Près d’une trentaine d’individus ont été arrêtés cette semaine dans différentes régions du Québec pour possession et diffusion de pornographie juvénile et accès à ce type de contenu, dans le cadre de l’une des plus importantes interventions policières en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants sur l’internet de la décennie.

Les 26 hommes arrêtés ne font pas partie d’un réseau et n’ont aucun lien les uns avec les autres. Ils ont tous été débusqués par des enquêteurs infiltrés sur le web dans le cadre d’enquêtes qui ont commencé parfois dès le printemps dernier. L’équipe policière a notamment procédé à de la détection sur des sites internet liés à la pornographie juvénile et a infiltré des groupes de discussion « où des participants discutaient et échangeaient des fichiers qui alimentaient leurs fantasmes », explique le lieutenant Marc-Antoine Vachon, responsable de la division des enquêtes sur l’exploitation sexuelle des enfants sur l’internet de la Sûreté du Québec.

La plupart des crimes qui sont reprochés aux accusés ont été commis cette année. Rappelons que, comme le révélait La Presse en octobre 2020, les cas d’enfants exploités sexuellement sur l’internet ont atteint un sommet depuis le début de la pandémie de COVID-19, notamment parce que les jeunes ont été plus que jamais rivés à leurs écrans. Des prédateurs en ont profité.

Le message qu’on veut lancer, c’est que tant le gouvernement que les opérations policières ont le désir de frapper ce fléau-là. En ayant davantage de ressources, humaines et financières, on est en mesure d’être davantage sur le web.

Le lieutenant Marc-Antoine Vachon, responsable de la division des enquêtes sur l’exploitation sexuelle des enfants sur l’internet de la Sûreté du Québec

L’intervention d’envergure a mis à contribution 270 policiers à travers la province. Elle a été menée conjointement par les enquêteurs de l’Équipe intégrée de lutte contre la pornographie juvénile, des Services des enquêtes sur les crimes majeurs de la Sûreté du Québec et les services de police municipaux.

Parmi les prévenus, quatre sont des récidivistes, dont deux, Yves Cloutier, 62 ans, de Laval, et François Gaudette, 55 ans, de Terrebonne, ont déjà été déclarés délinquants sexuels par le tribunal. Cloutier a été condamné en 2012 pour une affaire d’agression sexuelle. Gaudette s’est fait appréhender la même année après avoir rendu disponibles plusieurs milliers d’images et de vidéos de pornographie juvénile.

Un autre accusé, Jean-Michel Fontaine, enseigne la musique depuis 2009 dans des écoles primaires et secondaires de Drummondville. Il a été relevé de ses fonctions. Le centre de services scolaire des Chênes, son employeur, assure toutefois qu’aucune plainte de même nature que celle ayant mené à son arrestation n’a été reçue par le passé. « Comme nous le faisons pour toute personne travaillant en nos murs, le centre de services scolaire avait procédé à la vérification des antécédents judiciaires de l’individu. Il n’en possédait aucun », indique le porte-parole Bernard Gauthier.

Des images à glacer le sang

Quelque 30 perquisitions ont été menées dans le cadre de cette rafle. Les images découvertes par la police glacent le sang.

« On ne se fera pas de cachette, ce sont des images et des vidéos de personnes entre 0 et 17 ans, mais principalement vraiment jeunes, décrit le lieutenant Marc-Antoine Vachon. Ce sont des enfants qui sont impliqués dans des relations sexuelles avec des adultes, ou entre eux autres sous la supervision d’adultes. »

En arrêtant des adeptes de pédopornographie, les services de police espèrent prévenir des agressions sexuelles.

On a la prétention [de sauver] des victimes, parce que les gens qui consultent ces fichiers-là, ça va alimenter leurs fantasmes. Non, ils ne passent peut-être pas à l’acte, mais ils vont peut-être passer à l’acte la semaine prochaine, ou dans l’année à venir.

Le lieutenant Marc-Antoine Vachon, responsable de la division sur l’exploitation sexuelle des enfants sur l’internet de la Sûreté du Québec

Le fait d’intercepter le matériel pornographique peut aussi éviter de « revictimiser » les enfants. « Un fichier qui a été saisi hier peut circuler sur l’internet depuis 15 ans, déplore-t-il. La jeune fille sur la photo a subi, elle, un abus sexuel quelque part dans le monde et elle est constamment revictimisée par la publication, la distribution et la possession de son image à elle. »

Rappelons que l’équipe intégrée de lutte contre la pornographie juvénile de la Sûreté du Québec a été créée le 1er octobre dernier. Elle regroupe des membres de la Sûreté du Québec ainsi que des policiers de divers corps de police de villes importantes dans la province. « Ce sont des enquêteurs qui sont spécialisés. Ils ont une expertise poussée en rencontre de témoins, en interrogatoire pour les victimes et en informatique », détaille Marc-Antoine Vachon. « Ça fournit aussi davantage de ressources à nos équipes de soutien, on pense à nos équipes en extraction de données et nos équipes à la cybersurveillance », ajoute-t-il.

Au total, 171 individus ont été arrêtés pour pornographie juvénile en 2021. Un chiffre qui risque d’augmenter encore, puisque des arrestations sont faites de façon hebdomadaire, selon M. Vachon. « Chaque année, entre 170 et 180 personnes sont arrêtées au Québec pour pornographie juvénile », précise-t-il.

Le public est invité à signaler toute situation d’exploitation sexuelle des jeunes sur l’internet à l’adresse suivante : www.cyberaide.ca