« Il y a des instructions sur la table. Vous allez faire exactement ce qui est marqué. » Quand l’homme au bout du fil lui donne cet ordre, Cora Tsouflidou comprend immédiatement que son fils Nicholas a été enlevé. « J’étais épouvantablement énervée », a confié la fondatrice des restaurants Chez Cora, mercredi, au procès de Paul Zaidan.

L’ex-franchisé de 52 ans est accusé d’avoir enlevé et séquestré Nicholas Tsouflidis, le 8 mars 2017, et d’avoir demandé à sa mère, Cora Tsouflidou, une rançon de 11 millions de dollars. Le rôle joué par Paul Zaidan demeure toutefois nébuleux, la Couronne ne détenant « aucune preuve directe » à son égard.

Premier témoin du procès, Nicholas Tsouflidis a finalement conclu son témoignage mercredi après-midi, après cinq jours à la barre, dont un éprouvant contre-interrogatoire de trois jours où la défense a tenté de démontrer que le PDG de Chez Cora avait inventé, voire orchestré, son enlèvement par des membres de la « mafia libanaise ».

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Nicholas Tsouflidis

Sa mère, Cora Mussely Tsouflidou, s’est présentée au jury comme une « retraitée », tout en précisant qu’elle demeurait « directrice artistique » de sa chaîne. À 74 ans, elle continue d’approuver chaque nouveau plat sur le menu, a-t-elle dit.

Selon son récit, le soir du 8 mars 2017, elle est réveillée par deux policiers qui cognent à sa fenêtre. Ceux-ci évoquent vaguement un danger, mais sont avares de détails. Elle reçoit alors un appel « très menaçant ». Comme dans les « films policiers », on lui ordonne de se rendre chez son fils Nicholas et de faire « exactement » ce qui est écrit dans la lettre.

Selon la théorie de la poursuite, les ravisseurs réclamaient dans cette lettre 11 millions à Mme Tsouflidou, payables sur trois jours. L’adresse courriel indiquée dans le document serait associée à Paul Zaidan, avance la Couronne.

Dans un second appel, l’homme lui dit de ne pas communiquer avec la police. Jamais, pendant ces appels, il n’est question d’une rançon, selon le témoignage de Cora Tsouflidou.

La voix du ravisseur n’était pas celle d’un Québécois, mais plutôt d’un « étranger ». « Je viens de la Gaspésie, alors je sais c’est quoi un Québécois », a déclaré Mme Tsouflidou. Selon la défense, pendant l’enquête préliminaire, elle aurait précisé qu’il pouvait s’agir de la voix d’un « individu de race noire ».

Dividendes aux enfants

En contre-interrogatoire, MChristopher Lerhe-Mediati a longuement questionné Mme Tsouflidou sur les dividendes versés à ses trois enfants. La défense avance que son fils aîné, Théoharis, alias Harry, n’aurait reçu que 50 000 $ au lieu de 200 000 $ avant l’enlèvement. Mais la septuagénaire ne se souvenait plus des sommes exactes versées à l’époque.

C’est que Théoharis, qu’elle décrit comme l’« artiste » de la famille, « quémandait » souvent de l’argent depuis son retour de Grèce en 2016. Il éprouvait alors des problèmes de « consommation », a expliqué Cora Tsouflidou. Ainsi, au moment de l’enlèvement, elle n’était plus en contact avec lui.

Son contre-interrogatoire se poursuivra ce jeudi au palais de justice de Laval. Les procureures de la Couronne, MSarah Beaudry-Leclerc et MKarine Dalphond, prévoient présenter une quarantaine de témoins.