L’inquiétude a monté d’un cran à Montréal après la fusillade qui a causé la mort d’un jeune rappeur dans l’arrondissement d’Anjou, jeudi soir. Des résidants craignent désormais de se promener dans les rues, mais le SPVM affirme que la métropole reste un endroit sûr.

Hani Ouahdi, jeune homme de 20 ans qui a succombé à ses blessures après avoir été victime d’une fusillade jeudi, était connu de la scène du rap à Montréal. Son nom d’artiste était Dzairy. Le message « Mon frère repose en paix » a été diffusé sur la page Instagram acturap_mtl vendredi.

PHOTO TIRÉE D’INSTAGRAM

Hani Ouahdi était connu de la scène du rap à Montréal sous le nom Dzairy.

Rappelons que vers 19 h 15 jeudi, les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont été appelés pour des coups de feu dans l’arrondissement d’Anjou, dans l’est de Montréal.

Hani Ouahdi a été retrouvé dans une voiture avec d’importantes blessures par balles. Il a été transporté à l’hôpital, où il a succombé à ses blessures, dans la nuit de jeudi à vendredi. « Le jeune de 20 ans n’était pas connu de nos services. On va faire des vérifications avec les amis et la famille, pour voir s’il y a une raison qui pourrait avoir mené à l’évènement », a indiqué Jean-Pierre Brabant, porte-parole pour le SPVM.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Un périmètre de sécurité a été établi jeudi soir sur la place Cointerel.

Une autre victime, un adolescent de 17 ans, était aussi à bord du véhicule au moment des coups de feu. Il a subi des blessures mineures au haut du corps avant de fuir et de demander de l’aide dans un dépanneur avoisinant. Cet adolescent était connu des policiers et collabore à l’enquête, selon le SPVM.

Les policiers ont fait du porte-à-porte dans le voisinage vendredi afin de rassurer les résidants et de recueillir des informations. Au moment d’écrire ces lignes, aucun suspect n’avait été repéré. Le périmètre de sécurité dans le voisinage a été défait vendredi, mais l’enquête de la division des crimes majeurs du SPVM est toujours en cours pour faire la lumière sur les évènements.

« Ses yeux étaient déjà partis »

« C’est sûr que ce n’est pas rassurant ; 19 h, ce n’est pas minuit. Normalement, je reviens de l’école à cette heure-là », s’est inquiété Carl-Étienne Dessureault, âgé de 19 ans. L’élève en techniques d’intégration multimédia au collège de Maisonneuve va désormais emprunter les rues plus fréquentées pour rentrer chez lui, a-t-il affirmé à La Presse. La raison : il habite tout à côté de l’endroit où Hani Ouahdi a été tué jeudi soir.

Une autre voisine a confié à La Presse être choquée par les évènements.

On a entendu des coups de feu. Mon conjoint est médecin, donc il est sorti pour faire la RCR [réanimation cardiorespiratoire], mais il a vu que c’était la fin. Il voyait que ses yeux [ceux de la victime] étaient déjà partis.

Une voisine rencontrée par La Presse

Le drame inquiète la jeune mère de famille, qui revient souvent de travailler à l’heure où se sont déroulés les évènements. « On doit rentrer à quelle heure pour être en sécurité ? », se questionne-t-elle.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Déploiement policier à l’angle de la place Cointerel et du boulevard des Roseraies, vendredi

Plusieurs voisins ont affirmé à La Presse que leur quartier était sûr et qu’il s’agissait d’un évènement isolé. Le 13 octobre dernier, une tentative de meurtre par arme à feu a eu lieu dans l’arrondissement d’Anjou, rue Jarry, au nord de l’autoroute Métropolitaine, selon un article du journal Métro. Hani Ouahdi ne vivait pas dans le quartier, selon les informations de La Presse.

« Au mauvais endroit, au mauvais moment »

Lina, qui a souhaité taire son nom de famille, a vu Hani la veille du meurtre. Elle parle de son ami comme d’une personne aimée de tous. Il voulait « rendre fier ses parents qui ont quitté l’Algérie pour pouvoir lui offrir une meilleure qualité de vie. Il avait d’ailleurs l’intention de s’inscrire à l’université cet hiver, mais il était encore indécis quant à son choix de programme », raconte-t-elle par écrit à La Presse. « Il était passionné de rap, cette passion occupait une grande partie de son temps et il travaillait fort là-dessus », ajoute-t-elle.

Selon Lina, Hani s’est retrouvé « au mauvais endroit, au mauvais moment ». « Il n’était pas impliqué dans ce genre d’histoires et n’avait pas ce genre de fréquentations », souligne-t-elle.

L’évènement de jeudi porte à 32 le nombre d’homicides commis sur le territoire du SPVM cette année.

Montréal demeure une ville « sécuritaire », dit le SPVM

Malgré la hausse du nombre de fusillades, la métropole demeure une ville « sécuritaire », a affirmé jeudi la police de Montréal, en appelant au calme et à la poursuite des efforts contre la circulation des armes à feu.

« Il faut quand même prendre du recul et voir la situation dans son ensemble. Il faut regarder ce qui se passe dans les grandes villes nord-américaines pour réaliser que, somme toute, Montréal est une ville sécuritaire », a expliqué vendredi l’inspecteur David Shane, porte-parole du SPVM, en marge d’une conférence de presse.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’inspecteur David Shane, porte-parole du SPVM

M. Shane a soutenu que tout le réseau « s’emploie à la garder sécuritaire », mais que la violence par armes à feu « est un phénomène de société, et non seulement criminel ». « Ça commande une approche globale de tous les partenaires de la sécurité. La police n’arrive pas seule à bout de ça », a-t-il jugé.

Alors que de nombreux résidants montrent des signes d’inquiétude, certains songeant même à quitter le quartier, l’inspecteur Shane s’est montré empathique. « Je comprends très bien les gens d’être sous le choc, particulièrement quand ça arrive dans nos rues et quand c’est très près de nous. »

Ça nous interpelle nous-mêmes comme policiers, comme parents aussi, quand les évènements touchent des gens plus jeunes. Ça nous choque, ça vient nous chercher dans nos tripes.

L’inspecteur David Shane, porte-parole du SPVM

« Toutes les ressources requises ont été déployées pour résoudre ce crime-là. Chaque fois qu’il y a une tentative de meurtre, c’est important pour nous et on ne lésine pas sur les moyens », a-t-il ajouté.

Implorant toutes les parties de « prendre leur leadership », l’inspecteur a aussi rappelé qu’à moyen et à long terme, la police « ne peut pas intervenir pour changer les données socioéconomiques d’un quartier, par exemple ».

Avec la collaboration de Mayssa Ferah, de Daniel Renaud et de Coralie Laplante, La Presse

Une année chargée pour Info-Crime

Le centre de signalement confidentiel Info-Crime Montréal a indiqué vendredi avoir reçu un peu plus de 10 620 signalements de citoyens entre le 1er juin 2020 et le 31 mai 2021. Plus de la moitié, soit 5488, ont été faits au moyen d’un formulaire web, et le reste, soit 5136, par téléphone. Le nombre total d’interventions représente pratiquement le double par rapport à l’an passé. C’est la première fois dans l’histoire de l’organisme que le nombre de signalements électroniques est supérieur à celui des signalements faits par téléphone.