Des « lacune majeures » dans l'enquête policière ont été évoquées

La Couronne a décidé de mettre fin au processus judiciaire contre l’ex-entraîneur de gymnastique Michel Arsenault, qui était accusé d’avoir agressé sexuellement des athlètes. La décision fait suite à une requête de la défense, qui déplorait que les policiers aient consigné uniquement les éléments défavorables à l’accusé dans leurs notes et omis de dévoiler le détail de plusieurs conversations avec les victimes alléguées.

Michel Arsenault était accusé de voies de fait et d’agressions sexuelles pour des faits qui se seraient déroulés entre 1983 et 1993. Les plaignantes étaient d’anciennes gymnastes sous sa responsabilité. Des accusations avaient été portées en 2018 relativement à six victimes, mais l’une d’elles ne s’était pas présentée à l’enquête préliminaire, et il en restait cinq à l’approche du procès.

Les avocates de Michel Arsenault, Mes Roxane Hamelin et Sophie Beauvais, ont toutefois fait ressortir au cours de l’enquête préliminaire l’existence de nombreuses conversations entre les enquêteurs de la Sûreté du Québec et les plaignantes qui n’avaient pas été transcrites dans leurs notes et n’ont donc pas pu être fournies à la défense.

Un policier aurait même parlé à une femme qui représentait certaines des victimes alléguées et lui aurait fourni des informations privilégiées sur l’avancée de l’enquête, ce qui faisait craindre à la défense que les victimes aient pu être contaminées en obtenant certaines informations avant le procès.

D’autres démarches des policiers n’auraient pas été inscrites intégralement dans les notes transmises à l’accusé.

Privé de certaines informations

« En agissant comme ils l’ont fait, les policiers ont effectué une enquête bâclée, ne récoltant que la preuve qui cadrait dans leur théorie des évènements et omettant ainsi volontairement de conserver l’ensemble de la preuve obtenue », déplorait la défense dans une « requête en arrêt des procédures » déposées à la cour.

Les avocates de Michel Arsenault n’y voyaient pas un détail anodin. « Il s’agit plutôt de méthodes d’enquête appliquées consciemment dans le but de priver l’accusé d’information pertinente », plaidaient-elles.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a finalement décidé de déposer lui-même un avis d’arrêt du processus judiciaire dans le dossier jeudi matin.

« Nous avons eu connaissance qu’il y avait des lacunes majeures dans la prise de notes de l’enquêteur au dossier, relativement aux notes évolutives de son enquête et à ses entretiens avec les plaignantes et les témoins. Il y a donc de nombreuses déclarations complémentaires qui ne seront jamais accessibles, car il n’y a pas de notes. Nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne pouvions pas soutenir le procès sans que soit grandement affecté le droit de l’accusé à un procès juste et équitable », a expliqué à La Presse MRachelle Pitre, procureure en chef adjointe responsable des dossiers d’agression sexuelle à Montréal.

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MRachelle Pitre, procureure en chef adjointe responsable des dossiers d’agression sexuelle à Montréal

« Je tiens à dire que les premières personnes qui ont été mises au courant de la décision, ce sont les plaignantes. Elles étaient évidemment déçues », a affirmé MPitre.

Pendant leurs témoignages à l’enquête préliminaire, les plaignantes avaient raconté en détail leur récit des évènements. « Elles ont été entendues, elles ont raconté leur version et fait preuve de beaucoup de courage et de résilience pendant le contre-interrogatoire », a souligné la procureure.