Marylène Lévesque, femme de 22 ans de Québec assassinée en janvier 2020, était une travailleuse du sexe, et c’est de cette façon qu’elle a rencontré son meurtrier. Or, la question de la sécurité des femmes qui exercent ce métier est complètement occultée dans le rapport de la coroner Stéphanie Gamache, déposé mardi, déplore un organisme de défense des travailleuses du sexe.

Marylène Lévesque a été poignardée 57 fois par Eustachio Gallese dans une chambre d’hôtel de Sainte-Foy, où elle s’était rendue pour lui offrir des services sexuels.

Gallese était en semi-liberté après avoir purgé une peine de prison à vie sans possibilité de libération avant 15 ans pour le meurtre de sa conjointe, en 2004. Il avait rencontré Marylène Lévesque dans un salon de massage érotique en 2019 et avait développé une obsession pour elle.

Selon la coroner Gamache, le meurtre aurait pu être évité si Eustachio Gallese avait porté un bracelet électronique avec géolocalisation.

Elle recommande le port d’un tel bracelet pour tout délinquant mis en liberté après avoir purgé une peine pour un homicide dans un contexte de violence conjugale.

Pour la légalisation du travail du sexe

« Cette recommandation a du sens dans les cas de violence conjugale, mais ici, ce n’est pas ça : Marylène Lévesque a été ciblée en tant que travailleuse du sexe dans le contexte de son travail », dénonce Sandra Wesley, directrice générale de l’organisme Stella, qui défend les droits de ces travailleuses.

« Dans le cas de Mme Lévesque, qu’est-ce qu’un bracelet aurait changé ? J’ai de la difficulté à voir comment ça peut être un élément central de ce meurtre. »

Pour Mme Wesley, l’assassinat de la jeune femme démontre à quel point la criminalisation de la prostitution empêche les travailleuses du sexe d’exercer leur métier dans des conditions sécuritaires.

Si une femme ne se sent pas en sécurité avec un client, elle sera très réticente à demander l’aide de la police ou de quiconque, en sachant que son activité est considérée comme criminelle, explique-t-elle. « Ça signifie que nous sommes beaucoup plus à risque d’être ciblées par des agresseurs, dit-elle. La coroner aurait pu se questionner sur le rôle joué par la criminalisation des travailleuses du sexe dans cette violence. »

De son côté, l’Association des familles des personnes assassinées ou disparues accueille avec satisfaction la recommandation de la coroner sur le port du bracelet électronique de géolocalisation.

« On milite depuis longtemps pour que le port du bracelet électronique soit automatique pour une personne qui a commis un acte de violence envers une femme », précise Colette Cummings, directrice générale de l’organisation. « Surtout avec la vague de féminicides que l’on connaît depuis le début de l’année. »

À la suite du meurtre de Marylène Lévesque, un Comité d’enquête nationale a rédigé un rapport sur les circonstances entourant sa mort. Service correctionnel du Canada s’est engagé à mettre en œuvre les recommandations du rapport, notamment en assurant un meilleur encadrement des maisons de transition où résident les individus bénéficiant d’une semi-liberté.