Malgré ses dénégations, Vincent-Alexandre Brodeur avait bel et bien l’intention de payer pour avoir une relation sexuelle avec une adolescente de 16 ans en juin 2018. L’homme de 45 ans a été reconnu coupable d’obtention de services sexuels d’un mineur moyennant rétribution, lundi matin, après trois jours de délibérations du jury. Il risque maintenant la prison.

Arrêté dans le cadre d’une opération d’infiltration d’envergure du Service de police de Laval (SPL) visant les clients de prostitution juvénile, Vincent-Alexandre Brodeur est le seul accusé à avoir été jugé par ses pairs parmi les dizaines de « clients » pincés depuis quatre ans.

Le SPL a lancé l’opération Défensif dans la foulée de la crise des fugueuses de centre jeunesse en 2016. Ces adolescentes recrutées par des proxénètes sont nombreuses à devoir se prostituer pendant leur fugue. Pour s’attaquer à ce fléau, le SPL s’est alors concentré sur les « clients » de prostitution juvénile, des « abuseurs » d’enfants prêts à sortir leur portefeuille pour assouvir leurs fantasmes.

« C’est monsieur et madame Tout-le-Monde. On est souvent surpris de voir qui sont ces gens. Je tombe souvent en bas de ma chaise, particulièrement pour les gens qui œuvrent auprès des jeunes », avait déclaré Manon Ouellet, directrice adjointe au SPL, en entrevue avec La Presse l’automne dernier.

Attiré par l’annonce – fictive – de la « jeune débutante Kate » sur un site populaire, Vincent-Alexandre Brodeur a communiqué avec « Chloé », une agente d’infiltration (AI) de la police de Laval. L’AI lui a rapidement révélé que Kate et les deux autres jeunes escortes disponibles étaient âgées de 16 ans.

« Seize ans, c’est comme, shit… c’est des mineures », a alors réagi Vincent-Alexandre Brodeur, ancien enseignant. « Dans ma tête, ça fait comme un blocage. […] Ce sont des enfants encore… Je vais être franc, les photos sont incroyables, on ne dirait pas qu’elles ont 16 ans », a-t-il poursuivi.

Après avoir interrogé « Chloé » sur sa discrétion, Vincent-Alexandre Brodeur s’est présenté dans une chambre d’hôtel de Laval pour rencontrer l’AI. La policière s’est alors assuré qu’il possédait des liasses d’argent et a réitéré une dernière fois l’âge mineur de l’escorte. C’est en se présentant dans une seconde chambre que l’accusé a été arrêté par des policiers.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Sur la photo, Vincent-Alexandre Brodeur (à gauche) marche dans le corridor avec des membres de sa famille.

Les jurés n’ont visiblement pas cru le récit – bien différent – de Vincent-Alexandre Brodeur. Celui-ci a affirmé avoir « fermé la porte » dès que la policière a évoqué que les filles avaient « l’air de 16-17 ans ». D’ailleurs, la policière ne lui aurait plus jamais mentionné l’âge des filles ce jour-là.

Selon sa version, Vincent-Alexandre Brodeur n’était pas intéressé par de jeunes filles, mais plutôt par une femme d’expérience afin de vivre une aventure « intime » et « authentique ». En contre-interrogatoire, il a toutefois peiné à expliquer pourquoi il avait choisi l’annonce d’une « jeune débutante », s’il voulait obtenir les services sexuels d’une femme d’expérience.

Vincent-Alexandre Brodeur alléguait également avoir été « complètement déconnecté » par les évènements qui ont précédé son arrestation. Sa dernière rencontre avec la policière s’était déroulée « très, très, très vite », a-t-il raconté. « Je ne comprends pas ce qui se passe », a-t-il dit. Cette version n’a vraisemblablement pas suscité de doute raisonnable dans l’esprit du jury.

« Nous sommes satisfaits de la décision du jury et nous espérons que celle-ci aura un effet dissuasif sur toute personne qui aurait l’intention de communiquer pour obtenir les services sexuels d’une personne mineure moyennant rétribution », a commenté la procureure de la Couronne MKarine Dalphond, qui faisait équipe avec MSimon Blais.

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MKarine Dalphond, procureure de la Couronne

Le « représentant des ventes » risque maintenant d’écoper de la peine minimale de six mois de détention. Or, les observations sur la peine pourraient être reportées pour plusieurs mois dans l’attente d’une décision de la Cour d’appel du Québec dans un dossier connexe.

En effet, la peine minimale a été déclarée inconstitutionnelle pour ce crime dans le dossier de Charles Martin, un homme spécialisé dans la découverte des causes d’accidents d’avion. Celui-ci s’en est tiré avec 90 jours de prison. La Couronne a toutefois fait appel de cette décision.