Un ex-ambulancier d’Urgences-santé qui a agressé sexuellement deux patientes « particulièrement vulnérables » pendant leur transport en ambulance a été condamné à 11 mois de prison jeudi. Soulagée par le jugement, l’une des victimes de Sylvain Depairon exhorte les femmes à dénoncer leur agresseur, malgré les longueurs du système judiciaire.

« [Il faut] dénoncer. Dénoncer vraiment beaucoup. C’est en dénonçant que les agresseurs vont finir par se décourager. Ça va créer une dissuasion chez l’agresseur. Il faut dénoncer le plus possible. C’est pour ça que je tenais à le faire », a insisté Zoé*, qui s’est courageusement confiée aux médias après la décision au palais de justice de Montréal.

Dans son long jugement, le juge David-Emmanuel Simon a également lancé un message limpide aux professionnels de la santé. « [Ceux] qui seraient tentés de poser des gestes de même nature doivent comprendre qu’un tel abus de confiance à l’endroit de victimes vulnérables est inacceptable et lourd de conséquences », a conclu le juge.

Surnommé le « Roi des clowns » dans sa carrière artistique parallèle, Sylvain Depairon a agressé sa première victime sur le tarmac de l’aéroport, alors qu’elle était transférée d’urgence par avion-ambulance pour une opération en juin 2017. En raison d’un handicap visuel, cette femme vulnérable ne distingue que les formes, les couleurs et la lumière.

En attachant les sangles de la civière, l’ambulancier a touché les parties génitales et le sein gauche de sa victime immobilisée. Celle-ci ne portait qu’une chemise d’hôpital. Le professionnel a ensuite caressé à deux reprises les mamelons de la victime en vérifiant si les sangles étaient bien attachées.

Depuis, cette femme ne fait plus confiance aux professionnels de la santé, vit dans la peur et fait des cauchemars, a-t-elle déclaré dans une lettre résumée par le juge.

Quelques mois plus tard, Sylvain Depairon transportait en ambulance Zoé, une jeune femme qui devait être hospitalisée à la demande de sa psychologue. Dans l’ambulance, l’accusé lui « chuchote qu’il la trouve belle » et profite de sa vulnérabilité pour l’embrasser sur les seins. L’agresseur a aussi glissé une main sous le jean de Zoé pour lui toucher les parties génitales. Une agression qui a duré une demi-heure.

Cette agression aux mains d’un professionnel de la santé a eu de graves conséquences dans la vie de Zoé. Depuis, elle tombe dans un état d’hypervigilance à l’unique vue d’une ambulance sur la route. Elle a été « anéantie » par l’agression, affirme le juge.

« Ça a eu des conséquences multiples […] de l’anxiété et de la dépression. Je vais bien maintenant, mais j’ai eu une période où c’était très, très difficile », a confié Zoé après le jugement.

Cette peine imposée est toutefois une « libération » pour la jeune femme. « Je suis super contente de la décision. C’est une belle boucle qui se fait aujourd’hui », a-t-elle déclaré aux médias.

Culpabilité morale

La Couronne réclamait une peine de 20 à 24 mois de prison à l’endroit de Sylvain Depairon, alors que la défense demandait 90 jours de prison à purger la fin de semaine. Le juge a essentiellement coupé la poire en deux en imposant 11 mois de prison ferme à l’ex-ambulancier de 60 ans au terme d’une longue revue de jurisprudence.

« Le grave abus de confiance commis par le délinquant à l’endroit de deux victimes particulièrement vulnérables qui ont souffert et souffrent toujours d’importantes séquelles psychologiques place à un niveau élevé la culpabilité morale du délinquant », a conclu le juge.

Le juge souligne parmi les facteurs atténuants la reconnaissance de culpabilité de M. Depairon – il a plaidé coupable en juillet 2020 –, ses remords sincères, son faible risque de récidive et son absence d’antécédents judiciaires. Le juge évoque également le contexte de la première agression, perpétrée à son retour au travail à la suite du décès de son fils au terme d’une longue maladie.

Notons que Sylvain Depairon a longtemps travaillé comme clown amateur.

Dans sa décision, le juge Simon a envoyé un message « dissuasif » aux professionnels de la santé, a affirmé la procureure de la Couronne MRachelle Pitre. MMike Junior Boudreau défendait l’accusé.

* Prénom fictif