Le commissaire de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) va embaucher d’un seul coup 18 vétérans policiers à la retraite, des enquêteurs aguerris qui acceptent de reprendre le collier et de revenir sur le terrain pour tenter de redresser la barre d’une organisation qui a connu plus que son lot d’échecs ces dernières années.

Ces renforts formeront le premier contingent de policiers-enquêteurs directement engagés par l’UPAC, grâce aux nouveaux pouvoirs que lui a accordés le gouvernement de la Coalition avenir Québec. Autrefois, l’organisation fonctionnait seulement avec des policiers prêtés par d’autres corps de police. Certains avaient de l’expérience, d’autres, non. Leur taux de roulement était extrêmement élevé, avec un séjour moyen d’à peine plus de trois ans.

« Maintenant, on va être capable d’engager des gens qui ont déjà sur leur CV de l’expérience d’enquête dans des dossiers complexes », a affirmé mardi le commissaire Frédéric Gaudreau, qui dressait le bilan annuel de son organisation.

Certains des vétérans recrutés sont de grosses pointures en matière d’enquête, qui ont connu de longues carrières dans différentes organisations policières. Ils ont remporté des victoires devant les tribunaux dans de gros procès. Plusieurs jeunes qui commencent dans le métier les considèrent déjà comme des mentors, confirme M. Gaudreau, sans les nommer.

Un ancien commandant des Crimes majeurs

Plusieurs sources ont confirmé à La Presse que Vincent Rozon, ancien commandant de la section des Crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), fera le saut à l’UPAC. M. Rozon a dirigé les enquêteurs des homicides de la métropole québécoise, l’un des postes les plus prestigieux au sein de la communauté policière. Retraité du SPVM, il était devenu inspecteur à la police de Mirabel et instructeur en enquête à l’École nationale de police.

M. Rozon n’a pas voulu faire de commentaire mardi, mais il aurait annoncé la nouvelle à plusieurs de ses collègues, selon nos informations.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Vincent Rozon, ancien commandant de la section des Crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), va faire le saut à l’UPAC.

Pascal Desgagnés, un directeur adjoint de la police de Mirabel qui a fait une carrière de 30 ans dans la police de Lévis, dont une partie au sein d’une escouade mixte de lutte contre les motards criminels, fait aussi partie de ceux qui retournent comme enquêteurs à l’UPAC.

C’est aussi le cas de François Coiteux, un sergent-détective montréalais à la retraite qui a reçu la médaille d’honneur des banques canadiennes pour sa contribution dans la lutte contre la criminalité financière, ainsi que d’un autre policier qui s’est illustré dans les enquêtes de fraude et de crimes haineux au SPVM, selon nos sources.

L’échec récent du procès de l’ancien maire de Terrebonne a remis l’UPAC sur la sellette. Au cours des années précédentes, il y avait déjà eu le cafouillage de l’arrestation du député Guy Ouellette, la fermeture d’enquêtes majeures avant même le dépôt d’accusations, les fuites à répétition dans les médias, l’échec des procès de Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté, Frank Zampino et plusieurs autres.

« Je suis conscient de l’impatience des Québécois qui se questionnent sur l’UPAC, sur sa mission et sa capacité à opérer », a déclaré Frédéric Gaudreau devant les caméras mardi.

L’enquête Mâchurer toujours active

Il dit être décidé à remplir sa mission. Notamment dans le dossier de l’enquête Mâchurer sur le financement du Parti libéral du Québec à l’époque de Jean Charest, un dossier qui traîne depuis des années.

« C’est une enquête qui est toujours en cours, qui est extrêmement complexe. On y travaille, on met les ressources nécessaires et on travaille en partenariat avec les procureurs du DPCP », dit-il.

Les nombreuses fuites d’informations dans les médias sur l’avancée de cette enquête ont compliqué le travail des policiers, selon lui. « Le défi d’un dossier comme celui-là qui a été presque entièrement divulgué sur la place publique – il y a même un livre qui a été écrit sur cette enquête-là –, ça fait en sorte de complexifier notre travail. Il y a un travail qui doit être fait dans l’ombre pour éviter certains enjeux », affirme le commissaire.

Frédéric Gaudreau constate aussi que plusieurs enquêtes de grande envergure menées par plusieurs corps policiers à travers le Canada se sont effondrées devant les tribunaux, ces dernières années, et croit que le gouvernement devra éventuellement réfléchir au fardeau imposé aux enquêteurs et aux procureurs devant la cour.

« Nous avons affaire à des gens qui disposent de beaucoup de moyens, qui sont prêts à aller très loin dans les procédures judiciaires dans l’objectif que le dossier ne se rende pas à procès et que la preuve ne soit pas entendue », remarque-t-il.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse

L’UPAC EN CHIFFRES :

17 : Nombre de personnes accusées dans des dossiers de l’UPAC pour l’année 2020-2021

15 : Nombre de condamnations liées à des enquêtes de l’UPAC pour l’année 2020-2021

457 : Nombre d’accusés liés aux enquêtes de l’UPAC depuis 10 ans

239 : Nombre de condamnations liées aux dossiers de l’UPAC depuis 10 ans

Source : rapport annuel de l’UPAC