Douze ans ou six ans de pénitencier. C’est ce que réclament respectivement, pour le Hells Angels Claude Gauthier, la poursuite et la défense, qui se sont livrées un bras de fer jurisprudentiel à coups de « fourchettes de peines », jeudi, devant le juge Claude Leblond de la Cour du Québec.

Gauthier, 52 ans, a été reconnu coupable de gangstérisme, complot, trafic de cocaïne et recel, à la suite de son arrestation en 2019 dans une enquête de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) dirigée par la Sûreté du Québec.

La preuve a démontré que durant neuf mois, il a été la tête dirigeante d’un réseau de trafiquants de stupéfiants qui opéraient dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Durant sa plaidoirie, la procureure MMarie-France Drolet du Bureau de la grande criminalité et des Affaires spéciales a notamment souligné que son bras-droit et coaccusé, Pascal Facchino, a reçu une peine de huit ans de pénitencier et que Gauthier méritait davantage.

« Les Hells Angels sont aux antipodes des valeurs de la société québécoise. Ces organisations sont une plaie pour la société. Elles sont difficiles et couteuses à enquêter ».

« M. Gauthier a choisi cette vie. Depuis plus de 20 ans, il est membre d’une organisation connue, notoire et sans gêne. Il n’est pas un actif pour la société. Le public s’attend à ce qu’il purge une peine sévère et je vous invite M. le juge à envoyer un message clair », a déclaré la procureure de la Poursuite.

Puisque les infractions ont été commises au profit d’une organisation criminelle, MDrolet a demandé à ce que le juge ordonne que Gauthier purge au moins la moitié des peines qu’il recevra pour chaque chef — plutôt que le tiers — avant d’être admissible à la libération conditionnelle.

« Injustifié », réplique la défense

De son côté, l’avocate de Gauthier, MAnnie Lahaise, a fait valoir que son client a moins d’antécédents criminels et a joué un rôle équivalent ou moindre que d’autres Hells Angels qui ont également été arrêtés et accusés à l’issue d’enquêtes récentes de l’ENRCO, et qui ont reçu des peines moins sévères que les 12 ans réclamés par la Poursuite.

MLahaise a notamment cité les cas de Michel Langlois et de Stéphane Maheu, arrêtés dans le cadre de l’enquête Objection en 2018, et qui ont reçu respectivement des peines de quatre ans et dix mois, et de six ans de pénitencier.

La défense se base sur des fourchettes de sentence dans des circonstances très similaires. Si on regarde la gradation de la peine que propose la poursuite comparativement au dernier antécédent de M. Gauthier en semblable matière en 2003, c’est neuf ans et demi de plus. C’est injustifié.

MAnnie Lahaise, avocate de Claude Gauthier

Un crédit COVID

Depuis son arrestation en 2019, Claude Gauthier est détenu à l’Établissement de détention de Montréal, communément appelé Bordeaux, frappé par des éclosions de COVID-19 majeures lors des première et deuxième vagues.

Son avocate a déploré que depuis 350 jours (le début de la pandémie), Gauthier est incarcéré dans des conditions pénibles, ne pouvant notamment recevoir aucune visite, ayant droit à deux douches par semaine et n’ayant pas accès au gymnase. Le motard est également confiné à sa cellule depuis une dizaine de jours.

MLahaise a réclamé pour son client un « crédit COVID », c’est-à-dire une réduction de peine, en plaidant notamment des jugements octroyant deux jours pour chaque jour de détention préventive passé depuis le début de la pandémie.

Elle n’a pas fixé de ratio, laissant cette discrétion au juge Leblond qui doit prononcer la peine le 9 avril prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.