Le Service de police de la Ville de Montréal vient d’échouer dans sa tentative d’empêcher un homme d’affaires d’acquérir un bistrot de l’arrondissement de Saint-Léonard et d’hériter de ses permis d’alcool, pour le motif qu’il aurait des liens avec la mafia.

L’homme d’affaires, Rosario Magri, ancien propriétaire du Terranostra et du restaurant Kitchen 73, a acheté le bistrot Gianni, situé sur le boulevard Couture, mais le SPVM s’est adressé à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) pour que la transaction soit bloquée et que les permis d’alcool ne lui soient pas cédés.

Selon le SPVM, M. Magri serait relié au chef de clan Vittorio Mirarchi, « une figure très influente du crime organisé italien » et qui, selon la police, « serait pressenti pour devenir le prochain parrain de la mafia montréalaise », peut-on lire dans la décision de la RACJ.

Lors de l’audience, un enquêteur des renseignements du SPVM a raconté qu’en octobre 2014, le véhicule de M. Magri a été la cible d’un incendie criminel. Ce dernier s’est toutefois défendu en témoignant que les policiers dépêchés sur les lieux n’ont pas exclu qu’il puisse y avoir eu erreur sur la personne.

Des enquêteurs de la Sûreté du Québec et de la Gendarmerie royale du Canada ont témoigné qu’en octobre 2016 et en octobre 2020, M. Magri a été vu aux funérailles de Vincenzo Spagnolo, un proche de l’ancien parrain Vito Rizzuto, et à celles de la mère de M. Spagnolo, Mme Maria Cammisano-Spagnolo.

PHOTO DÉPOSÉE DEVANT LA RACJ

Les enquêteurs de la GRC étaient présents aux funérailles de Mme Maria Cammisano-Spagnolo et ont photographié Rosario Magri (au centre) à sa sortie de l’église.

Mais M. Magri a témoigné qu’il ne connaissait pas M. Spagnolo, qu’il est resté aux deux funérailles durant quelques minutes seulement et qu’il y est allé à la demande de sa mère qui connaissait la mère de Vincenzo Spagnolo et qui voulait ainsi transmettre ses respects à la famille.

Le 3 mars 2018, les membres du groupe Éclipse du SPVM sont entrés au bar Gianni et ont remarqué la présence de M. Magri, ainsi que celle de trois individus connus des policiers, Domenico Scali, Salvatore Iannattone et Felice Racaniello.

Domenico Scali a un lien de parenté avec Vittorio Mirarchi. Salvatore Iannattone a aussi des liens familiaux avec le chef de clan et est connu des policiers. Felice Racaniello a été condamné pour complicité dans la foulée du meurtre de l’aspirant-parrain Salvatore Montagna commis en 2011, et pour lequel Mirarchi a également fait de la prison.

Manque d’informations

Rosario Magri a été vu par les policiers avec M. Scali à au moins deux autres reprises selon les témoignages entendus.

M. Magri s’est défendu en affirmant notamment que Domenico Scali est le cuisinier du Gianni et un ami. Au sujet de cette relation, la juge administrative de la RACJ déplore qu’aucune démarche sérieuse n’ait été faite pour établir le profil de M. Scali.

« Ses antécédents judiciaires n’ont pas été vérifiés et sa profession non plus. Il aurait pourtant été pertinent de le faire surtout si l’on considère la nature des liens qu’on lui reproche d’avoir avec le crime organisé », écrit MNatalia Ouellette.

M. Magri a dit ne pas connaître Iannattone et Racaniello. Rien dans le rapport de police n’indiquait que les quatre hommes se parlaient et qu’ils étaient assis à une même table.

« (….) La preuve au dossier ne permet pas de conclure que le comportement de M. Magri soit problématique et qu’il entretienne des liens avec des personnes influentes du crime organisé », conclut MOuellette, qui rejette l’objection du SPVM sur la transaction et le transfert des permis d’alcool.

Celle-ci souligne aussi que M. Magri n’a aucun casier judiciaire, qu’il ne fait l’objet d’aucune accusation criminelle, qu’il n’a jamais eu de démêlés avec la police alors qu’il exploitait d’autres établissements et que le bistrot Gianni ne fait l’objet actuellement d’aucun signalement pour des manquements à la tranquillité publique et à la sécurité publique.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.