« Seize ans, c’est comme, shit… c’est des mineures. » D’abord hésitant en apprenant le jeune âge des escortes annoncées par une agente d’infiltration (AI) de la police de Laval, Vincent-Alexandre Brodeur n’aurait finalement eu aucun scrupule à payer 200 $ pour avoir une relation sexuelle avec une adolescente de 16 ans.

La policière au cœur de cette opération visant les clients de prostitution juvénile à Laval en 2018 a raconté au jury les dessous de sa mission délicate d’infiltration, mardi, au deuxième jour du procès de Vincent-Alexandre Brodeur. Le résidant de Terrebonne de 45 ans est accusé d’obtention de services sexuels d’une personne âgée de moins de 18 ans moyennant rétribution.

La policière avait un rôle crucial dans l’opération. C’est elle qui recevait les appels des clients potentiels, appâtés par des annonces fictives de jeunes escortes placées par la police de Laval sur des sites populaires. Le 7 juin 2018, parmi de nombreux messages de clients intéressés, un certain « Alex », dont le numéro de téléphone est le même que celui de l’accusé, contacte l’AI une première fois.

Au troisième appel, vers 11 h, « Alex » se dit prêt « maintenant » pour rencontrer une escorte, comme il est sur la route pour « livrer des médicaments ». Il ajoute vouloir vivre une « expérience intime et amoureuse » avec la fille et explique en détail ce qu’il recherche à la policière.

C’est à ce moment que l’AI l’informe pour la première fois que les trois filles offertes ont 16 ans. Une information qui semble d’abord désarçonner le client. « Dans ma tête, ça fait comme un blocage. […] Ce sont des enfants encore… », dit-il au bout du fil, toujours selon la policière.

Toutefois, il enchaîne : « Je vais être franc, les photos sont incroyables, on ne dirait pas qu’elles ont 16 ans. » L’AI lui précise qu’elle mentionne toujours l’âge des filles pour éviter les mauvaises surprises.

« Alex » se demande alors si les escortes sont là de leur plein gré et se demande si celles-ci ont l’expérience pour offrir ce qu’il recherche. La policière l’assure que les filles sont « habituées » et ne sont « ni battues ni droguées ».

Ses intentions se précisent dans un message texte : « Maudit que ça me tente ». « C’est comme si une partie de moi a le goût », ajoute-t-il lors d’un autre appel. Il s’interroge toutefois sur la discrétion de l’AI, tout en se préoccupant d’une possible intervention policière.

Encore une fois, la policière lui rappelle l’âge des filles – 16 ans – et lui demande si cela est correct. « Il me répond que oui », a témoigné la policière. Ils s’entendent pour une séance d’une heure et demie à 200 $ pour une girlfriend experience. Ce service signifie que l’escorte doit faire semblant d’être la copine du client. Il se dit aussi intéressé par une fellation sans condom.

En tout temps, rappelle la policière, le client a la possibilité de mettre fin à la transaction. « Il a le choix de ne pas me rappeler, il a le choix de ne pas venir sur les lieux, il a encore le pouvoir de quitter les lieux sans que j’intervienne. Il faut laisser le choix au client, je ne suis pas là pour l’influencer », a-t-elle affirmé.

Finalement, en après-midi, « Alex » se rend dans la chambre d’hôtel de la policière pour finaliser la transaction. L’AI vérifie qu’il possède de l’argent pour payer les services sexuels et réitère une dernière fois l’âge mineur de l’escorte. Elle l’invite à la suivre dans une autre chambre. Lorsqu’elle referme la porte, Vincent-Alexandre Brodeur est arrêté par des policiers.

« M. Brodeur était en larmes. Il était effondré comme s’il venait d’apprendre la mort de sa mère », a témoigné lundi l’architecte de l’opération, le policier Luc Savard.

Le procès se poursuit mercredi devant le juge Michel Pennou.