènements, Audrey Dulong-Bérubé assure qu’elle n’était ni anxieuse ni malheureuse. Elle n’avait aucun problème d’alcool.

« J’ai l’impression d’avoir perdu une partie de ma vie, de m’être perdue », confie-t-elle. Tout ça en raison du « manque de sécurité » ce soir-là. « On a été laissés à nous-mêmes. Et on ne m’a jamais offert d’aide », déplore-t-elle.

Le procès, prévu pour 15 jours devant le juge Philippe Bélanger, se poursuit mercredi. Mes Virginie Dufresne-Lemire et Justin Wee représentent les demandeurs.

BESOIN D’AIDE ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, appelez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Consultez le site de l’Association québécoise de prévention du suicide