Près de 15 ans après avoir comploté pour frauder la Ville de Montréal en détournant près de 5 millions, l’ex-consultant en informatique Benoit Bissonnette a finalement pris le chemin du pénitencier, menottes aux poignets, mercredi.

L’homme de 59 ans a été condamné à 30 mois derrière les barreaux, au palais de justice de Montréal, après avoir plaidé coupable, en novembre 2021, à une accusation de complot pour fraude.

La peine de 30 mois était une suggestion commune des avocats de la poursuite et de la défense.

Dans sa décision, le juge Mario Longpré a indiqué qu’il « aurait infligé une peine beaucoup plus sévère que celle suggérée par les parties, […] compte tenu de la culpabilité morale élevée de l’accusé et des facteurs aggravants ».

Le complice de Bissonnette, le fonctionnaire municipal Gilles Parent, a été condamné à six ans de prison pour fraude dans cette affaire, après avoir plaidé coupable en 2012. Il a été libéré sous conditions en 2015.

Peine clémente ?

Lors des observations sur la peine, la poursuite avait reconnu que la suggestion commune de 30 mois pouvait sembler clémente, mais elle avait notamment fait valoir que Benoit Bissonnette avait été condamné, en cour civile, à rembourser plus de 2,4 millions, conjointement avec sa conjointe Bei Ye et avec Gilles Parent.

Cependant, le jugement civil a été porté en appel, aucun remboursement n’a encore été fait, et Bissonnette, qui gagne sa vie en faisant des rénovations, habite toujours dans sa maison avec sa conjointe.

« L’accusé fait valoir qu’il est complètement ruiné et que sa résidence fait l’objet de différentes saisies », souligne la décision du juge Longpré.

« Acharnement judiciaire »

Il s’agissait du troisième procès pour Bissonnette depuis son arrestation en 2009 par l’escouade Marteau, intégrée depuis à l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

« La tenue de trois procès par jury pour la même affaire a engendré des coûts importants pour la société », a noté le juge.

Mais pour un psychologue qui a rencontré Bissonnette en 2021, ces procédures sont la preuve d’un « acharnement judiciaire » qui a causé à l’accusé un trouble de stress post-traumatique.

L’accusé « est victime de persécutions de l’État sur une période prolongée qui prennent la forme de violence psychologique », selon le docteur en psychologie Randolph Stephenson, qui a remis un rapport d’évaluation au moment où Bissonnette a fait sa troisième demande en arrêt des procédures.

Mais le Tribunal « accorde très peu de crédibilité à ce témoignage ainsi que très peu de valeur probante à son évaluation », a rappelé le juge Longpré.

Prête-nom et commissions illégales

Le crime de Benoit Bissonnette remonte à 2006 et s’est étiré sur deux ans.

Il a admis qu’il avait, à l’époque, conclu avec Gilles Parent une entente visant à frauder la Ville. Le duo avait créé une entreprise, FORTÉ, en utilisant un prête-nom.

FORTÉ a reçu 1 million de dollars en commissions illégales versées par des entreprises privées qui fournissaient des services informatiques à la Ville de Montréal, selon un résumé des faits déposé à la cour l’automne dernier.

L’entreprise détenue par les deux fraudeurs a aussi réussi à s’approprier 3,5 millions de dollars de fonds publics, qu’elle faisait transiger par Hong Kong, en bernant la Ville grâce à de la « préfacturation » pour des services inexistants et à la création de faux individus.

FORTÉ a de plus empoché 750 000 $ grâce à un stratagème lui permettant de faire travailler ses employés à la Ville en facturant des honoraires professionnels, précise le résumé.

En 2015, Benoit Bissonnette avait été acquitté par un jury au terme d’un premier procès, mais la Cour d’appel avait annulé cet acquittement et ordonné un nouveau procès parce que le jury n’avait pas reçu les directives appropriées avant ses délibérations.

En 2020, un deuxième procès devant jury avait avorté parce qu’un procureur de la Couronne avait fait référence pendant l’interrogatoire d’un témoin à un document d’incorporation d’une entreprise à Hong Kong, alors que celui-ci avait été jugé inadmissible en preuve.

Avec Vincent Larouche, La Presse