Chaque fois qu’un féminicide survient, Michèle Fullum se dit que ça aurait pu être elle. En mars dernier, quelqu’un s’est introduit dans son logement en son absence pour le saccager. Le suspect serait un ami de longue date avec qui elle refusait d’entretenir une relation amoureuse. Elle vit depuis dans la peur et l’angoisse.

Aussitôt arrivée à proximité du logement, près d’un mois après les faits, la jeune femme éclate en sanglots. Le matelas de la chambre principale éventré par des coups de couteau. De la peinture orange sur chaque mur. L’écran de télévision en mille morceaux. Les drains bloqués ayant provoqué un important dégât d’eau. La porte défoncée est encore abîmée et le plancher, gondolé.

Michèle Fullum chasse les larmes du revers de la main, tassant du même coup ses mèches blondes. « Des coups de couteau. Là où je dors. Je n’en reviens pas. » La violence avec laquelle l’intérieur de son appartement de Mirabel a été détruit la bouleverse.

PHOTO FOURNIE PAR MICHÈLE FULLUM

Le matelas de la chambre principale, éventré par des coups de couteau

Partie passer la nuit chez une amie, Mme Fullum croit à une blague quand la police la joint le 26 mars dernier au sujet d’une entrée par effraction dans son domicile, boulevard de Saint-Canut.

Le suspect serait un ami proche de Mme Fullum, identifié par le voisinage. Il a été arrêté, puis libéré sous certaines conditions, dont celle de ne pas entrer en contact avec la plaignante ou l’approcher. L’homme de 57 ans doit comparaître début juillet, confirme l’inspecteur Vincent Rozon, du Service de police de la Ville de Mirabel.

« Obsessif et manipulateur »

Tout commence en novembre dernier. Mme Fullum passe la nuit avec le suspect, ami de longue date en qui elle a confiance, précise-t-elle. Toutefois, elle ne souhaite pas aller plus loin dans la relation.

Pour elle, c’était amical ; pour lui, c’était l’amour fou. Très vite, l’homme devient « obsessif et manipulateur », raconte-t-elle. « C’était le soir de ma fête, j’avais bu un peu. Je lui disais après que je ne voulais plus le voir de cette façon, mais il m’envoyait encore des textos et passait chez nous. »

Michèle Fullum continue à répondre aux nombreux messages, admet-elle. Mais elle demeure transparente : elle ne veut pas de relation amoureuse ou sexuelle avec le suspect. « Il inventait toujours des prétextes pour venir me voir. Il venait à ma job. Il insistait en disant qu’il m’aimait, qu’il était un bon gars pour moi. »

La mère de famille ne nie pas avoir été proche du suspect. Il côtoyait ses filles, leur achetait des cadeaux.

Il m’a aidée, mais s’en servait pour me manipuler.

Michèle Fullum

Le matin du 25 février, au réveil, Michèle Fullum se dirige vers la cuisine. À sa grande surprise, le suspect se tient debout au milieu de la pièce et l’accueille avec un sourire, affirme la plaignante. « Il était proche de moi, il savait où je laissais mes clés pour ma petite. Il est entré chez moi comme si de rien n’était. »

C’est la fois de trop. Mme Fullum coupe les ponts avec son ami. L’homme quitte les lieux, irrité. « Si tu veux de moi un jour tu me feras signe. […] Je mérite pas ça si tu penses que je suis pas bon c’est insultant », lui écrit-il dans un échange de textos, plus tard dans la journée. Elle le bloque peu après. Il continue à demander de ses nouvelles par l’entremise d’amis communs.

« Mon regret là-dedans, c’est de ne pas avoir porté plainte. J’aurais dû. J’aurais donc dû », dit en soupirant la femme de 35 ans, mère de deux enfants.

Un mois plus tard, son appartement est détruit.

« Il m’a tout enlevé »

Depuis, Michèle Fullum garde un œil à travers les rideaux. « Il m’a tout enlevé. J’ai dû déposer les enfants chez leur père en attendant. Je n’ai plus de maison, je ne dors pas. Ma pire crainte, c’est de voir sa camionnette blanche s’approcher. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’appartement saccagé de Michèle Fullum

Cette crainte s’est matérialisée la semaine dernière, dans le stationnement d’un Dollarama de la couronne nord de Montréal. À bord de son véhicule, l’homme l’aperçoit et fait demi-tour. Il dépose le jour même une plainte contre elle pour menace et conduite dangereuse après l’avoir croisée, à la grande surprise de Mme Fullum. Elle doit comparaître à l’été pour des accusations qu’elle juge non fondées.

Pendant qu’il se promène, je dois vivre avec ce stress, alors que j’avais le droit de lui dire non.

Michèle Fullum

Le suspect n’est pas autorisé à s’approcher d’elle ni à la joindre. « Je ne me suis jamais approchée de lui à ce moment-là. Je n’ai rien fait ou rien dit. Il ne s’est absolument rien passé. Je pense qu’il a fait ça pour sauver les meubles », insiste-t-elle.

L’homme impliqué dans ce dossier n’a pas donné suite à la demande d’entrevue de La Presse afin d’expliquer sa version des faits.

Mme Fullum n’a plus accès à son logement malgré un renouvellement de bail. La serrure a été changée. Elle demeure temporairement chez un membre de sa famille. « Le proprio m’a mise à la porte en voyant les dommages. Je ne veux pas retourner là-bas anyway, mais ce que je vis en ce moment, je le vis dans la précarité. »

Joint au téléphone, le propriétaire du logement a refusé de faire tout commentaire.