Pour Gilbert Rozon, il est clair que Julie Snyder et Pénélope McQuade ont délibérément tenté de lui nuire et de l’abaisser, pour le rendre « méprisable » aux yeux du public.

« C’était prémédité, c’était calculé, c’était répété », a-t-il déclaré lors d’un interrogatoire en visioconférence, en septembre dernier, alors qu’il se trouvait en Europe. Cet interrogatoire était mené dans le cadre de la préparation du procès pour atteinte à sa réputation intenté par Rozon contre les deux animatrices. Il faisait alors référence aux propos tenus par les deux femmes en septembre 2020 lors de l’émission La semaine des 4 Julie.

En ondes, les animatrices avaient discuté de leur expérience avec Gilbert Rozon. Pour le magnat déchu de l’humour, leurs déclarations avaient pour but de lui « nuire », de l’« abaisser » et de le « diminuer dans l’opinion publique » pour le rendre « méprisable », peut-on lire dans la transcription de l’interrogatoire, obtenue par La Presse mercredi et rapportée plus tôt par Radio-Canada.

L’ancien patron de Juste pour rire, qui a été accusé d’inconduites sexuelles par de nombreuses femmes en 2017, réclame 450 000 $ aux animatrices pour atteinte à sa réputation et pour avoir tenu des propos qu’il juge diffamatoires, deux semaines avant le début de son procès criminel. Julie Snyder et Pénélope McQuade jugent toutefois que la poursuite est une tactique qui relève de la poursuite-bâillon, soit le fait d’entreprendre des actions judiciaires dans le but de censurer ou d’intimider autrui.

C’était un très bon timing pour me nuire. Elles reviennent à la charge pour se faire de la publicité ou pour diffamer ou pour nuire au procès.

Gilbert Rozon, au sujet de Julie Snyder et Pénélope McQuade

Au criminel, une seule plainte a été retenue contre M. Rozon, soit celle d’Annick Charrette. Il a été acquitté à l’automne 2020. De nombreuses femmes ont intenté des poursuites civiles, qui sont toujours en cours.

« Une petite crisette »

Lors de son émission, Julie Snyder avait dit vouloir libérer sa « colère », en revenant sur des évènements qui se seraient produits il y a de nombreuses années en Europe. « Je voudrais juste dire à Gilbert Rozon que je n’ai pas pu lui dire non, parce que c’est arrivé pendant que je dormais. »

« Je dormais dans un endroit où il y avait des gens de Juste pour rire, des artistes, des directeurs, des animateurs, et à un moment, tout le monde est parti voir le spectacle. Je me suis endormie, et ça s’est passé pendant que je dormais », avait-elle ajouté.

Lors de l’interrogatoire, Gilbert Rozon a nié les accusations. Il allègue que Julie Snyder se serait invitée à son appartement de Paris, en fin de soirée. Elle serait arrivée « très légèrement » habillée, « presque en pyjama », dit l’homme, qui s’était dit « surpris » par sa tenue.

À son arrivée dans l’appartement, elle était dans « une petite crisette », puisqu’elle venait de se faire laisser par le chanteur et acteur Patrick Bruel, relate M. Rozon. Elle aurait indiqué avoir besoin de réconfort. « Je l’ai prise dans mes bras, puis elle tremblait », dit-il.

Son frère et l’assistante de ce dernier, qui étaient également dans l’appartement, se seraient ensuite joints à eux au salon, soutient-il. « On a été tous les trois assis avec elle pendant un temps. » Puis tout le monde serait allé se coucher dans des chambres séparées, ajoute-t-il.

À la suite des accusations, Pierre-Karl Péladeau aurait dit à M. Rozon que son ex-femme, Julie Snyder, aime « jouer à la victime ». « Maintenant, aujourd’hui, un acte héroïque c’est d’être une victime », a affirmé M. Rozon.

Aucune séduction, clame Rozon

Pénélope McQuade allègue pour sa part que Gilbert Rozon l’aurait suivie dans une toilette privée alors qu’elle était chroniqueuse à Salut bonjour ! et qu’elle couvrait le festival Juste pour rire. « Tout de suite après moi, je sens quelqu’un qui rentre. Je vois la lumière se fermer et j’entends la porte se barrer. Et ce quelqu’un que j’ai aperçu était Gilbert Rozon », avait-elle rapporté au Devoir en 2017. Elle affirme être parvenue à ressortir avant que les choses n’aillent plus loin.

En ondes, à l’émission de Julie Snyder, l’animatrice est revenue sur son histoire. « Dans ce que moi j’ai vécu, il ne s’agissait pas d’une agression violente. J’ai donc réussi à m’en sortir », a-t-elle dit.

Lors de la deuxième journée d’interrogatoire, Rozon a fermement démenti ces accusations. Il dit plutôt être rentré dans des toilettes privées à Juste pour rire et y avoir vu Pénélope McQuade « qui était penchée sur le lavabo ». Il se souvient d’avoir été « mal à l’aise » et d’avoir refermé immédiatement la porte. « C’est le seul souvenir que j’ai de l’avoir croisée dans une situation délicate », a-t-il déclaré, précisant qu’il n’avait jamais « tenté de séduire cette femme ».

« Un homme à femmes »

Lors de l’interrogatoire, Gilbert Rozon a confié que plus jeune, il était « un homme à femmes ». « J’aime beaucoup la gent féminine, j’ai toujours été entourée dans mes bureaux de femmes, énormément de femmes », a-t-il déclaré.

J’ai aimé les femmes, effectivement, mais pas au point que ça soit une addiction.

Gilbert Rozon

Questionné au sujet du mouvement #metoo, il a dit observer que « l’amour était libre et différent » dans les années 1960 ou 1970. « On sait aujourd’hui qu’une agression se définit d’un simple regard insistant ou de regarder le corsage d’une femme », a-t-il déclaré, ajoutant qu’avec « les innombrables » dénonciations anonymes sur Facebook ou Twitter, « on n’est pas loin du Moyen Âge et de mettre des gens au pilori ».

Avec Isabelle Ducas et Katia Gagnon, La Presse