« Trancher la gorge de quelqu’un », « Tuer quelqu’un », « Tuer quelqu’un sans faire exprès », « How to slit a throat », « Sept façons originales de tuer quelqu’un », « Comment tuer quelqu’un sans laisser de preuves », « Comment tuer quelqu’un discrètement », « Enterrer quelqu’un ».

Jérémie Fortier-Grenier persiste et signe : il n’a aucun souvenir d’avoir fait ces troublantes recherches dans son cellulaire avant de poignarder son père Richard Grenier à 32 reprises, il y a trois ans. « Il n’a jamais été question de planification de la mort de mon père, je n’ai jamais planifié de faire ça », a-t-il martelé au jury mardi en contre-interrogatoire.

Le procès de l’homme de 26 ans pour le meurtre prémédité de son père se tient depuis deux semaines au palais de justice de Montréal. Selon la Couronne, il a attiré Richard Grenier dans un guet-apens pour le tuer, le 10 mai 2018, dans le stationnement d’un secteur industriel de l’arrondissement de Saint-Laurent. Il a ensuite dissimulé le corps dans un boisé avant de se cacher dans le chalet de son père, près de Mont-Laurier. Un chalet au cœur du long conflit père-fils.

Dans un contre-interrogatoire serré, la procureure de la Couronne MNadia Bérubé a souligné les contradictions importantes entre le témoignage de Jérémie Fortier-Grenier devant le jury et ses aveux aux policiers le lendemain de son arrestation. En pleurs, il a avoué à l’enquêteur qu’il planifiait le crime depuis « une semaine ». Il a aussi confessé avoir poignardé son père, lorsque celui-ci a repoussé une « caresse » d’affection. C’est seulement ensuite que Richard Grenier se serait débattu pour prendre le contrôle du poignard.

Or, Jérémie Fortier-Grenier soutient qu’il avait les idées « embrouillées » après son arrestation. « Je n’avais pas les idées claires. Je paniquais, j’étais nerveux », s’est-il défendu. Ainsi, il a rejeté mardi ses aveux aux policiers. Il n’en garde d’ailleurs qu’un vague souvenir.

PHOTO FOURNIE

Jérémie Fortier-Grenier

« J’affirme aujourd’hui que mon père m’a pris à la gorge violemment », a-t-il témoigné avec conviction mardi.

À la barre des témoins, Jérémie Fortier-Grenier a raconté au jury une version bien différente de ces secondes fatidiques. Lorsque son père lui dit qu’il n’est pas « sûr » de l’aimer, le jeune homme sort l’un de ses longs couteaux de pêche de son sac. « Écoute-moi, papa, s’il te plaît », lance-t-il à son père en brandissant le couteau au-dessus de son épaule.

Quand Richard Grenier voit l’arme, il prend son fils à la gorge. « Toi, y faut que tu crèves, crisse », dit le père en l’attaquant. C’est à ce moment que Jérémie Fortier-Grenier lui donne un coup de couteau. Il jure ne garder aucun souvenir des 31 autres coups.

Talonné sur les contradictions importantes entre ses deux versions, Jérémie Fortier-Grenier s’est fermement défendu de mentir. « J’ai prêté serment de dire la vérité, j’ai juré de dire la vérité. Je dis la vérité. Ce que je dis, c’est ce qui s’est passé », a-t-il martelé.

Ainsi, il n’a jamais planifié de tuer son père une semaine à l’avance, maintient-il. La seule chose qu’il a planifiée, c’est une rencontre « entre hommes » pour « retisser » les liens avec son père. Ce soir-là, il voulait lui parler du chalet et d’une thérapie père-fils.

Les souvenirs de Jérémie Fortier-Grenier semblent toutefois bien sélectifs. Après le meurtre, il se souvient d’avoir roulé à vive allure pendant trois heures jusqu’à Mont-Laurier, mais n’a aucun souvenir des messages textes échangés avec sa copine ou du message envoyé à son père en fin de soirée. « N’oublie pas de me dire quand t’arrives à la maison », a-t-il écrit après le meurtre.

Trois semaines avant le meurtre, Jérémie Fortier-Grenier s’est photographié en tenant l’arme du crime – un couteau de pêche appartenant à son père. Or, non seulement il n’a aucun souvenir de cette photo, mais il assure ne pas même reconnaître ses mains et ses genoux sur le cliché.

Comme la preuve de la défense est maintenant close, les plaidoiries auront lieu jeudi. Le jury pourrait commencer à délibérer dès lundi prochain, a expliqué le juge Claude Champagne.