Une lame de couteau tendue devant son œil, Martine* a pensé mourir. « Est-ce que tu peux la sentir, là ? Est-ce que tu es proche de la mort ? », lui crache son tortionnaire. Cleephord Linecker Losse a fait vivre un calvaire sans nom à cette jeune femme forcée de se prostituer pendant un an, allant même jusqu’à lui faire avaler de force de la drogue pour l’aider à se suicider.

Caché derrière ses proches lundi à son arrivée au palais de justice de Montréal, l’homme de 30 ans de Repentigny a été reconnu coupable d’une quinzaine de chefs d’accusation, dont traite de personnes, proxénétisme d’une mineure et contacts sexuels sur une adolescente. Fait rarissime, il a même été déclaré coupable d’avoir aidé une victime à tenter de se donner la mort.

Le récit des deux victimes de Cleephord Linecker Losse est à glacer le sang. Sa première victime n’avait que 15 ans lorsqu’elle est tombée sous son joug, alors qu’elle avait des problèmes personnels et financiers. Pendant un mois, l’adolescente s’est prostituée à de nombreuses reprises au profit du proxénète, à l’insu de sa famille, jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.

Battue à de multiples occasions par son bourreau, la seconde victime, une femme dans la vingtaine, a vécu un véritable cauchemar pendant un an. Lors du premier épisode de violence, Cleephord Linecker Losse la frappe au visage avec un cintre et la bat « comme un homme » en la projetant sur les murs. Lorsqu’il s’excuse, il lui lance : « Regarde ce que tu viens de me faire faire ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Cleephord Linecker Losse

De Toronto à Montréal jusqu’au Bas-Saint-Laurent, Martine doit « faire » de trois à cinq clients par jour. En un an, elle donnera 40 000 $ à son bourreau. Au fil des mois, la violence s’amplifie. Les claques et les coups de poing deviennent routiniers. Cleephord Linecker Losse l’oblige même à avoir des relations anales avec lui pour « asseoir son autorité » et pour lui « montrer qui était le patron ».

« L’accusé contrôlait même jusqu’à la nourriture qu’elle pouvait ingurgiter. [Martine] vivait dans la crainte permanente de se faire battre si elle lui désobéissait, crainte qui allait même jusqu’à ce qu’il la fasse disparaître », soutient le juge Erick Vanchestein.

Lors d’un sordide épisode, Cleephord Linecker Losse menace Martine avec un couteau tout en lui empoignant la gorge. Après avoir pris la fuite, elle veut se donner la mort en absorbant deux pilules de speed. C’est alors que l’accusé la retrouve et lui dit : « Laisse-moi t’aider, je vais te faire mourir ». Il prend le sac et lui insère de force une vingtaine de comprimés dans la gorge en lui bouchant le nez. Elle a heureusement survécu.

Martine se tourne vers les policiers lorsqu’elle apprend que l’accusé veut qu’elle « parte pour Halifax », un euphémisme pour la faire « disparaître » dans le milieu. Cleephord Linecker Losse était d’ailleurs surnommé « Ghost », parce qu’il faisait « peur au monde », selon la victime.

Le juge Vanchestein a complètement rejeté le témoignage « hésitant » et « calculateur » de l’accusé qui a multiplié les « invraisemblables » à la barre des témoins. En plein témoignage, l’accusé a même demandé à sa copine de quitter la salle d’audience pour ne pas qu’elle entende certains faits. Cela démontre la « personnalité contrôlante » de Losse, selon le juge, qui a évidemment refusé d’obtempérer.

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Un proche de l’accusé a mis les vêtements de ce dernier pour berner les journalistes.

À la suite du jugement, la procureure de la Couronne MAmélie Rivard a réclamé l’incarcération immédiate du proxénète. Une demande toutefois refusée par le juge. Pour déjouer les photographes à sa sortie du palais, Cleephord Linecker Losse a échangé ses vêtements avec un proche et a pris la poudre d’escampette.

*Prénom fictif pour protéger l’identité des victimes