La Presse dresse le bilan de la criminalité dans la métropole en 2021, année marquée par une flambée de violence par armes à feu et d’importantes saisies de drogues.

Au 27 décembre dernier, 187 évènements de coups de feu étaient survenus à Montréal depuis le début de 2021, soit 44 de plus que les 143 épisodes de 2020, une hausse de 30 %.

C’est ce que révèlent des statistiques fournies à La Presse par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

De ces 187 évènements de 2021, 121 sont des décharges d’arme à feu sans victime, 50 sont des tentatives de meurtre et 16 sont des meurtres, dont un triple assassinat survenu en août, dans le quartier Rivière-des-Prairies.

Les évènements de coups de feu à haute intensité, c’est-à-dire les évènements au cours desquels plusieurs projectiles ont été tirés, ont encore été nombreux cette année à Montréal.

La Presse a comparé deux tableaux des évènements de décharge d’arme à feu survenus à Montréal en 2020 et 2021 et confectionnés par le sergent-détective Marc-André Dubé, de l’Équipe nationale de soutien à la Loi sur l’application des armes à feu (ENSALA), qui relève de la Gendarmerie royale du Canada. Le tableau de 2021 s’arrête toutefois au 24 août. Nous avons donc dû comparer les chiffres des deux années pour la période allant du 1er janvier au 24 août inclusivement.

Durant cette période, l’enquêteur Dubé a noté 220 douilles percutées en 2020 comparativement à 367 cette année, une hausse de 67 %.

En 2020, les évènements de coups de feu ont été plus nombreux que l’année précédente à Montréal. Donc la tendance à la hausse amorcée à la fin de 2019 s’est poursuivie cette année.

« Montréal est toujours une ville sécuritaire », dit le SPVM

Une plus grande circulation des armes à feu achetées notamment avec l’argent de la fraude, une culture des armes à feu présente chez les gangs de rue et dans des vidéos rap, des conflits amplifiés par les réseaux sociaux, etc. : les causes pour expliquer cette hausse des évènements d’armes à feu à Montréal sont nombreuses et variées, selon les experts.

Malgré tout, le SPVM se veut rassurant. Le lancement de la stratégie Quiétude à la fin de 2019, la création de l’Équipe de lutte au trafic d’armes à feu (ELTA) maintenant intégrée à la stratégie québécoise Centaure, la création récente des Équipes multisectorielles dédiées aux armes à feu (EMAF) et l’adoption d’un plan stratégique : le porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal, l’inspecteur-chef Sébastien de Montigny, rappelle tout ce qui a été fait par le SPVM et tous les efforts mis de l’avant pour continuer de s’attaquer au problème.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Sébastien de Montigny, responsable de la stratégie intégrée en violence armée au SPVM

« On comprend bien le phénomène et nous sommes au courant de ce qu’il se passe. Notre lecture de l’environnement et de la problématique est bonne et cela oriente nos actions. Montréal est toujours une ville sécuritaire, mais on veut la rendre encore plus sécuritaire et accentuer nos efforts pour saisir plus d’armes à feu et empêcher des crimes violents », dit l’officier responsable de la stratégie intégrée en violence armée.

Plus de 600 armes à feu illégales saisies

Au 30 novembre dernier, le SPVM avait saisi 607 armes à feu – remises volontaires par des citoyens exclues – depuis le début de 2021, une légère hausse comparativement à 593 pour la même période en 2020 et à 561 en 2019.

Soulignons entre autres que le 12 août dernier, les enquêteurs de la Division du crime organisé du SPVM ont saisi 15 armes à feu – de poing et longues –, des chargeurs, des silencieux et des munitions dans deux immeubles de l’est de Montréal.

Deux hommes ont été arrêtés à la suite de la découverte de cet arsenal qui pourrait être lié aux motards.

À Montréal, il est fréquent que des saisies d’armes débouchent également sur des saisies de drogue (voir texte à l’onglet suivant).

Le SPVM espère pouvoir effectuer encore plus de saisies en 2022 avec, entre autres, sa participation à l’Équipe intégrée de lutte aux armes à feu (EILTA) de la stratégie Centaure et ses deux Équipes multisectorielles dédiées aux armes à feu créées dans le nord-est et dans le sud-ouest de l’île de Montréal.

« Les enquêtes en matière d’armes à feu prennent du temps. Il faut développer des sources. On n’a pas de coopération dans le milieu des gangs de rue, nos victimes de tentative de meurtre ne nous parlent pas, les témoins sont peu bavards et les citoyens ont peur aussi. Mais une chose qui est intéressante, c’est qu’on a beaucoup d’appels au 911 et à Info-Crime, et on a beaucoup d’information qui entre via ces plateformes », conclut l’inspecteur-chef de Montigny.

En chiffres

41

Nombre d’évènements de coups de feu survenus à Laval cette année, en date du 20 décembre dernier, comparativement à 40 l’an dernier, selon des chiffres du Service de police de Laval

418

Nombre d’armes de poing illégales saisies par les douaniers cette année, en date du 16 novembre dernier, comparativement à 187 pour toute l’année dernière, plus que deux fois plus (hausse de 123 %), d’après des statistiques obtenues auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)

127

Nombre de pistolets semi-automatiques saisis par les douaniers cette année, comparativement à 58 pour toute l’année dernière, également une hausse de 123 %.

Par contre, il faut préciser qu’il y avait eu une diminution sensible des saisies dans ces deux catégories d’armes en 2020, comparativement aux années précédentes, comme le démontre le tableau ci-dessous :

La Sûreté du Québec n’a pas été en mesure de fournir un bilan partiel des premiers mois d’activité de la stratégie québécoise Centaure, mais indique qu’« une grande partie des armes à feu illégales retrouvées au Québec proviennent des États-Unis ».

La SQ soutient également que « 85 % des armes à feu provenant des États-Unis sont des armes de poing et qu’environ 60 % des armes à feu retrouvées sur l’internet clandestin proviendraient des États-Unis ».

Le SPVM a saisi pour au moins 10 millions de drogues

Signe que les policiers ont été occupés, mais également que les drogues illicites circulent allègrement à Montréal, les enquêteurs du SPVM ont saisi pour plus de 10 millions de dollars de stupéfiants de toutes sortes, en 2021, dans la métropole.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Une partie de la saisie record de 2,25 kg de fentanyl évalués à 1,4 million de dollars en avril dernier par le SPVM

Soulignons, entre autres, qu’en mars, les enquêteurs de la Division du crime organisé (DCO) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont effectué une saisie record de 49 kg de méthamphétamine en cristaux (crystal meth) et de 50 kg de cocaïne – évalués à plus de 3 millions – dans les arrondissements de Lachine et de Pierrefonds-Roxboro ainsi que dans la municipalité de Côte-Saint-Luc, dans l’ouest de l’île.

Trois mois plus tard, les enquêteurs de la même division ont mis la main sur 20 kg de cocaïne, évalués à 1,4 million, et plus de 200 000 comprimés de méthamphétamine lors du démantèlement d’un réseau de présumés trafiquants qui opéraient notamment sur le Plateau Mont-Royal et qui auraient été dirigés par un ancien membre des Rockers, défunt club-école des Hells Angels, Jean-Guy Bourgouin.

À peu près en même temps, les limiers de la DCO ont aussi saisi 11 kg de cocaïne et 18 kg de méthamphétamine pure dans un logement du secteur de Beaconsfield qu’un présumé trafiquant aurait utilisé comme cache de drogues.

« Le prix du kilogramme de cocaïne était d’environ 45 000 $ avant la pandémie et il est d’environ 36 000 $ présentement. Ça fait longtemps que le prix n’a pas été aussi bas. C’est l’offre et la demande. Si le kilo est à 36 000 $, cela veut dire qu’il y a une offre exceptionnelle et que ça rentre à plein. Et si ça rentre à plein, c’est que ça se vend à plein », a déclaré à La Presse au début du mois de décembre le commandant Francis Renaud, de la Division du crime organisé du SPVM.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du SPVM

« Avec le prix du kilo à 36 000 $, c’est normal que nous fassions des saisies importantes, parce qu’il y a une bonne demande et l’offre est là », ajoute l’officier.

Saisie record de fentanyl

Les enquêteurs des stupéfiants cantonnés dans les quatre régions du SPVM, qui relèvent également de la Division du crime organisé, ne sont pas en reste eux non plus.

Les enquêteurs de la région Sud ont en effet effectué en avril une saisie record de 2,25 kg de fentanyl évalués à 1,4 million. Le fentanyl est un opioïde 40 fois plus puissant que l’héroïne qui cause des ravages, en particulier dans le reste du Canada et aux États-Unis, où des milliers de personnes sont victimes de surdoses mortelles chaque année.

Soulignons également que les enquêteurs de la région Ouest ont effectué en quatre mois – entre juin et septembre – deux saisies majeures d’opiacés et de drogues de synthèse évaluées au total à près de 5 millions.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.