(Trois-Rivières) La belle-mère de la fillette de Granby a subi un contre-interrogatoire musclé, mardi. « Pourquoi vous n’êtes pas allée voir [la victime] pendant la nuit ? » « Pourquoi vous n’êtes pas allée l’aider ? » « Vous, pendant qu’elle crie, vous écoutez un film ? », a martelé le procureur de la Couronne, MClaude Robitaille.

« Je ne sais plus quoi faire. Pour moi, la situation est sécuritaire. [La victime] fait sa crise. Je la laisse faire. C’est sécuritaire. Il n’y a rien qui va arriver. Elle ne va pas mourir », a notamment répondu la femme qui est accusée de meurtre au deuxième degré et de séquestration. La Couronne tente de démontrer que l’accusée a enroulé la fillette de 7 ans de ruban adhésif au point de causer sa mort.

À bout de souffle et de larmes, la femme de 38 ans a eu besoin d’une pause d’une quinzaine de minutes afin de se ressaisir et de reprendre son récit.

Lors de son témoignage, lundi, l’accusée a affirmé que ce n’est pas elle qui a entrepris la contention de l’enfant pendant la nuit du 28 au 29 avril 2019, mais qu’elle a tenu les jambes de la victime à un certain moment. Le matin, comme la fillette commençait à se détacher, elle a ajouté du ruban adhésif, « une dizaine de tours », autour d’elle en attendant un rendez-vous avec la pédopsychiatre prévu à 15 h.

L’accusée s’est assurée que les voies respiratoires de l’enfant n’étaient pas obstruées et que celle-ci pouvait encore bouger.

« Vous prenez le temps de lui demander si elle est capable de bouger, mais vous ne prenez pas le temps de lui demander si elle a faim, si elle a envie d’aller à la toilette ? », a demandé MRobitaille. « Non, exactement », a répondu l’accusée, repentante.

Quand le procureur de la Couronne a annoncé qu’il avait terminé ses questions, la femme de 38 ans s’est adressée au jury une toute dernière fois.

« Je suis désolée. Ce n’est pas parce qu’il y avait des hauts, des bas et des mauvais côtés que je ne l’aimais pas [la victime]. Je l’aime encore et elle me manque. Je m’excuse tellement », a-t-elle dit avant de remercier les 14 jurés. Elle a ensuite jeté un dernier coup d’œil vers sa famille qui était présente pour son témoignage.

« Je faisais tout pour elle »

Dans son contre-interrogatoire, le procureur s’est demandé si l’arrivée de la victime avait perturbé la bulle familiale de l’accusée et de son fils, en 2015. La femme a répondu que souvent, elle a senti qu’elle « n’avait pas le tour » avec la fillette de 7 ans. L’enfant faisait des crises de colère, elle urinait au sol et se mutilait au point de saigner et d’épandre son sang sur les murs, selon l’accusée.

Un mois avant sa mort, l’enfant s’est fait renvoyer de l’école à cause de troubles de comportement. La belle-mère s’est donc retrouvée à s’occuper à temps plein de la victime et de son petit frère âgé de 5 ans.

MRobitaille a fait la lecture de quelques textos, ponctués de sacres, envoyés par l’accusée au sujet de l’enfant. « Câlisse, tout son linge est mouillé. Elle est imbibée de plusieurs jours d’urine », a-t-elle notamment écrit. Le procureur s’est questionné sur son moral, sur son état de fatigue depuis 2015.

Ce n’est pas que je ne l’aime pas [la victime]. Je faisais tout pour elle. Mais j’étais toute seule. C’est sûr que je suis fatiguée. Je ne voulais pas la tuer à cause de ça. Il y a de bons moments où c’est facile, mais il n’y avait personne autour. Il n’y avait plus personne.

L’accusée

La femme participait à des rencontres des Alcooliques anonymes (AA). Elle a assisté à deux réunions, le matin et le soir, le 28 avril, et à une autre la veille. « Ça me faisait du bien d’aller aux meetings », a-t-elle dit.

Lorsqu’il a abordé la nuit pendant laquelle la victime a été enroulée de ruban adhésif, le procureur a insisté sur l’aide que l’accusée aurait pu demander à la Direction de la protection de la jeunesse, notamment. « Vous êtes quelqu’un qui fait des meetings AA depuis un certain temps. Vous savez ce que c’est d’aller chercher de l’aide. Ce soir-là, au lieu d’aller chercher de l’aide, j’essaye de comprendre pourquoi vous êtes retournée voir le Seigneur des anneaux ? »

« Je me le demande. Je me le demande », a-t-elle répondu en sanglotant.