Les administratrices de la liste « Dis son nom », qui publie en ligne depuis juillet 2020 une liste d’individus décrits comme des agresseurs, portent en appel la décision de la Cour supérieure du Québec les obligeant à dévoiler leur identité, ainsi que celle des dénonciateurs, au plaignant Jean-François Marquis.

« Depuis trop longtemps, les victimes d’inconduites sexuelles se butent à de nombreuses barrières dans notre société, empêchant ainsi la guérison des victimes et l’arrivée de changements significatifs », a martelé vendredi dans un communiqué le groupe, qui disposait de 30 jours pour porter la cause en appel.

Rappelons que le Montréalais Jean-François Marquis poursuit au civil les deux créatrices de la page « Dis son nom ». Son nom se trouve sur cette liste, qui compte environ 1500 entrées.

Il leur reproche notamment de n’avoir effectué aucune démarche pour obtenir sa version des faits. Il réclame 50 000 $ en dommages aux créatrices de la page et exige que leur identité soit dévoilée dans le cadre du procès.

Une identité en cause

L’ancienne illustratrice judiciaire Delphine Bergeron est l’une des deux femmes derrière la liste. Elle a dévoilé son identité de son propre chef en septembre 2020 dans le cadre d’une entrevue au journal Le Devoir. La seconde administratrice ne veut toutefois pas être connue. Elle avait obtenu le droit de conserver son anonymat, et les documents de cour la présentaient sous les initiales AA, mais la Cour s’y est opposée.

« Considérant que les défenderesses entendent spécifiquement démontrer la véracité des reproches formulés par la ou les victimes alléguées de monsieur Marquis, il est évident que ce dernier doit savoir qui lui reproche quel geste. Lui refuser cette information équivaudrait à le priver de son droit de répondre à la défense », avait soutenu la juge Katheryne A. Desfossés, au début de mars.

Du même coup, la Cour avait ordonné aux créatrices de la page de remettre le contenu de toutes les dénonciations reçues au plaignant, puis de lui communiquer l’identité et les échanges avec la ou les personnes qui se disent victimes de lui.

Via son communiqué de presse, « Dis son nom » rétorque pour sa part que la vague de dénonciations de l’été dernier « démontre qu’il y a encore bien du travail à faire » pour « protéger les victimes potentielles » et permettre une « prise de conscience sociétale », dans l’objectif de libérer la parole de ces victimes.

Selon les administratrices, c’est un manque de capacité de gestion dû aux procédures judiciaires qui a forcé la page à « mettre en pause temporairement le traitement des dénonciations » sur les réseaux sociaux. « Plus de 1000 dénonciations sont en attente d’être traitées », fait-on valoir à ce sujet. À l’origine, la page « Dis son nom » avait été mise sur pied en juillet dernier, dans la foulée du mouvement #moiaussi.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse