L’ancien directeur de la police de Montréal, Philippe Pichet, réclame trois millions de dollars au gouvernement du Québec pour le « traitement injuste » qu’il dit avoir subi en 2017, dans la foulée de son congédiement. Il demande aussi des excuses publiques du ministère de la Sécurité publique.

« Notre client a subi d’importants dommages moraux en lien avec le traitement injuste qu’il a subi », martèle l’avocat du principal intéressé, MPierre Eloi Talbot, dans une mise en demeure obtenue par La Presse.

Dans le document, daté du 4 décembre, le juriste donne 30 jours au Procureur général du Québec et ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, pour entamer un processus de médiation. Ce délai maintenant dépassé, Philippe Pichet pourrait bientôt entamer une poursuite au civil contre le gouvernement.

Nommé chef du SPVM en 2015, Philippe Pichet avait été relevé de ses fonctions en décembre 2017, après que MMichel Bouchard eut déposé un rapport accablant sur la situation au SPVM et parce que le gouvernement a jugé qu’il ne pouvait ramener la confiance au sein du corps de police et de la population.

Un traitement jugé dégradant

D’après le clan Pichet, les circonstances de son renvoi sont illégitimes. « Le 6 décembre 2017, notre client est convoqué au bureau du directeur général de la Ville pour une rencontre de 5 minutes, lors de laquelle on l’informe qu’il n’a commis aucune faute professionnelle, aucune faute lourde, aucune faute criminelle, qu’il n’y a pas de problème quant à ses compétences, que la Ville n’a même pas lu le rapport de MBouchard, qu’un décret serait adopté dans la prochaine heure pour confirmer sa suspension et qu’il n’est pas souhaitable qu’il revienne à son poste », déplore MTalbot.

Selon lui, c’est seulement la veille, le 5 décembre, que l’ancien chef du SPVM aurait appris « avec stupéfaction » l’éventualité de sa suspension. Peu après, M. Pichet dit aussi avoir compris que la Ville avait déjà offert son poste, le jour même, « à deux hauts gradés du SPVM », sachant qu’il serait suspendu.

À l’époque, l’ancien chef du SPVM affirme qu’il « avait demandé à plusieurs reprises » d’obtenir une copie du rapport Bouchard qui s’en prenait à sa gestion. Mais il n’y a finalement eu accès que beaucoup plus tard, lorsqu’il a été rendu public par des médias, qui l’avaient obtenu en exclusivité. Personne ne l’aurait non plus consulté avant de procéder à l’annonce de sa suspension, faite conjointement par le ministre libéral Martin Coiteux et la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Selon la mise en demeure, Philippe Pichet aura appris « de façon dégradante sa suspension en direct à la télévision, seul dans son bureau ». « La nouvelle étant exceptionnelle, elle fut extrêmement médiatisée, tuant ainsi professionnellement notre client, qui n’aura droit de parole que plus de six mois après sa suspension, rendant ainsi impossible de rétablir son statut auprès de futurs employeurs », condamne son avocat.

Québec reste silencieux

Appelée à réagir, une porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Marie-Josée Montminy, a indiqué que le gouvernement « ne commentera pas le dossier, puisque des procédures judiciaires sont en cours ».

Rappelons que c’est le directeur général de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, qui avait pris la relève de M. Pichet pour mettre de l’ordre au SPVM, avant d’être suspendu à son tour, en 2019, pour des « allégations de nature criminelle » qu’il a vivement contestées.

La Presse avait par ailleurs révélé que la plainte initiale provenait de la directrice des poursuites criminelles et pénales du Québec, Me Annick Murphy, à la suite d’une discussion musclée avec Martin Prud’homme au sujet des fuites médiatiques à l’Unité permanente anticorruption (UPAC).