(Toronto) Dans une poursuite civile, des détenus soutiennent que les autorités pénitentiaires fédérales ont violé à plusieurs reprises leurs droits dans leurs efforts pour freiner la propagation de la COVID-19.

La poursuite, déposée en Cour suprême de la Colombie-Britannique, allègue que les mesures sanitaires adoptées dans les pénitenciers ont entraîné plusieurs manquements de la part de l’administration.

« Sans préavis ni explications, Service correctionnel du Canada a soumis les détenus à des confinements médicaux et administratifs — une forme d’isolement semblable à l’isolement cellulaire », allègue la poursuite. « Il a suspendu les audiences de libération conditionnelle et les programmes et services dont les détenus ont besoin pour garantir leur admissibilité à cette libération conditionnelle. » La poursuite allègue aussi que l’administration pénitentiaire a suspendu des visites et des services religieux, et offert des soins de santé de moindre qualité.

La poursuite, qui n’a pas subi le test des tribunaux, a été déposée par un organisme de défense des droits des détenus, la John Howard Society, et sept détenus, dont plusieurs ont de graves problèmes de santé.

Les détenus, à l’instar des résidents de foyers de soins de longue durée, sont particulièrement vulnérables à la propagation du coronavirus, compte tenu de la forte proportion de détenus qui sont plus âgés et de ceux qui ont des problèmes de santé sous-jacents, indique la poursuite.

Les détenus partagent souvent des quartiers rapprochés et le personnel se déplace à l’intérieur des établissements, puis à l’extérieur. De leur côté, les détenus ont un accès limité aux équipements de protection individuelle ou à d’autres moyens de réduire la menace d’infection, selon la poursuite.

À ce jour, le Service correctionnel du Canada a signalé plus de 1400 cas de COVID-19 parmi les détenus et cinq morts. L’ombudsman des prisons a estimé qu’environ 10 % des détenus ont été infectés, alors que ce taux est de 2 % dans la population générale au Canada.

Une réaction draconienne

Les autorités carcérales ont alors réagi, selon la poursuite, en isolant à plusieurs reprises les détenus, souvent pendant de longues périodes, sans préavis et de façon indéfinie. Les détenus sont alors complètement privés de contact social ou d’activités de plein air, et même de douches, affirme-t-on.

Dans certains cas, selon le dossier, les détenus ont été maintenus enfermés pendant plus de 15 jours consécutifs — un seuil largement considéré comme inhumain. De nombreuses études ont montré qu’un isolement prolongé peut avoir des effets dévastateurs sur la santé mentale.

Dans le même temps, les autorités ont limité l’accès à la libération conditionnelle ou aux programmes qui pourraient conduire à la libération et atténuer ainsi le danger que représente la COVID-19 derrière les barreaux, selon la poursuite.

La poursuite allègue aussi que les tests de dépistage du coronavirus ont été insuffisants et que les services de soins de santé de base ont été défaillants. Les détenus noirs, autochtones et autres détenus marginalisés ont été particulièrement touchés par les mesures anti-pandémie, selon la poursuite.

Les plaignants demandent au tribunal de conclure que les autorités pénitentiaires ont violé les droits des détenus, notamment en ne trouvant pas une alternative raisonnable aux confinements. Ils souhaitent que le tribunal interdise tout confinement de plus de 15 jours — ou qui totalise plus de 15 jours par période de 30 jours.

Ils demandent aussi au tribunal d’ordonner aux autorités de fournir aux détenus des équipements de protection individuelle appropriés et de reprendre les activités liées à la libération conditionnelle. Les personnes à haut risque de COVID-19 devraient être transférées dans des installations plus sûres ou bien libérées, demandent-ils aussi.

« Un an après le début de la pandémie de COVID-19, le Service correctionnel continue de ne pas atténuer les effets de la pandémie dans les prisons », a soutenu Charlotte-Anne Malischewski, l’une des avocates des demandeurs. « Le statu quo est inacceptable. Il viole les droits fondamentaux de la personne et met à risque tout le monde dans les prisons. »

Le Service correctionnel du Canada n’a pas immédiatement répondu à une demande pour commenter l’action en justice.