Une Québécoise reconnue coupable en France d’avoir tué son fils est morte avant de voir sa peine exécutée

« Un jugement a été rendu en France. Pour la vérité, c’était très important. Mais ensuite, que ça débouche sur l’exécution d’une peine ou non, c’est un peu secondaire parce que le drame a eu lieu et que plus personne n’y peut rien. »

Joint par La Presse en France, c’est ainsi que Julien Geraud a décrit le sentiment qui l’habite depuis qu’il a appris le décès, de cause naturelle en janvier dernier, de son ancienne conjointe québécoise, Marie-Christine Bujold, jugée et reconnue coupable à Paris d’avoir tué leur fils.

En novembre 2002, Jean-Patrick Bujold-Geraud, 3 ans, le garçon du couple – qui vivait alors séparé par l’océan Atlantique –, est mort dans des circonstances nébuleuses à Montréal la veille du jour où M. Geraud, arrivé de France, devait le voir dans le cadre d’une visite supervisée.

Le bambin était seul avec sa mère au moment du drame et, même si les enquêteurs des Crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont toujours soupçonné que l’enfant avait été noyé dans son bain, le coroner n’a pu déterminer avec exactitude la cause du décès.

M. Geraud a alors amorcé devant la justice française une bataille qui a duré 15 ans. Après avoir reçu des autorités canadiennes des lamelles histologiques et d’autres éléments de l’autopsie, des médecins spécialistes français ont conclu au meurtre par noyade et Mme Bujold a été reconnue coupable d’homicide et condamnée à l’issue d’un procès tenu en son absence dans la capitale française en 2020.

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Julien Geraud, père de Jean-Patrick Bujold-Geraud

Grande amertume

Cette affaire inusitée a été dévoilée au public par La Presse à l’automne 2019 et a eu un certain retentissement.

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L’avocate parisienne de M. Geraud, MFlorence Rault, avait entamé des démarches auprès du parquet afin que Mme Bujold soit extradée en France pour y purger sa peine, ou qu’elle la purge au Canada, lorsqu’elle a appris la mort de la Québécoise.

PHOTO THOMAS COEX, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

MFlorence Rault, avocate de Julien Geraud

MRault déplore de n’avoir toujours pas obtenu la collaboration de la justice canadienne dans ce dossier.

« Alors que le Canada peut être très à la pointe en matière de justice et très coopératif dans certains domaines, je dois dire que dans ce dossier, tant au niveau de l’enquête que de la coopération ensuite pour faire juger la seule personne qui pouvait être responsable de la mort de Jean-Patrick, le Canada ne s’est pas montré à la hauteur de sa réputation.

« Il y a quand même une grande amertume. Je pense que les autorités canadiennes auraient pu aider les autorités françaises pour sa comparution. C’est dommage et infiniment regrettable que cela n’ait pu se faire. M. Geraud va rester tout le reste de sa vie avec des questions qui demeureront sans réponse », affirme MFlorence Rault, jointe par La Presse à Paris.

M. Geraud croit que pour les enquêteurs du SPVM, « les choses étaient claires », et que c’est la faute de la magistrature canadienne si les choses ne sont pas allées plus loin, plus vite.

« Je crois qu’au Canada, ils se sont dit : “Bon, le père est de l’autre côté de l’Atlantique, on n’en entendra pas beaucoup parler, donc on fait au plus simple et on laisse tomber” », dit-il.

« C’est une justice inachevée. Son décès [celui de Mme Bujold] change quelque chose, mais ce n’est pas un baume. C’est juste que je vais cesser de penser à elle », conclut M. Geraud.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.