Une agente de libération conditionnelle qui a évalué le meurtrier Ryan Wolfson persiste et signe. Si elle avait à analyser le dossier du délinquant de nouveau, elle arriverait à la même conclusion, soit qu’il pouvait être mis en libération d’office puisqu’il n’y avait pas de motif raisonnable de croire qu’il commettrait un meurtre. Ce qu’il a fait peu de temps après sa sortie de prison.

L’agente Marie-Christine Tanguay était stagiaire au Service correctionnel du Canada lorsqu’elle a hérité du dossier de Wolfson, en mars 2011. Pour la première fois, elle devait rédiger un examen préliminaire en vue du maintien en incarcération. Dans son rapport, elle devait notamment analyser la présence de motifs raisonnables laissant croire qu’il commettrait une infraction causant la mort avant la fin de sa peine. Le cas échéant, elle ne pouvait lui attribuer la libération d’office, une mise en liberté sous surveillance prévue par la loi, après qu’un détenu a purgé les deux tiers de sa peine.

Dannick Lessard réclame 3,2 millions aux autorités fédérales pour avoir accordé une libération à Wolfson, qui allait plus tard le cribler de balles devant le bar de danseuses où il travaillait.

Son avocat, Me Karim Renno, a procédé à un contre-interrogatoire serré jeudi au palais de justice de Montréal pour comprendre les raisons qui ont poussé Mme Tanguay à ne pas conclure que le « délinquant dangereux » devait être maintenu en prison.

Avant de tomber entre les mains de Mme Tanguay, le dossier indiquait bel et bien que le comportement de Wolfson ne s’était pas amélioré et qu’il pouvait encore être agressif et menaçant.

Sauf que, depuis mars 2011, on pouvait voir des améliorations dans son comportement, a expliqué Mme Tanguay. Il avait par exemple accepté de consulter un psychologue. À ce sujet, MRenno a rappelé que Wolfson avait annulé ses deux premiers rendez-vous, notamment parce qu’il était « très en colère » et qu’il « avait peur d’exploser et de se défouler sur quelqu’un d’autre ». De fait, au moment où Mme Tanguay a écrit son rapport, le 15 juin 2011, Wolfson n’avait toujours pas consulté de psychologue.

Le fait d'accepter de voir un psychologue, c’est positif, a affirmé l’agente. Elle avait aussi noté dans son dossier que son degré de méfiance envers les gens avait diminué. Il travaillait aussi son facteur de risque de récidive, qui a toujours été évalué comme « risqué ». Bref, il y avait des améliorations.

Lourds antécédents

Pour sa part, l’avocat de M. Lessard a soutenu que les antécédents judiciaires et carcéraux de Wolfson étaient lourds. Lors des évènements, il en était à sa troisième peine fédérale (dont une pour tentative de meurtre) et a souvent purgé ses peines dans des pénitenciers à sécurité maximale et, même, à l’Unité spéciale de détention, pénitencier le plus restrictif au pays. Après ses deux premiers séjours en prison, le délinquant a récidivé. Il a aussi déjà menacé un gardien et des détenus, dont un à qui il a lancé des patins.

Marie-Christine Tanguay a affirmé au juge Bernard Jolin que tant le comportement carcéral que les antécédents criminels avaient été analysés avant que décision soit prise.

Elle a aussi souligné que l’examen préliminaire qu’elle avait rédigé avait été approuvé par sa supérieure, Caroline Bédard, et que tous les rapports sont présentés à un comité avant d’être finalisés.

D’autres faits ont intéressé l’avocat de Dannick Lessard. Après avoir rédigé l’examen à la mi-juin, Mme Tanguay a continué de suivre le détenu jusqu’à la fin de son contrat, le 19 août 2011. Elle a écrit au dossier qu’il était « peu réceptif » à ses interventions et qu’il était « à pic ». Elle avait aussi noté que ses parents ne désiraient pas le « voir en communauté » et qu’ils ne croyaient pas qu’il avait « apporté des changements dans sa vie ».

N’étaient-ce pas des raisons de modifier la décision de lui accorder la libération d’office ? a demandé MRenno.

Pour Mme Tanguay, il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire que Wolfson commettrait une infraction causant la mort ou un dommage grave à une autre personne avant la fin de sa peine. « Et si je regarde le travail qui a été fait à ce moment-là, c’est encore ma conclusion aujourd’hui. »

« Entièrement d’accord » avec les conclusions

Sa supérieure à l’époque, Caroline Bédard, a aussi été appelée à la barre des témoins, jeudi. Elle a d’abord mis au clair que même si c’est Mme Tanguay qui avait rédigé l’examen, tout le travail de l’étude avait été fait avec elle, sous sa supervision. Elle s’est dite « entièrement d’accord » avec les conclusions de l’examen.

Il n’y avait pas de renseignements assez sûrs pour recommander le maintien en incarcération du délinquant, selon elle. Même s’il avait été menaçant, il n’avait, par exemple, pas été violent depuis 2007 et il purgeait une peine pour vols par effraction, non pas pour crime violent.

Quelques mois après sa libération, Wolfson a tué une personne et tenté d’en tuer d’autres, dont Dannick Lessard. Il a été condamné à vie sans possibilité de libération avant 25 ans.

Le procès se poursuit ce vendredi.