(Trois-Rivières) « Ma petite sœur, elle avait du scotch tape des pieds jusqu’à la tête. Partout. Même sur la bouche, même sur le nez », a raconté le demi-frère de la fillette de Granby, mardi. L’adolescent a livré un témoignage percutant dans le procès de sa mère, qui est accusée de meurtre au deuxième degré et de séquestration.

Le témoin, qui est aujourd’hui âgé de 16 ans, témoigne dans une autre salle du palais de justice de Trois-Rivières pour éviter de se retrouver face à sa mère, qu’il n’a pas vue depuis son arrestation. L’accusée, dès qu’elle a aperçu l’image de son fils sur un écran, s’est mise à pleurer silencieusement. Elle s’est essuyé les yeux à plusieurs reprises durant le récit.

Les 14 jurés ont d’abord entendu la déclaration de près de deux heures que l’adolescent a livrée à un policier, le 29 avril 2019, le jour où la petite victime de 7 ans a été trouvée nue, amaigrie et inanimée dans sa chambre.

Une deuxième vidéo, enregistrée quelques minutes après la première, a aussi été diffusée dans la salle d’audience. « Il y a une information que je n’ai pas dite, une information très, très, très importante », a dit l’adolescent à l’enquêteur du poste de police.

C’est à ce moment qu’il a révélé que sa petite sœur était « couverte » de ruban adhésif « des pieds jusqu’à la tête ». « Je ne voulais pas le dire pour protéger [ceux] que j’aime beaucoup. » Le policier s’est assuré que personne ne l’avait forcé à faire un tel aveu.

Après la diffusion des deux vidéos, le procureur de la Couronne, MJean-Sébastien Bussières, a demandé au témoin de décrire le ruban adhésif sur la tête de la fillette. « C’était une momie. Tu ne la voyais pas à travers le tape. Il y avait plusieurs couches. Pas juste une. Plusieurs », a répondu le garçon. La victime était nue, a-t-il précisé plus loin.

« Si on part du menton, est-ce qu’il était couvert ? La bouche ? Le nez ? Les yeux ? Les oreilles ? Les cheveux ? », a énuméré MBussières. Le témoin a répondu « oui » à chacune des questions.

Quatre tentatives de fugue en 24 heures

Le garçon de 16 ans a fait un retour sur les 24 heures qui ont précédé la découverte de la fillette inanimée. Il a raconté que la veille de l’appel au 911, sa sœur avait tenté de sortir par la fenêtre de sa chambre, à quatre reprises. L’enfant de 7 ans se plaignait d’avoir faim et d’être tannée d’être dans sa chambre. Ses fenêtres ont alors été bloquées à l’aide de meubles pour éviter qu’elle ne s’enfuie, a-t-il expliqué.

À 1 h 30 dans la nuit, la fillette a tout de même réussi à prendre la fuite. Un voisin a d’ailleurs raconté, plus tôt dans le procès, que la petite avait sonné à sa porte au beau milieu de la nuit. Quand il a répondu, un adulte la raccompagnait vers sa maison.

Vers 10 h le 29 avril 2019, l’adolescent a été réveillé par des cris. Sa petite sœur était inanimée. Sa mère pleurait et tentait de retirer le ruban adhésif qui recouvrait l’enfant. « Elle est immobile, blême, les lèvres un peu mauves », a-t-il dit.

L’adolescent a révélé qu’on lui avait demandé de cacher le ruban adhésif. Il a refusé.

Des journées entières dans sa chambre

Ce 12témoin du procès a décrit la victime comme étant « spéciale, pas dans le bon sens ». Selon sa version, la fillette s’était fait renvoyer de l’école, où elle était en première année, un mois avant sa mort. Elle n’écoutait pas les professeurs, frappait des amis et volait le contenu de boîtes à lunch, a dit l’adolescent. « Ils l’ont foutue dehors, alors ma mère a dû faire l’école à la maison. »

L’adolescent a indiqué que depuis que la fillette avait quitté l’école, il lui arrivait de passer des journées entières dans sa chambre, la porte verrouillée, sans pouvoir en sortir. On l’enfermait, car elle avait commencé à voler de la nourriture dans le garde-manger, a-t-il précisé.

Le garçon a indiqué que sa sœur était « dépendante » de la nourriture et qu’elle mangeait « beaucoup, beaucoup ». Il a dit que sa famille avait consulté des médecins pour tenter de comprendre pourquoi elle était si petite.

La grand-mère de la victime, qui se trouvait dans la salle d’audience, a sursauté à quelques reprises durant le témoignage, notamment quand l’adolescent a suggéré que sa petite sœur avait peut-être une « maladie mentale ».

L’accusée, elle, a fixé l’image de son fils toute la journée, même pendant les pauses. À l’enquêteur de police, le garçon l’a décrite comme une mère « cool », « gentille », qui est un « bon exemple ».

Le contre-interrogatoire se poursuivra mercredi. L’entrevue du petit frère de la victime avec les policiers sera également présentée au jury au cours de la journée. L’enfant maintenant âgé de 6 ans ne sera toutefois pas interrogé par les avocats.