La femme de 29 ans qui se trouvait dans un « état critique » après avoir été rouée de coups par son conjoint samedi matin dans l’arrondissement de LaSalle est morte. Il s’agit du septième féminicide depuis le début de février.

C’est le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui a annoncé mardi après-midi que la femme de 29 ans était morte au cours de la journée « des suites de ses blessures ». Selon nos informations, Rebekah Harry était artificiellement maintenue en vie depuis trois jours.

Une autopsie sera pratiquée pour déterminer la cause exacte du décès. Le suspect Brandon McIntyre, qui était le conjoint de la victime, est toujours accusé de voies de fait et de non-respect des conditions. Sa prochaine date en cour est prévue le 26 mars prochain.

Selon les résultats de cette autopsie, les accusations pourraient changer, a expliqué l’agent Raphaël Bergeron, porte-parole du corps policier montréalais. Ce sera au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de trancher. Dans l’intervalle, l’homme demeurera détenu jusqu’à sa prochaine comparution.

Initialement, le SPVM avait reçu un appel pour une intervention d’urgence dans un édifice résidentiel de l’arrondissement de LaSalle, plus précisément dans la rue des Oblats, samedi vers 6 h 50. Une fois sur place, les patrouilleurs avaient trouvé la jeune femme dans un état jugé critique. « On parle vraiment de violence physique, donc de coups de poing. Il n’y a pas eu d’arme d’impliquée », avait expliqué samedi l’agent Jean-Pierre Brabant, en soulignant que l’enquête viserait néanmoins à faire toute la lumière sur les « circonstances exactes » de l’évènement.

Ce féminicide est le septième à survenir au Québec depuis le début du mois de février. En moyenne, on en recense 12 par année dans la province. Vendredi dernier, le sixième féminicide s’était produit dans Saint-Léonard, où Enock Fenelon, un chauffeur de taxi de 52 ans, a tué sa conjointe Nadège Jolicœur à l’arme blanche avant de se donner la mort.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Ce féminicide est le septième à survenir au Québec depuis le début de l’année.

Appel à la vigilance

À l’heure actuelle, la situation fait craindre une « série noire » de féminicides et d’épisodes de violence conjugale aux maisons d’hébergement pour femmes, qui appréhendent que le déconfinement empirera les choses. « Nous avons de grandes préoccupations par rapport à des escalades de violence conjugale à mesure que les consignes sanitaires seront levées et que le partenaire perdra le contrôle sur sa victime », expliquait la semaine dernière Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable du soutien clinique de l’organisme communautaire SOS violence conjugale.

Dans un communiqué diffusé en début d’après-midi mardi, la police de Montréal a aussi appelé « à la vigilance de tous pour que la violence conjugale cesse ».

Ce type de violence est inacceptable. Des accusations criminelles peuvent être portées. En cette période de pandémie, plusieurs personnes peuvent être privées de leur réseau de soutien habituel. Nous avons tous un rôle à jouer face à cette violence et nous devons la dénoncer.

Extrait de la déclaration du SPVM

Les autorités rappellent par ailleurs que la violence conjugale « comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que des actes de domination sur le plan économique, envers un partenaire intime, qu’il soit de même sexe ou non, et ce, à tout âge ». « Les gestes envers la victime de violence conjugale ne résultent pas d’une perte de contrôle, mais constituent, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle », insiste-t-on.

Legault promet de suivre le rapport d’experts

À la période des questions, mardi, le premier ministre François Legault a promis de respecter les 190 recommandations du comité transpartisan sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, dont le rapport a été déposé en décembre dernier. « J’en fais personnellement une priorité et je vais m’assurer qu’on agisse », a-t-il dit.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre François Legault à la période des questions à l’Assemblée nationale, mardi

Dans ce rapport, les experts demandent à Québec de créer un Secrétariat à la coordination et à l’intégration des actions en matière de violences sexuelles et conjugales. Cette nouvelle instance doit être rattachée au Conseil exécutif (le ministère du premier ministre), disent-ils, c’est-à-dire « au plus haut niveau de l’organisation gouvernementale ».

À chaque [féminicide], le gouvernement dit les bonnes affaires, mais entre ce qu’il dit et ce qu’il fait, il y a un gouffre. Et les femmes tombent dedans.

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire, au Salon bleu

« Chaque femme, chaque enfant, chaque décès est un décès de trop. Le problème existait, le problème était connu, et tous s’entendaient pour dire qu’il serait exacerbé par la pandémie », a renchéri la cheffe libérale Dominique Anglade. Ce à quoi le premier ministre a répliqué que son gouvernement en faisait plus dans la lutte contre les violences faites aux femmes que le précédent gouvernement.

Le week-end dernier, la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, avait qualifié d’inacceptable la série d’actes de violence contre des femmes. « Les évènements des derniers jours sont tragiques et préoccupants. Des ressources existent, et c’est important d’y faire appel en cas de besoin », a-t-elle déclaré dans un tweet. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a aussi dénoncé cette violence envers les femmes. « Il faut que ça cesse. […] Ça ne peut plus durer », a-t-elle écrit.

Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse

Quelques ressources pour les victimes de violence conjugale et leurs proches

SOS violence conjugale : 1 800 363-9010 (ligne sans frais) ou 438 601-1211 (par texto)

Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (Montréal) : 514 878-9757

Quelques ressources pour les personnes violentes et leurs proches

Groupe d’aide aux personnes impulsives, ayant des comportements violents (Québec) : 418 529-3446

Action sur la violence et intervention familiale (Montréal) : 450 692-7313