(Montréal) Séparation, garde d’enfants et violence conjugale : un mélange potentiellement toxique auquel s’attaque l’organisme Juripop en lançant dès jeudi une formation spécialisée pour les juristes en droit familial afin qu’ils puissent mieux aider les victimes.

Le besoin de formation en violence conjugale est criant, a déclaré en entrevue Me Justine Fortin, qui travaille chez Juripop.

Car le sujet est complexe et peut teinter toutes les étapes d’une cause de droit familial, juge-t-elle. Sans oublier que la violence conjugale est malheureusement encore très présente au Québec.

Pourtant, peu de juristes ont reçu une formation spécifique à ce sujet.

« Il n’y a rien qui existe », déplore-t-elle.

Juripop a reçu en 2019 le mandat du ministère de la Justice du Québec de recenser les besoins juridiques des victimes de violence conjugale. La cinquantaine d’organismes consultés — dont des refuges pour femmes violentées — ont été « unanimes » : il faut que les victimes aient un accès plus facile à un avocat en droit familial, mais aussi que ces derniers reçoivent un enseignement détaillant les réalités de la violence conjugale, a souligné Me Fortin.

« Présentement, le traitement de la violence conjugale dans les tribunaux de la famille est excessivement problématique. On ne reconnaît pas la violence conjugale », juge Me Fortin.

La formation qui est offerte dès jeudi a été créée avec la criminologue Claudine Simon. D’une durée de quatre jours, elle permettra de couvrir « tous les angles », assure Me Fortin. Elle est destinée aux avocats, aux notaires et aux médiateurs familiaux.

Elle ne coûtera pas un sou à ceux qui la suivront.

C’est le cas parce que cette formation s’inscrit dans le cadre du mandat confié à Juripop par le Comité transpartisan sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale et est soutenue par la subvention de 2,5 millions que lui a accordée le comité.

En plus de faire état des meilleures pratiques devant les tribunaux, la formation de 24 heures couvrira plusieurs aspects délicats comme la violence post-séparation et les cas de garde d’enfants qui sont souvent l’occasion pour le conjoint violent de continuer à exercer son emprise. « Ça peut devenir hyper problématique », souligne l’avocate.

Les conséquences de ne pas encadrer une garde d’enfants dans un contexte de violence conjugale peuvent être considérables pour la mère, et aussi pour les enfants, relève Me Fortin.

C’est pourquoi elle juge « essentiel » que la représentation des victimes soit « sécuritaire ». Car la violence ne cesse pas forcément avec la séparation.

Dans certaines régions, les femmes ont déjà beaucoup de difficulté à consulter un avocat et doivent faire des heures de route afin d’avoir accès à un avocat spécialisé. D’autres choisiront plutôt des consultations par téléphone, avec un avocat des grands centres, mais dans tous les cas, certaines régions sont mal desservies, dit Me Fortin. Elle relève qu’en Abitibi, par exemple, il n’y avait à un certain moment qu’un seul avocat à l’aide juridique spécialisé en droit familial.

Avec cette formation, Juripop espère constituer une liste d’avocats formés en violence conjugale, qu’il pourra partager avec ceux et celles qui en auront besoin.