La belle-mère de la fillette de Granby a été déclarée coupable de meurtre au deuxième degré et de séquestration. Les 12 jurés ont mis à peine cinq heures à arriver à un verdict.

« Si ce verdict peut rendre un peu de dignité à cette jeune fille, c’est énorme », a dit MJean-Sébastien Bussières, les yeux remplis d’eau, à sa sortie de la salle d’audience. Les deux procureurs de la Couronne étaient particulièrement émus et surpris par la vitesse à laquelle les jurés s’étaient entendus sur une décision.

La femme de 38 ans, assise dans le box des accusés avec une chaîne aux pieds, a à peine réagi lorsque le mot « coupable » a résonné, deux fois plutôt qu’une, dans la salle d’audience. Elle a eu un léger recul de la tête comme si elle encaissait le choc. Le jury devait être unanime avant de rendre son verdict.

Les jurés ont déterminé que la belle-mère connaissait les risques que l’enfant meure, enroulée dans du ruban adhésif. En cas contraire, ils auraient pu déclarer la femme coupable d’homicide involontaire, comme l’avait expliqué le juge Louis Dionne grâce à un « arbre décisionnel », en matinée jeudi.

Le jury a retenu que quand madame a posé le geste, elle avait une connaissance qu’il y avait un risque que la mort s’en suive.

MClaude Robitaille, l’un des procureurs de la Couronne

MClaude Robitaille, l’un des procureurs de la Couronne, et son collègue ont admis qu’ils avaient un dossier « d’envergure » entre les mains et « lourd de conséquences ». Ils ont plaidé, mardi, que l’accusée avait développé un « sentiment d’aversion » envers la fillette de 7 ans, thèse que le jury a visiblement retenue.

L’avocat de la belle-mère s’est aussi présenté brièvement devant les médias. « On respecte le travail des jurés, mais on n’est pas d’accord avec le verdict », a-t-il dit. « À partir de là, on va discuter avec notre cliente de la suite des choses. »

La grand-mère paternelle de la fillette, qui a assisté tous les jours au procès depuis huit semaines, a affirmé que ce verdict était un « cadeau », un « bonheur total ». Elle a raconté que l’appel au 911, que le jury a écouté dès le premier jour du procès, a été le moment le plus pénible à entendre.

« Ç’a été terrible, ç’a été le bout le plus dur pour moi. Je faisais les pompages [de réanimation] avec [l’opérateur] », a-t-elle dit. La grand-mère portait d’ailleurs une petite chaîne, avec un pendentif en forme de lune, reçue le jour de la naissance de la fillette.

La belle-mère est ainsi condamnée à la prison à vie. Le juge Louis Dionne devra maintenant déterminer la période de détention avant qu'elle soit admissible à une libération conditionnelle. Le minimum est de 10 ans et le maximum de 25 ans. Les avocats des deux partis devront faire leurs suggestions très prochainement lors des observations sur la peine.

« De la tête jusqu’aux pieds »

La belle-mère a admis qu’elle avait enroulé la fillette dans du ruban adhésif lors de son témoignage chargé en émotions. Elle a indiqué que ce n’est pas elle qui avait amorcé la contention dans la nuit du 28 au 29 avril 2019, mais qu’elle avait tenu les jambes de l’enfant pendant qu’elle se faisait enrouler de ruban collant. Le matin, elle a ajouté une dizaine de tours sur son torse, puis deux autres tours supplémentaires. « J’ai passé le tape sur ses cheveux et je l’ai dirigé vers les pieds. Et j’ai remonté », a-t-elle dit, en pleurs, lors de sa défense.

Elle a dit quelle voulait protéger la fillette en attendant un rendez-vous avec un pédopsychiatre, à 15h, et a toujours nié avoir couvert le nez et la bouche de l’enfant.

Lors de son témoignage-choc par visioconférence, le fils de l’accusé a quant à lui révélé que la fillette était couverte de ruban adhésif « de la tête jusqu’aux pieds ».

C’était une momie. Tu ne la voyais pas à travers le tape. Il y avait plusieurs couches. Pas juste une. Plusieurs.

Extrait du témoignage du fils de l’accusé

Le décès de la fillette a choqué le Québec, en 2019, d’autant que l’enfant et son petit frère étaient suivis par la direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Quelques semaines avant sa mort, elle avait également été renvoyée de son école primaire en raison de ses problèmes de comportement et parce qu’elle volait le lunch de camarades de classe en première année.

Son décès a déclenché la tenue d’une enquête publique et aussi la création de la commission Laurent, qui a mené à la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse. L’« intérêt de l’enfant » est désormais au cœur de l’application de la loi.

Le procès du père doit quant à lui avoir lieu en janvier. L’homme est accusé de négligence ayant causé la mort, d’abandon d’enfant et d’avoir omis de fournir les choses nécessaires à la vie.