« Aucune mort violente n’apparaît sensée, mais certaines sont douloureusement futiles. ». La mort d’un garçon de 15 ans aux mains de son ancien meilleur ami de 16 ans, et ce, pour des « trivialités » en est un exemple probant, selon la juge. S’il a été acquitté de meurtre prémédité, le jeune homme a été reconnu coupable d’homicide involontaire.

« Le Tribunal n’a pu que constater de premier plan les ravages causés dans ce dossier par les blessures d’égo et les désirs dérisoires de prouver sa valeur et sa force », s’est désolée la juge Catherine Perreault mercredi en chambre de la jeunesse du palais de justice de Laval.

Théo* était accusé d’avoir prémédité le meurtre de Max, un ado de 15 ans poignardé pendant une bagarre dans un parc de Laval, le 1er janvier 2020. Assis aux premiers rangs aux côtés de ses parents, le jeune homme maintenant âgé de 19 ans restera détenu en centre jeunesse jusqu’à sa sentence.

Quelques jours avant cette tragique conclusion, Théo, Max et le frère de ce dernier étaient pourtant des amis inséparables. Ils étaient comme les « trois mousquetaires » décrit la juge. Cependant, une banale prise de bec sur les réseaux sociaux à propos d’une camarade de classe a dégénéré à une escalade de menaces et de violence. L’identité des jeunes impliqués est protégée par la loi.

Dans les jours précédant la bataille fatidique, Théo a échangé des messages « menaçants » et « violents » avec les frères, selon la juge. Il les a carrément invités à se battre à 13 reprises. Deux jours avant le drame, il demandait d’ailleurs à la victime de venir au parc en l’insultant. « T’auras une surprise », disait Théo. Tu vas « manger à mon nouveau jouet », enchaînait-il.

Ainsi, contrairement à ses prétentions, Théo n’est pas allé au parc Marc-Aurèle-Fortin avec l’intention de faire la paix avec les frères. Pourquoi, sinon, avoir apporté pas un, mais deux couteaux à steak ? La juge n’a ainsi accordé « aucune crédibilité » au témoignage de l’accusé qui a plutôt tenté de « minimiser » l’impact de ses messages, ainsi que l’existence d’un conflit entre lui et la victime.

Au parc, Théo était le seul de son camp. Devant lui, les deux frères l’attendaient avec trois amis en retrait, dont deux se sont joints plus tard à la bagarre. Les versions divergent sur le déroulement de la bataille, relève la juge. Celle-ci retient que les frères ont frappé Théo en premier et que l’accusé s’est retrouvé au sol d’une à trois fois pendant la bagarre. Néanmoins, Théo n’est pas tombé dans un « guet-apens », comme le soutient la défense, estime la juge.

La preuve démontre que c’est Théo qui a posé le coup mortel au thorax de Max, a conclu la juge. Personne d’autre n’avait d’arme blanche ce soir-là. Il restait ensuite à déterminer si Théo avait donné le coup fatal dans un contexte de légitime défense. Ce n’est pas le cas, a déterminé la juge.

La juge Perreault est « sensible » à la peur qu’a pu ressentir Théo pendant la bagarre. Mais rien ne l’obligeait à se battre, rappelle la juge. Avant de se rendre au parc, Théo savait que les frères n’étaient pas seuls. De fait, une personne raisonnable n’aurait pas craint pour sa vie au point de poignarder son ami d’enfance et n’aurait pas cru que cet ami puisse le blesser « simplement pour avoir été banni d’un forum de discussion », conclut la juge.

Néanmoins, la juge n’a pas été convaincue hors de tout raisonnable par la preuve de la Poursuite que Théo avait l’intention de tuer Max en se rendant au parc. Même si elle a écarté la légitime défense, la juge retient que Théo a porté ces coups alors que la bataille faisait rage et qu’il « croyait subjectivement que la force avait été employée contre lui ».

De plus, la Cour ne peut écarter le témoignage de l’un des adolescents qui a indiqué que Théo avait tendu la main aux frères en arrivant au parc. Ainsi, l’intention de Théo se limitait à se « battre pour se venger » de torts insignifiants, et non à tuer son ancien meilleur ami.

« Le Tribunal demeure convaincu que le conflit est trop trivial et la fin de l’amitié trop récente pour qu’il puisse conclure que Théo a intentionnellement commis l’irréparable », conclut la juge. Le jeune homme a ainsi été déclaré coupable d’homicide involontaire, d’agression armée et port d’armes dans un dessein dangereux, mais a été acquitté du chef le plus grave du Code criminel.

Les procureures de la Couronne MMarie-Ève Vautier et MMarie-Ève Dubeau demandent que le jeune homme soit assujetti à une peine pour adulte. La juge Perreault sera appelée à trancher cette question à la lumière d’un rapport et des évaluations psychologiques et psychiatriques. La peine maximale est de trois ans de garde pour un mineur, contre la prison à vie pour un adulte. MGuy Poupart et MSarah Tricoche défendent l’accusé.

*Noms fictifs