(Québec) Le magnat de l’immobilier George Gantcheff poursuit en diffamation pour 1,25 million de dollars le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire. Il lui reproche des propos « calomnieux » et « vexatoires » tenus lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale.

Le 16 février dernier, Éric Caire a nommé l’actionnaire majoritaire du groupe immobilier Cromwell inc. dans une sortie visant à répliquer à la députée libérale Lise Thériault.

Cette dernière voulait ce jour-là se porter à la défense de son ancien chef Jean Charest – aujourd’hui candidat pressenti à la direction du Parti conservateur du Canada –, alors qu’Éric Caire avait accusé celui-ci de ne « pas [avoir] été un modèle » en matière d’éthique.

Lise Thériault avait décoché une flèche au ministre lors d’un point de presse en disant qu’il avait « embelli son CV dans sa course à la chefferie » de l’Action démocratique du Québec, en 2009.

Quelques instants plus tard, dans un corridor menant au Salon bleu, des journalistes avaient interpellé M. Caire pour obtenir sa réaction aux propos de Mme Thériault. « Personnellement, je n’ai pas de George Gantcheff dans mon CV, ou de Marc Bibeau, ou de Franco Fava, ou de William Bartlett », avait-il lancé, une sortie ayant été rapportée dans plusieurs médias.

Atteinte à l’intégrité

Selon George Gantcheff, les propos d’Éric Caire « sont diffamatoires et portent atteinte à [sa] réputation », comme on peut le lire dans une poursuite déposée le 25 février au palais de justice de Montréal. « Ils laissent injustement et faussement entendre que monsieur George Gantcheff n’est pas intègre » et ils « signifient que le fait d’être associé [à celui-ci] démontre qu’une personne est malhonnête aussi ».

Lors de sa mêlée de presse, le ministre Caire faisait allusion à un reportage de l’émission Enquête diffusée en 2016 sur des soupçons de fraude à la Société immobilière du Québec (SIQ) – devenue Société québécoise des infrastructures (SQI). Le PDG de l’époque, Marc-André Fortier, et les collecteurs de fonds libéraux Franco Fava, William Bartlett et Charles Rondeau se seraient partagé 2 millions de dollars en commissions dans le cadre de transactions impliquant la société d’État en 2007-2008.

Le reportage portait entre autres sur la vente, à l’entreprise de George Gantcheff, de deux immeubles où le gouvernement était demeuré locataire. La vérificatrice générale Guylaine Leclerc avait dénoncé en 2017 des irrégularités dans les transactions.

Dans la poursuite, on peut lire que « si par le passé le nom du demandeur a été associé par certains médias à des allégations de malversations à la [SIQ] », l’Unité permanente anticorruption (UPAC) « a mis fin à son enquête au sujet de ces allégations » en 2019. « Les conditions ne sont effectivement pas réunies pour aller plus loin et soumettre une demande d’intenter des procédures au Directeur des poursuites criminelles et pénales », concluait l’UPAC.

George Gantcheff fait ainsi valoir qu’« en aucun temps [il] n’a fait l’objet d’accusations relativement à la commission de fraude, de malversation ou de tout autre acte criminel et encore moins été condamné à cet égard ». Il accuse Éric Caire de lui avoir causé de « graves préjudices […] en le discréditant publiquement et injustement ».

Dommages-intérêts et pertes de revenus

M. Gantcheff réclame 500 000 $ à M. Caire à titre de « dommages-intérêts compensatoires pour le préjudice moral dont il a été victime ». Il exige 500 000 $ supplémentaires « pour des pertes de revenus futurs en raison des doutes que [ses propos] ont fait naître au sujet de son intégrité ».

Il se dit également en droit d’exiger « des dommages-intérêts punitifs » de 250 000 $ « en raison du caractère intentionnel de l’atteinte à sa réputation, étant entendu que le défendeur s’est servi du demandeur à des fins de politique bassement partisane ».

L’homme d’affaires précise que le ministre « ne peut se réfugier derrière quelque immunité ou privilège parlementaire que ce soit », dans la mesure où il a tenu ses propos à l’extérieur du Salon bleu. Il lui reproche de ne pas avoir répondu à sa mise en demeure du 18 février.

Appelé à réagir à cette poursuite, Éric Caire a fait savoir, par la voix d’une porte-parole, qu’il ne ferait aucun commentaire.

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse