À l’issue de l’identification des deux corps retrouvés vendredi à Mercier, en Montérégie, les autorités ont confirmé samedi que Richard West, 50 ans, a « mis fin aux jours » de sa conjointe Dyann Serafica-Donaire, 38 ans, avant de s’enlever la vie à son tour. C’est le dixième féminicide à survenir depuis le début de l’année au Québec.

L’analyse de la scène et les informations recueillies sur place « démontrent » en effet qu’il s’agit d’un meurtre conjugal, a confirmé en matinée la sergente Anik Lamirande, de la Sûreté du Québec. « Les autopsies seront complétées cette semaine au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale à Montréal », a-t-elle poursuivi à ce sujet.

Elle confirme du même coup que Richard West a bel et bien « mis fin aux jours » de Dyann Serafica-Donaire, avant de « mettre fin à ses propres jours ». Selon nos informations, le couple aurait été en instance de séparation au moment des faits. L’homme était sur le point de quitter la maison, d’après des sources.

Précisons que l’enquête se poursuit néanmoins dans cette affaire. L’investigation criminelle étant terminée, l’enquête en devient maintenant une « pour le coroner », qui continuera son travail afin d’identifier les causes et les circonstances exactes dans cette affaire. L’équipe des crimes contre la personne de la SQ et les policiers de Mercier y collaboreront.

Les deux personnes avaient été retrouvées mortes vendredi dans une résidence de Mercier, sur la rue Beauchemin, vers midi. Les policiers avaient d’abord considéré que ces morts étaient suspectes.

« Tout le Québec est secoué d’apprendre qu’une dixième femme vient de perdre la vie dans un contexte de violence conjugale. Nos pensées sont avec les proches de la victime et notre gouvernement continue le travail pour proposer rapidement des solutions à cette crise préoccupante », a assuré la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, sur Twitter.

La vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault a aussi dit apprendre « avec horreur un deuxième féminicide dans la même semaine, le dixième cette année ». « Notre cœur se brise chaque fois en pensant à ces femmes et à leurs proches. Nous avons un plan en réponse à l’urgence, qui sera annoncé bientôt. Restons attentifs aux signaux, sauvons les femmes », a-t-elle imploré.

Du jamais vu

Appelée à réagir, la directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF), Manon Monastesse, n’en revient pas d’arriver à dix féminicides aussi tôt dans l’année. Comme plusieurs autres, l’organisme craint depuis plusieurs semaines que le déconfinement graduel augmente le nombre d’incidents violents contre les femmes.

À ce rythme-là, on va atteindre notre moyenne annuelle de 12 bien plus tôt qu’à la normale. Cette accélération, c’est vraiment du jamais vu. Partout dans le monde en ce moment, on atteint des sommets.

Manon Monastesse, directrice de la FMHF

L’organisme confirme qu’il est en discussions « intensives » avec le gouvernement, afin de déterminer quelles actions peuvent être prises à très court terme pour stopper cette « série noire ». « On devrait avoir une annonce commune très bientôt, au courant de la semaine prochaine, dit Mme Monastesse. On discute directement avec Geneviève Guilbault, mais ça se fait à tous les niveaux et de manière presque quotidienne, donc c’est très encourageant », avance-t-elle, d’un ton plus optimiste.

« Il faut non seulement améliorer la situation des maisons d’hébergement, mais aussi plus globalement, de tout ce qui entoure le filet de sécurité pour les femmes », implore Mme Monastesse.

De son côté, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC) s’est dit très très inquiet par ce « décompte horrifiant qui ne semble pas se tarir », en soulignant que « le triste bilan annuel de 2020 vient d’être dépassé en moins de quatre mois ».

« On nous demande souvent comment mettre fin aux féminicides, et la réponse est plurielle : nous avons besoin d’agir à court, à moyen et à long terme, à la fois avec des mesures d’urgence, à la fois avec un changement des mentalités en profondeur », lance la présidente de l’organisme, Chantal Arseneault, en invitant les proches et toute la population à demeurer vigilants.

Série de féminicides

Lundi dernier, la Sûreté du Québec a aussi arrêté un homme de 46 ans, lundi, pour le meurtre de sa conjointe Carolyne Labonté, survenu le 18 mars dans la MRC de Charlevoix-Est. Plus tôt, fin mars, Kataluk Paningayak, 43 ans, avait été retrouvée morte à Ivujivik, dans le Grand Nord. Elle aurait été tuée par son conjoint, a confirmé la Sûreté du Québec.

Rebekah Harry, 29 ans, a pour sa part succombé à ses blessures le 23 mars. Elle aurait été battue par son conjoint. Sa famille a d’ailleurs organisé une marche en son honneur, récemment. Myriam Dallaire, 28 ans, et sa mère Sylvie Bisson, 60 ans, ont également été violemment assassinées début mars dans leur domicile de Sainte-Sophie, dans les Laurentides. L’ex-conjoint de Myriam Dallaire a été accusé du double meurtre.

Le 19 mars dernier, le corps inerte de Nadège Jolicœur a été découvert par un passant à Saint-Léonard, dans un taxi. Elle aurait été poignardée par son conjoint, qui s’est ensuite donné la mort.

Elisapee Angma, mère de quatre enfants, a été tuée dans sa résidence par son ex-conjoint le 5 février. Nancy Roy, une femme de Saint-Hyacinthe prise dans une relation toxique, aurait été poignardée par son conjoint en février dernier.

Fin février, Marly Édouard a perdu la vie à Laval après avoir reçu une balle à la tête. Selon nos informations, elle aurait reçu des menaces peu avant sa mort et craignait pour sa vie.

Avec Daniel Renaud, La Presse