Il y a de plus en plus d’interventions policières au Québec visant à raisonner ou à maîtriser des personnes désespérées qui menacent d’attenter à leur vie ou à celle d’autrui. Chaque fois se déploie une opération appelée « Filet » pour désamorcer la crise. Aux commandes, des policiers qui ont plus à voir avec des psychologues nous expliquent, pour une rare fois, comment une telle opération se vit de l’intérieur. Un dossier de Daniel Renaud

De l’écoute et de l’empathie

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Christina Vlachos et Antonio Romero, enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM spécialisés dans la négociation avec des personnes désespérées ou des preneurs d’otage

Des négociateurs se confient pour une rare fois

Un soir de mai frisquet à Montréal. Un homme, sur le toit d’un immeuble, menace de se jeter dans le vide.

Deux enquêteurs des Crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), une femme et un homme, sont debout dans une nacelle et discutent avec le désespéré depuis des heures, en grelottant, le cou cassé, l’estomac vide, la vessie pleine.

  • Antonio Romero et Christina Vlachos lors de l’opération menée en mai 2019 dans l’ouest de l’île de Montréal

    PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

    Antonio Romero et Christina Vlachos lors de l’opération menée en mai 2019 dans l’ouest de l’île de Montréal

  • Antonio Romero et Christina Vlachos lors de l’opération menée en mai 2019 dans l’ouest de l’île de Montréal

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    Antonio Romero et Christina Vlachos lors de l’opération menée en mai 2019 dans l’ouest de l’île de Montréal

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Durant leur conversation, l’homme confie qu’il aime le chanteur américain Stevie Wonder. « I just called to say I love you », chantonne alors la policière Christina Vlachos.

Le courant passe avec le forcené, qui s’intéresse à la vie des deux enquêteurs et leur pose toutes sortes de questions. La négociation se terminera au bout de 13 heures par le sauvetage pacifique et sans blessure du malheureux.

La sergente-détective Vlachos et son coéquipier, le sergent-détective Antonio Romero, font partie de la vingtaine d’enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM formés non seulement pour enquêter sur les meurtres, mais également pour négocier avec les personnes désespérées ou les preneurs d’otage.

Le travail des enquêteurs négociateurs a rarement été décrit au public, et ils ont accepté de le faire, à la demande de La Presse.

Depuis 2015, Christina Vlachos a pris part à une dizaine d’opérations, baptisées Filet, tous des cas de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Pour sa part, Antonio Romero en effectue environ quatre par année depuis 2016. Chacune de leurs interventions a été un cas d’espèce. Les opérations Filet sont de plus en plus fréquentes ces dernières années, et se déploient dans des circonstances précises selon une mécanique bien huilée (voir texte à l’onglet suivant).

Deux couteaux sur la gorge

Le baptême du feu a été brutal pour Christina Vlachos. La première personne désespérée à laquelle elle a fait face lui tenait deux couteaux sous la gorge. Une autre fois, c’était une forcenée à demi vêtue ou un homme barricadé dans un quartier ouvrier et dont la reddition s’est négociée en pleine rue. La policière a dû négocier en criant devant des badauds qui ne se sont pas gênés pour participer à la discussion et mettre leur grain de sel.

« Vous êtes patiente », lui a dit une femme, une fois l’opération terminée sans effusion de sang.

Mme Vlachos se rappelle également cette fois où un malheureux ne parlait que l’arabe et que la communication était impossible. L’enquêteur a fait appel à deux patrouilleuses qui parlaient arabe et qui se sont rendues sur les lieux. Il s’est alors créé un premier contact qui a ouvert la voie à un règlement sans drame.

Pour sa part, Antonio Romero se souvient de son intervention auprès d’une femme complètement nue en plein délire, qui menaçait de se tuer avec un couteau et de se mutiler avec des aiguilles et une chandelle allumée. Au cours d’une conversation qui a duré plus de six heures, il a convaincu la malheureuse de déposer d’abord la chandelle, puis les aiguilles et, enfin, le couteau. « Chaque fois que tu te fais mal, tu me fais mal », a-t-il dit à la femme, sur les épaules de laquelle il a déposé une couverture à la fin de l’opération. La femme a approuvé le travail du policier en le serrant dans ses bras.

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Antonio Romero, enquêteur négociateur au SPVM

Tous les jours, on aide indirectement des gens à la section des homicides. Mais là, on se retrouve face à face avec une personne qui ne voit pas de porte de sortie et on l’aide directement. C’est très valorisant.

Antonio Romero, enquêteur négociateur au SPVM

« J’ai fait des négociations avec des gens qui, même s’ils sont repartis menottés, m’ont donné une accolade. Je me dis : “Wow ! J’ai été capable d’avoir un lien de confiance avec ces personnes.” C’est un beau feeling de dire que la police a aidé quelqu’un dans le besoin. J’adore ce travail. Si on avait juste ce rôle-là, séparé des homicides, je le ferais à temps plein », renchérit sa collègue.

L’intelligence émotionnelle

Une négociation avec une personne désespérée dure fréquemment plus de six heures, pendant lesquelles les policiers sont souvent en train de monologuer.

Les enquêteurs ne se décrivent pas comme des psychologues, mais plutôt comme des intervenants qui doivent posséder une bonne « intelligence émotionnelle » et dont les premières qualités sont, notamment, la faculté d’adaptation, la patience et l’écoute.

« Tu ne peux pas aider quelqu’un si tu n’es pas prêt à l’écouter, et l’intelligence émotionnelle, c’est d’être capable d’identifier les émotions que ces gens-là vivent. Des fois, ça devient beaucoup plus comme une conversation entre deux gars dans un bar parce qu’ils ont juste besoin de quelqu’un qui va les écouter. Il faut aider sans juger, être empathique et aimer les gens. Il faut être capable de se placer dans leur position et de voir un peu leur réalité », explique l’enquêteur Romero.

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Christina Vlachos, enquêtrice négociatrice au SPVM

L’écoute active, ce n’est pas juste écouter ce que la personne dit – ou ne dit pas –, c’est déterminer ce qu’elle veut vraiment dire et ça, ça demande une concentration extrême, peu importe le moment de la négociation.

Christina Vlachos, enquêtrice négociatrice au SPVM

C’est entre autres pour cette raison que les policiers travaillent à deux, en s’entraidant et en se complétant. Parce que l’enquêteur est aussi un être humain qui peut être fatigué après des heures de négociations ou qui peut lui-même traverser une période difficile.

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Paul Verrault, commandant des Crimes majeurs du SPVM

« Plus de la moitié de nos cas, ce sont des cas de santé mentale. On n’est pas des psychologues de formation. On travaille avec des outils qui sont autres. Notre meilleur outil, ce sont toujours les négociateurs. L’intelligence émotionnelle, l’empathie, l’écoute, c’est tout ça qui va amener le reste », explique leur patron, Paul Verrault, commandant des Crimes majeurs du SPVM.

Rester à jour

Les opérations Filet à Montréal ont leurs particularités. En milieu urbain, les négociations se font beaucoup plus en face à face qu’ailleurs au Québec. Il y a la barrière de la langue – des gens qui ne parlent ni français ni anglais –, de la culture et de la religion. La sergente-détective Vlachos indique avoir aidé un jeune homme dont la famille, qui avait pourtant appelé la police, ne voulait pas qu’il aille à l’hôpital. Elle l’a rassurée et a encore des contacts avec elle aujourd’hui.

Christina Vlachos et Antonio Romero restent continuellement à jour : elle lit des livres écrits par des experts de la négociation et a même commencé à lire un résumé du Coran. Lui suit des formations, regarde des vidéos d’experts du FBI et lit des livres sur la psychologie et l’intelligence émotionnelle.

« C’est important de connaître beaucoup de sujets pour faire face à différentes situations. J’essaie d’avoir le plus de connaissances possible, car tu ne sais pas si, un jour, l’une d’entre elles ne va pas te permettre d’accrocher la personne », dit la policière.

« Je me garde à jour parce que tu ne sais jamais ce que sera l’enjeu du prochain Filet », poursuit son collègue.

Depuis peu, des psychologues du programme d’aide aux employés du SPVM appuient les enquêteurs lors de négociations.

Signe des temps, le SPVM a commencé à se pencher sur les négociations par messages texte, après qu’un précédent a eu lieu récemment en Ontario.

« Avec la négociation, on règle la très grande majorité des cas »

PHOTO FOURNIE PAR LA SQ

Des négociateurs à l’œuvre à l’intérieur d’un poste de commandement mobile lors d’une opération Filet menée par la Sûreté du Québec

« Comme policiers, on se met toujours à la place de la personne désespérée, comme si c’était un membre de notre famille. Même si on prive quelqu’un de sa maison, pour sa sécurité, pendant deux, trois, quatre ou cinq heures, la vie humaine vaut beaucoup plus que ça », lance Christian Michaud, directeur adjoint des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec (SQ).

L’inspecteur Michaud est le responsable de l’équipe de commandants d’opérations Filet pour la SQ. Son équipe peut intervenir sur tout le territoire de la Sûreté du Québec, dans les municipalités où le corps de police local n’a pas le niveau de service requis pour mener ces interventions et même dans de plus grandes villes, si un coup de feu est tiré ou une prise d’otage survient durant l’opération. À Québec et à Montréal, le SPVQ et le SPVM ont les compétences, les ressources et le niveau de service requis pour mener à bien ces interventions.

Une veille Filet (appelée Préfilet ou désescalade au SPVM) entraîne le déclenchement d’un certain dispositif, selon la situation, mais ne se terminera pas par l’utilisation de la force par les policiers pour maîtriser une personne barricadée.

En revanche, une opération Filet de niveau 2 exige inévitablement le recours au Groupe tactique d’intervention (GTI) et à des négociateurs, le déploiement sur place d’une structure d’opération, la mobilisation ou la réquisition d’un poste de commandement dans lequel l’officier responsable et ses adjoints dirigeront l’opération, le soutien technique, un psychologue, etc.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Déploiement du Groupe tactique d’intervention du SPVM lors d’une opération menée auprès d'un homme barricadé dans le quartier Rosemont, le printemps dernier

Le nombre de cas augmente

Depuis 2019, le nombre d’opérations Filet a très légèrement augmenté à la Sûreté du Québec, notamment parce que la SQ a choisi de miser davantage sur les veilles Filet qui, elles, ont vu leur nombre doubler entre 2019 et 2021.

Du côté du SPVM, le nombre de personnes barricadées a augmenté de 23 % entre 2020 et 2021, passant de 74 à 91. Même si le nombre d’opérations Préfilets est resté stable entre 2019 et 2020, avec une douzaine, les opérations Filet ont, au SPVM, littéralement doublé entre 2019 et 2021, passant de 11 à 23.

La SQ et le SPVM n’établissent toutefois pas avec certitude de lien entre la pandémie – et le confinement – et la hausse du nombre de veilles et d’opérations Filet, car il n’y a pratiquement pas eu de cas où cet aspect a été évoqué lors des interactions avec les forcenés.

Un mort moins d’une fois sur dix

Selon des chiffres de la SQ, entre 2013 et 2019, 90 % des veilles et opérations Filet se sont terminées par la reddition pacifique du désespéré, et par sa mort dans 10 % des cas.

« On ne veut pas de blessures graves ou de morts parmi les personnes désespérées, les citoyens et les policiers », souligne l’inspecteur Michaud.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Christian Michaud, directeur adjoint des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec

Nous sommes en relation d’aide et nous allons toujours privilégier et donner le temps à la négociation. Avec elle, on vient à bout de régler la très grande majorité des cas. C’est ce qui explique pourquoi, parfois, les citoyens trouvent ça long et se plaignent des impacts sur leur vie.

Christian Michaud, directeur adjoint des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec

« Le nombre de morts est stable. C’est environ 1 ou 1,5 personne par année. L’auteur peut parfois s’être suicidé. Ce n’est pas toujours la police qui tire. C’est rare que nous ouvrons le feu, mais ça arrive », affirme Christian Michaud, rappelant le cas de l’individu qui a tiré sur les policiers et qui a été abattu par ces derniers à Saint-Agapit, en octobre 2020.

D’abord isoler la menace

Que ce soit à Montréal, à Québec ou ailleurs dans la province, en milieu rural ou urbain, les opérations Préfilet et Filet se déroulent toujours selon des règles établies et éprouvées, en fonction de l’évaluation des risques.

Les premiers patrouilleurs appelés sur les lieux dressent immédiatement un périmètre autour de la maison où la personne est barricadée. Toutes les portes de la résidence et la moindre voie de sortie sont sécurisées, pour éviter que le désespéré, s’il ne menace que lui-même, réussisse à sortir de chez lui et à s’en prendre à d’autres personnes.

« Dans la majorité des cas, nous avons affaire à des gens perturbés, et leurs réactions sont imprévisibles. En isolant la menace, on veut s’assurer qu’elle ne se déplace pas, pour ne pas que la situation s’envenime », explique l’inspecteur Michaud.

Connaître les intentions

Une fois le périmètre établi, une communication est tentée avec le forcené pour établir un contact et connaître ses intentions.

Des policiers de la SQ ont été formés dans toutes les régions où se trouve également un commandant local d’opérations Filet. Même si le commandant provincial est loin, il peut être joint, selon la situation. Même le GTI et d’autres effectifs peuvent être appelés de façon préventive.

« On a donné de la formation à nos gens en région, car on veut s’assurer qu’ils vont commencer plutôt que toujours attendre des ressources qui viennent de Montréal ou de Québec.

« Ça nous prend des informations le plus rapidement possible pour évaluer le degré de dangerosité : le nombre de personnes impliquées, l’identité des otages s’il y en a, les descriptions physiques, la description des lieux, les revendications, les menaces, les paroles, les intentions et les gestes. »

On va toujours analyser quel type d’auteur on a devant nous, mais aussi la perception que la personne aura de nous et de nos gestes. On ne veut pas provoquer une réaction parce qu’il ne comprend pas ce que nous faisons.

Christian Michaud, directeur adjoint des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec

Quand le GTI prend le contrôle

Si le GTI est appelé, ses membres prennent le contrôle du premier périmètre et les patrouilleurs en dressent un deuxième plus large dans lequel des résidences pourraient être évacuées.

« Il faut tenir compte de la puissance de l’arme à feu, ou tenir compte de ce que le forcené possède, une bombe par exemple, pour établir la superficie du périmètre. C’est très important d’écouter ce que dit le forcené et d’évaluer sa capacité réelle. Un coup de feu signifie le déclenchement automatique d’une opération Filet », indique l’inspecteur Michaud.

Lors d’une opération Filet, un poste de commandement est établi. Les policiers de la SQ réquisitionnent souvent une résidence privée située dans un endroit stratégique. Le commandant dirige tout. Il écoute également les conseils de ses adjoints. Il en a plusieurs. Un pour les négociateurs, un autre pour les enquêtes, celui du GTI, celui du profilage, un autre en psychologie, etc. Ils sont tous assis à la même table.

Ne rien laisser au hasard

PHOTO FOURNIE PAR LA SQ

Opération Filet menée à Stornoway, près de Lac-Mégantic, en 2019. Le désespéré, qui s’était barricadé chez lui, s’est rendu après des heures de négociations.

Les antécédents de la personne, ses médicaments, son historique familial et de vie, son permis d’arme à feu si elle en a un, l’emplacement de chacune des pièces dans la maison, etc., tout est documenté.

Si un évènement survient dans le Grand Nord, les négociateurs de Montréal peuvent parler directement avec le forcené.

Rien n’est laissé au hasard. Il n’y a pas d’improvisation. Tout est structuré et planifié. Mais en même temps, on a affaire à des gens désorganisés, donc il faut essayer de prévoir l’imprévisible.

Christian Michaud, directeur adjoint des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec

« Chaque fois que l’on fait un geste, on essaie de prévoir sa réaction. Le commandant doit toujours analyser ses actions en se posant ces questions : est-ce que c’est nécessaire ? Est-ce que c’est risqué ? Est-ce que c’est justifiable en fonction de l’analyse de la situation ? », explique M. Michaud.

En constante évaluation

Chaque année, les commandants des opérations Filet de partout au Québec mettent à jour leurs connaissances et reçoivent des formations sur les nouvelles techniques.

Tous les corps de police échangent également des informations sur des cas durant lesquels des situations particulières se sont produites.

« C’est une évaluation en continu, et les techniques ont beaucoup évolué dans les 25 dernières années. On revoit toujours nos méthodes pour s’améliorer et quand on a des évènements où cela a moins bien été, on s’oblige à les corriger », conclut l’inspecteur Michaud.

En chiffres

À Montréal (SPVM)

2019 / 11 opérations Préfilet, 11 opérations Filet

2020 / 74 personnes barricadées, 23 op. Préfilet, 12 op. Filet

2021 / 91 personnes barricadées, 17 op. Préfilet, 23 op. Filet

En région (Sûreté du Québec)

2018 / 32 veilles, 11 op. Filet

2019 / 41 veilles, 21 op. Filet

2020 / 59 veilles, 26 op. Filet

2021 / 98 veilles, 23 op. Filet

* Dans les deux tableaux, les opérations Filet sont des interventions de niveau 2. Il existe aussi des opérations Filet de niveaux 3 et 4. Un Filet 3 concerne une personne barricadée avec un impact majeur sur la sécurité des gens. Par exemple, une personne qui monterait sur la structure du pont Jacques-Cartier. Un Filet 4 concerne une situation avec victimes multiples, par exemple la tragédie de Lac-Mégantic ou la tuerie au collège Dawson.

60 %

Depuis 1990, une arme à feu a été impliquée dans plus de 60 % des opérations visant à maîtriser une personne barricadée menées par la Sûreté du Québec.

Dans les coulisses d’une opération Filet

PHOTOMONTAGE LA PRESSE

Chronologie d’une opération Filet menée par la Sûreté du Québec pour maîtriser un homme barricadé dans son logement du Centre-du-Québec en décembre 2019

9 h 47

Un appel est fait au 911 pour un homme dans la soixantaine, schizophrène et suicidaire. L’homme a dit à la femme qui a appelé le 911 qu’il allait rejoindre ses parents – qui sont morts –, mais qu’il n’avait pas le courage de le faire lui-même.

Les premières informations reçues indiquent, notamment, qu’il est seul, qu’il n’a aucune arme enregistrée à son nom, qu’il serait armé d’un couteau de boucher et d’un marteau, qu’il a tenté de donner un coup de marteau au maître-chien sans l’atteindre, qu’il raccroche lorsqu’on tente de l’appeler et que la dernière fois qu’il a eu affaire à la police, l’intervention a mal tourné.

Entre 9 h 47 et midi

Toute tentative de contact au téléphone, avec le porte-voix ou autre, est restée lettre morte.

12 h 10

Les policiers rencontrent son ex-conjointe, qui leur dit notamment que le forcené est schizophrène et paranoïaque et qu’il ne prend pas ses médicaments.

12 h 30

L’opération Filet est déclenchée. Les négociateurs, les membres du Groupe tactique d’intervention (GTI), le soutien technique, le maître-chien, un psychologue et un opérateur de drone sont sollicités.

13 h 33

Le commandant de l’opération demande un topo à son adjoint, qui révèle notamment que l’homme barricadé est un expert en arts martiaux, qu’il est fermé à l’idée de recevoir de l’aide et qu’il a vu son psychiatre il y a deux semaines.

13 h 42

Nouveau topo : l’homme a dit qu’il ne se tuerait pas lui-même, mais que ce serait fait d’ici la fin de la journée. Lorsque les patrouilleurs tentaient de déverrouiller la porte, l’homme la reverrouillait immédiatement. Les patrouilleurs ont entendu à l’intérieur du logement les bruits d’un rouleau de duct tape qu’on déroulait. Le forcené mesure 5 pi 7 po, pèse 180 lb et pratique aussi la boxe. Il a dit à son ex-conjointe d’aller chez sa fille pour ne pas voir ce qui allait se passer.

14 h 15

Les négociateurs appellent l’homme à cinq reprises, mais tombent sur sa boîte vocale.

Entre 14 h 35 et 15 h 13

38 autres appels sont tentés, en vain. Les policiers demandent à son ex-conjointe d’enregistrer un message qu’ils pourront diffuser au moment opportun.

16 h 28

Le négociateur se présente dans le périmètre et tente d’établir un contact direct, sans plus de succès. Le message de l’ex-conjointe est ensuite joué à deux reprises, sans réponse.

16 h 56

Un autre topo est fait sur le forcené avec de nouvelles informations. On apprend que l’homme déteste les policiers et les motards depuis qu’il s’est radicalisé il y a cinq ans. Une fenêtre de son logement a été brisée par le GTI pour permettre des communications directes.

18 h 08

Les membres du GTI fracassent la porte-fenêtre. Ils voient le sujet qui a un couteau dans les mains. L’homme n’est pas coopératif et lance un couteau vers les membres du GTI.

18 h 15

L’homme est caché derrière un mur et les tentatives de communication avec le porte-voix ne donnent aucun résultat.

18 h 52

L’adjoint GTI informe le commandant que l’individu se trouve dans la salle de bains et a fait un doigt d’honneur aux policiers. Le psychologue constate qu’il n’y a pas d’indice de risque suicidaire, que les négociations sont dans l’impasse et que rien ne laisse croire que la situation ira en s’améliorant.

19 h 07

Le commandant demande au GTI de retirer la rampe du balcon pour faciliter une potentielle entrée des policiers casqués. Avec le porte-voix, le négociateur invite le forcené à se rendre.

19 h 25

Le négociateur se rend dans le blindé du GTI pour tenter une dernière fois de parlementer avec le forcené, avec son porte-voix. Les sirènes et gyrophares sont activés, sans résultat.

19 h 29

L’adjoint GTI demande à ses hommes d’enlever le rideau de la fenêtre de la salle de bains, mais le suspect arrache le bout de la gaffe utilisée par les policiers.

20 h 16

L’adjoint GTI informe le commandant que le suspect est dans une chambre à l’arrière et demande l’autorisation que ses hommes montent sur le balcon. Le commandant ordonne de mettre fin aux négociations et de faire silence.

20 h 18

Les membres du GTI font irruption dans le logement et maîtrisent l’individu. L’adjoint GTI informe le commandant que le sujet a été maîtrisé et qu’il est menotté au sol.

Après son arrestation, l’homme a été amené dans un centre hospitalier pour une évaluation psychiatrique. Il a été accusé de voies de fait contre un agent de la paix trois jours plus tard, mais a été reconnu non criminellement responsable au terme du processus judiciaire.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.