Un braqueur qui a semé la terreur dans les commerces du Grand Montréal en 2017 a été condamné lundi à 17 ans d’emprisonnement. Cette peine conséquente aurait toutefois pu être beaucoup plus sévère si la juge n’avait pas déclaré inconstitutionnel un article du Code criminel ciblé par le gouvernement Trudeau.

De septembre à novembre 2017, Jeffrey Marshall Ménard a braqué pas moins de 19 banques et restaurants-bars à Montréal, Laval, Longueuil, Candiac et Berthierville, faisant ainsi 36 victimes. Compte tenu des peines minimales applicables, la Couronne réclamait la peine quasi record de 26 ans de détention à l’égard du Montréalais de 39 ans, coupable de 40 chefs d’accusation en 2020.

Or, d’imposer 19 ans de prison, soit un an pour chaque utilisation d’une fausse arme à feu lors d’un braquage, a un effet « excessif et démesuré » et s’avère « totalement disproportionné », a tranché la juge Anne-Marie Lanctôt de la Cour du Québec. Surtout que ces 19 années s’ajouteraient à huit ans de détention pour vol qualifié. Une telle peine (27 ans) s’apparente aux sentences imposées dans les affaires d’homicide et de meurtre, soulève la juge.

« Il n’est pas question de banaliser les gestes commis, mais de les imposer sur une échelle de gravité des crimes. Le Tribunal considère que la peine minimale la contraint à imposer une peine exagérément disproportionnée », analyse-t-elle.

C’est pourquoi la juge Lanctôt a déclaré inopérant l’article 85(4) du Code criminel imposant de purger la peine minimale en matière d’usage d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu de façon consécutive à toute autre peine. Elle estime que cet article porte « gravement atteinte » aux droits constitutionnels de l’accusé.

Cette décision importante – qui risque probablement d’être portée en appel – fait écho au projet de loi C-5 déposé cet hiver à la Chambre des communes. Le gouvernement Trudeau demande en effet d’abroger les peines minimales pour une dizaine de crimes liés aux armes à feu, dont l’utilisation d’une arme à feu lors d’une infraction.

Jeffrey Marshall Ménard employait un modus operandi d’une redoutable efficacité. Vêtu d’une cagoule, il entrait dans le commerce en « cyclant » son pistolet et ressortait avec le butin en un éclair. Sur les vidéos de surveillance, on peut le voir glisser la culasse de son arme vers l’arrière de façon ostentatoire avant de la braquer sur un employé. Il n’hésitait donc pas à menacer les victimes avec son arme.

« Give me the money », lance-t-il à un employé d’un restaurant du boulevard Métropolitain à qui il demande d’ouvrir les appareils de loterie vidéo. Il met en garde l’employé : « Fais attention, mon arme est chargée. » Dans un autre braquage, il pousse son arme sur le ventre d’une employée qui pensait jusqu’alors à une blague. Après lui avoir volé son argent, il lui demande : « Where’s the big cash ? »

Même s’il a été reconnu coupable d’avoir commis ces braquages avec une fausse arme à feu, la juge a conclu que Ménard avait utilisé une véritable arme à feu.

Comme Jeffrey Marshall Ménard est détenu depuis son arrestation en 2017, il ne lui reste que 10 ans et 7 mois à purger sur sa peine de 17 ans en tenant compte du temps passé en détention préventive.

MAlexis Dinelle a représenté le ministère public, alors que MSimon Leduc a défendu l’accusé.