(Québec) Québec s’adresse au plus haut tribunal du pays pour contester la constitutionnalité de la loi fédérale C-92, qui vise à donner pleine autonomie aux Premières Nations en matière de protection de la jeunesse. Une décision qui provoque l’ire de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et Labrador (APNQL).

Le Procureur général du Québec conteste devant la Cour suprême la décision de la Cour d’appel du Québec qui a donné en bonne partie raison au gouvernement fédéral, le 10 février. Dans sa décision, le tribunal a conclu qu’Ottawa n’outrepasse pas ses pouvoirs sauf pour deux dispositions de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Québec disposait de 30 jours pour faire appel de la décision. « C’est une question de compétence entre le gouvernement québécois et canadien, et nous, on poursuit la relation avec les communautés autochtones », a réagi mercredi le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette. Il a rappelé que des « mécanismes » existent déjà dans la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) pour déléguer certains pouvoirs aux communautés.

« C’est possible d’avoir un partenariat avec les communautés autochtones pour, justement, qu’il y ait une prise en charge en matière de la protection de la jeunesse, mais ça doit se faire à l’intérieur du partage des compétences qui existe dans la Constitution », a-t-il ajouté en mêlée de presse. Or, les articles de la LPJ ne vont pas assez loin aux yeux des Premières Nations, qui souhaitent se prévaloir de C-92.

« Le 14 mars 2022, en dépit des invitations répétées de [l’APNQL] à la collaboration, le procureur général du Québec a choisi plutôt d’exercer son droit d’appel et conteste devant la Cour suprême du Canada la décision de la Cour d’appel du Québec », a déploré l’APNQL dans un communiqué publié mercredi.

« L’APNQL dénonce ce choix du Québec, qui persiste dans sa négation des droits fondamentaux des Premières Nations, de nos enfants et de nos familles », a dénoncé le chef Ghislain Picard.

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Ghislain Picard

« L’adversité, on connaît ça. Nous sommes plus que jamais déterminés à défendre le principe reconnaissant la légitimité de nos gouvernements. Nous allons nous opposer aux prétentions du Québec devant la Cour suprême et nous allons continuer d’appuyer les gouvernements de Premières Nations dans l’exercice de leurs compétences auprès de nos enfants, de nos jeunes et de nos familles », a-t-il ajouté.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a aussi fait valoir que la contestation était sur une question de compétences. « Les gens pourraient être déçus, mais pas surpris. Depuis le départ, c’était très, très clair. C’est une question d’arguments entre le fédéral et nous. C’est en rien un refus de reconnaître l’autonomie des Premières Nations », a-t-il fait valoir.

Pour l’heure, Québec peut déléguer certains pouvoirs en matière de protection à l’enfance en vertu de l’article 37,5 de la Loi sur la protection de la jeunesse, mais cela ne donne pas la pleine autonomie aux Premières Nations qui souhaitent s’en affranchir. Seule la communauté atikamekw d’Opitciwan s’est prévalue de la loi C-92 jusqu’à maintenant.

Québec contestait devant la Cour d’appel la constitutionnalité de la loi fédérale. Selon le tribunal, les principes généraux de la loi C-92 « sont compatibles avec la législation québécoise sur la protection de l’enfance ».

Le tribunal a donné cependant raison à Québec sur l’article 21 et le paragraphe 22(3) du texte législatif.

L’article 21 de C-92 « donne force de loi fédérale » à un texte législatif que voudrait adopter une collectivité autochtone selon certaines conditions. Parmi celles-ci, une communauté et Ottawa pourraient s’entendre sans Québec s’il y a une démonstration que la collectivité autochtone n’est pas parvenue à conclure une entente négociée avec la province malgré « des efforts considérables ».