Alors que Québec veut durcir le ton face à l’exploitation sexuelle des mineures, un juge vient d’absoudre un bar de danseuses nues de Montréal qui a employé une adolescente pendant le dernier Grand Prix de Formule 1.

La jeune fille avait indiqué avoir 26 ans. Elle n’en avait que 17.

Le bar Le Kingdom, situé sur le boulevard Saint-Laurent, a réussi à convaincre la justice qu’il avait fait tout en son pouvoir pour s’assurer que ses effeuilleuses étaient majeures. La police était en désaccord, mais la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a préféré la version du tenancier.

« La gravité de la situation, soit l’emploi d’une personne mineure à titre de danseuse nue, commande une réponse d’une ampleur équivalente », a écrit le juge administratif Marc Savard dans sa décision rendue fin novembre. Le bar « a prouvé, dans ce cas de figure bien particulier, avoir pris toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher l’embauche d’une personne mineure comme danseuse nue ».

Le bar a ainsi échappé à une suspension de son permis d’exploitation ou à une amende. Il avait déjà écopé de deux semaines de fermeture en 2003 pour avoir fait danser deux adolescentes.

Carte douteuse

C’est lors d’une tournée des bars d’effeuilleuses organisée pendant l’édition 2019 du Grand Prix de Formule 1 du Canada que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a pincé Le Kingdom. L’identité de toutes les danseuses du bar a été contrôlée.

L’adolescente au centre de l’affaire s’est identifiée « au moyen d’une carte de certificat de citoyenneté canadienne » douteuse, qui a rapidement mis la puce à l’oreille des policiers, relate le juge Savard dans sa décision. Elle a ensuite avoué être mineure.

Patrick Lemaire, propriétaire du bar, s’est dit « très surpris » d’apprendre qu’il employait une mineure, toujours selon le jugement. Il a fait valoir que les deux pièces d’identité fournies par l’adolescente au moment de son embauche correspondaient entre elles et correspondaient aussi à son visage.

Le tenancier a expliqué au juge administratif qu’il avait mis en place des mesures d’encadrement très strictes afin d’éviter qu’une telle situation se produise. M. Lemaire a aussi assuré à la RACJ que son bar « vise l’embauche de danseuses nues de plus de 25 ans ».

Sa version n’a pas convaincu la police. « Le sergent-détective du SPVM Jean-François Miron témoigne de son désaccord quant à la correspondance des photos des cartes d’identité avec le visage de la mineure », a noté le juge Savard. « Il en est de même pour les signatures. Il estime que les différences sont telles que la titulaire aurait dû se rendre compte, ou à tout le moins soulever des doutes suffisants, qu’il s’agit d’une fausse identité. »

Mais la RACJ a estimé que les mesures prises par Le Kingdom sont « suffisantes » et que le bar « prend au sérieux » ses obligations légales.

L’établissement était représenté par MSabrina Bergeron et MSarah Desabrais. Cette dernière a affirmé à La Presse que son client était « très satisfait » de la décision. Le bar avait une preuve exigeante à faire, mais a réussi à convaincre la justice, a-t-elle souligné.