(Ottawa) Un homme du Manitoba qui a défoncé une clôture à Rideau Hall avant de sortir une arme et de se diriger à pied vers la demeure du premier ministre Justin Trudeau en juillet dernier a été condamné mercredi à six ans de prison.

Corey Hurren, un fabricant de saucisses et réserviste militaire de 46 ans, s’est vu attribuer un an de crédit pour le temps passé en détention, ce qui signifie qu’il fait encore face à cinq ans derrière les barreaux.

Il lui sera également interdit de posséder des armes à feu, des munitions ou des substances explosives à vie.

Corey Hurren faisait face initialement à 21 chefs d’accusation liés aux armes et un autre pour avoir menacé le premier ministre.

Il a plaidé coupable le mois dernier à sept accusations liées aux armes, pour possession d’armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte « dans un but contraire à la paix publique » et à une accusation de méfait pour avoir causé délibérément 100 000 $ de dommages à la clôture de Rideau Hall.

En prononçant sa peine, le juge de la Cour de l’Ontario, Robert Wadden, a souligné que Corey Hurren n’avait pas exprimé de remords pour ses gestes.

« Je trouve que M. Hurren représente un risque permanent, a souligné le juge Wadden. Il s’agissait d’une agression armée contre le gouvernement, qui doit être dénoncée dans les termes les plus forts. »

Il y avait un risque que les armes de l’individu puissent être utilisées pour causer des lésions corporelles graves ou la mort, a ajouté le juge.

« Le caractère délibéré des actions de M. Hurren et son utilisation intentionnelle d’armes chargées pour faire une déclaration politique le placent loin d’un premier délinquant habituel pris avec une seule arme à feu », a-t-il poursuivi.

« Corey Hurren a commis une agression armée à motivation politique visant à intimider le gouvernement élu du Canada. »

Hurren disait vouloir arrêter Trudeau

Corey Hurren a conduit une camionnette sur le terrain de la résidence officielle du gouverneur général le 2 juillet dernier et a percuté la barrière, ce qui a provoqué le décrochage du véhicule et le déploiement de ses coussins gonflables.

Il est ensuite parti à pied vers Rideau Cottage, où M. Trudeau et sa famille vivent en raison des rénovations à la résidence officielle traditionnelle du premier ministre au 24, promenade Sussex. Le premier ministre Trudeau n’était pas à la maison à ce moment-là.

La police a pu parler à l’individu et l’a arrêté pacifiquement après environ 90 minutes.

Il a d’abord été accusé d’avoir menacé de « causer la mort ou des lésions corporelles » à M. Trudeau.

Mais dans un exposé commun des faits lu dans une salle d’audience d’Ottawa le 5 février, Corey Hurren a déclaré à la police qu’il n’avait pas eu l’intention de blesser qui que ce soit et qu’il voulait arrêter M. Trudeau pour manifester son opposition aux restrictions du gouvernement contre la COVID-19 et à l’interdiction des armes à feu de type arme d’assaut.

Il espérait procéder à l’arrestation lors de la conférence quotidienne de M. Trudeau devant Rideau Cottage.

Corey Hurren, qui a dit à la police qu’il n’avait pas droit aux prestations d’aide d’urgence, était fâché de perdre son entreprise et ses armes. Il croyait que le Canada se transformait en un État communiste.

Dans les données extraites de son téléphone portable, de ses publications sur Facebook et Instagram, il y avait des échanges avec des amis sur des « théories du complot liées au gouvernement canadien », ainsi qu’une « théorie du sacrifice » liée à la date de la fusillade de masse en Nouvelle-Écosse en avril dernier et des suggestions selon lesquelles la COVID-19 est un canular.

La police a saisi cinq armes à feu de l’accusé à Rideau Hall, dont un revolver à autorisation restreinte, un pistolet prohibé, un fusil prohibé, deux carabines et un chargeur de grande capacité interdit. Onze autres armes d’épaule ont été saisies dans sa résidence du Manitoba.

Un « travailleur dépressif », selon la défense

Les procureurs de la Couronne demandaient une peine de six ans, affirmant que les actions de Corey Hurren constituaient une grave menace pour la sécurité publique.

L’avocat de l’accusé, Michael Davies, a déclaré lors d’une audience le mois dernier que même si son client avait pris une série de mauvaises décisions, « en fin de compte, il avait pris une décision correcte : la décision de déposer ces armes à feu ».

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Michael Davies

Il réclamait une peine moindre pour son client, le décrivant comme un travailleur dépressif affecté par des difficultés financières pendant la pandémie de COVID-19.

M. Davies a affirmé que l’individu faisait déjà face aux conséquences de ses actions en plus de la perspective de plusieurs années de prison, y compris le début d’une procédure de divorce par sa femme et la décision de l’armée de le libérer définitivement des Rangers.

La procureure de la Couronne Meaghan Cunningham a fait valoir devant le tribunal en février que les actions de Corey Hurren « étaient loin d’être anodines » et constituaient une menace sérieuse pour la sécurité publique tout en créant une situation potentiellement dangereuse.

Les agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avaient réussi à désamorcer la situation et à arrêter l’homme sans heurts, mais « cela ne change pas le fait que les actions délibérées du 2 juillet de M. Hurren étaient incroyablement dangereuses », a plaidé la procureure.

La politique comme motivation

Le juge Wadden a dit mercredi que le fait que Corey Hurren savait que ses actions en juillet dernier étaient potentiellement suicidaires soulève de sérieuses inquiétudes quant à son comportement futur si la dépression sous-jacente n’est pas reconnue et traitée.

Même s’il était déprimé au moment des faits, ce sont ses opinions politiques, incluant des théories du complot, qui l’ont motivé à agir, a ajouté le juge.

« Il n’y a aucune preuve qu’il a renoncé aux théories du complot, ou qu’il a reconnu l’illicéité d’utiliser la force armée pour exprimer ses opinions politiques », a-t-il affirmé.