La poursuite voulait confisquer de l’argent et des objets à l’effigie des Hells Angels appartenant à deux motards, mais une juge a refusé vendredi matin, soulignant à plusieurs reprises que les procureurs n’avaient pas fait la preuve que les individus étaient membres du groupe criminel et que les articles saisis dans leur résidence étaient des biens infractionnels.

Les deux motards sont Stéphane Maheu et Michel Langlois, membres de la section South des Hells Angels, arrêtés dans le projet Objection mené par l’Escouade nationale de répression du crime organisé de la Sûreté du Québec en 2018 et condamnés pour trafic de stupéfiants et gangstérisme.

La poursuite a demandé la confiscation de sommes d’argent, de breloques, de boucles de ceinture et d’autocollants à l’effigie des Hells Angels, plaidant entre autres qu’il est de connaissance judiciaire que ce groupe de motards constitue une organisation criminelle et que les deux accusés se sont reconnus coupables des chefs déposés contre eux.

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Stéphane Maheu au palais de justice de Montréal en 2018

« Nous soumettons que nous n’avons pas besoin de faire entendre des experts quant à l’aspect que les Hells Angels constituent un groupe de motards hors-la-loi, c’est maintenant acquis, les tribunaux le reconnaissent et n’exigent plus de preuve plus poussée à cet égard-là », a expliqué MAudrey Simard, du Bureau de la grande criminalité et des affaires spéciales.

La procureure a aussi déposé de la jurisprudence, notamment une décision devenue une référence pour la poursuite et par laquelle le juge Denys Noël, de la Cour du Québec, a ordonné la confiscation de biens appartenant à des motards, dont certains n’avaient pas été accusés à l’issue d’une enquête policière.

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Michel Langlois (à droite), lors de son arrestation en avril 2018

« Il n’y a rien qui prouve que ces biens étaient en possession de [MM. Maheu et Langlois]. Trudeau disait que ce qu’il se passait dans la chambre à coucher ne regardait pas l’État. Toutes ces choses-là se trouvaient dans la chambre à coucher. Pas dans un bar, pas sur le dos de quelqu’un en train de brasser un portier. Personne ne porte ces choses-là. Elles sont rangées dans des maisons privées et appartiennent à on ne sait qui puisqu’il n’y a pas de preuve à cet effet-là. C’est rendu que maintenant, on pense qu’agiter le spectre des Hells Angels fait en sorte que les règles de droit ne s’appliquent plus », avait rétorqué le criminaliste MGilles Doré, soulignant notamment qu’aucune preuve ne prouvait que les biens et l’argent étaient liés à des infractions, qu’ils appartenaient aux deux condamnés, et même que ces derniers étaient membres des Hells Angels.

Objets d’intimidation ou de fierté

La juge Karine Giguère, de la Cour du Québec, lui a donné raison. Même si elle conclut qu’il est de connaissance judiciaire que les Hells Angels sont une organisation criminelle, elle souligne à huit reprises dans son jugement de six pages que la preuve ne lui a pas été faite que ces biens sont reliés aux infractions reconnues.

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Autocollants à l’effigie des Hells Angels

« La Loi est claire, il n’est pas illégal de posséder ce type d’objet. Le législateur a même refusé d’adopter un projet de loi en ce sens », écrit notamment la juge Giguère, en reprenant l’un des arguments de MDoré, qui a rappelé, lors de sa plaidoirie, que le gouvernement Trudeau avait rejeté un projet de loi – présenté par un député du Bloc québécois – en 2017.

Dans son jugement, la juge Giguère aborde une question maintes fois soulevée dans les procédures judiciaires concernant les Hells Angels, l’intimidation et le port des « couleurs ».

Elle décrit le mot « couleurs » comme étant « la veste au complet, incluant le logo de la tête de mort ailée », et réfère aux autres objets à l’effigie des Hells Angels comme étant des objets de fierté, d’appartenance ou de soutien au groupe.

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Liasse d’argent saisie par les policiers

Plus de 10 500 $ avaient été saisis par les policiers chez Michel Langlois et plus de 2000 $ chez Stéphane Maheu. La juge considère qu’aucune preuve ne lui a été faite que cet argent a servi ou devait servir aux infractions, qu’il appartient aux deux condamnés et même que ceux-ci n’avaient pas de travail légitime au moment de l’enquête.

« La preuve soumise dans le cadre d’une requête en confiscation ne peut reposer sur du ouï-dire, lequel est inadmissible en vertu des règles ordinaires de la preuve. Cela signifie qu’une preuve directe de chaque élément doit être présentée », conclut la juge Giguère, qui a ordonné que tous les articles saisis chez MM. Langlois et Maheu leur soient remis, sauf une vidéo tournée par les caméras de surveillance, chez Stéphane Maheu, le jour de la perquisition et une petite quantité de stupéfiants.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.