Un adolescent de 16 ans accusé d’avoir tué son meilleur ami de 15 ans l’an dernier à Laval était attaqué par quatre adolescents pendant la bagarre mortelle. Avant de brandir un couteau, l’accusé avait déjà reçu une quinzaine de coups de poing, selon Nick*, l’un des assaillants qui a témoigné mardi en Chambre de la jeunesse.

Maintenant âgé de 18 ans, Théo est jugé depuis quelques semaines pour le meurtre au premier degré de Max*, son meilleur ami mort le 1er janvier 2020 dans un parc du quartier Fabreville, à Laval. Une telle accusation à l’égard d’un adolescent est rarissime. Comme les principaux acteurs du procès étaient mineurs à l’époque, nous ne pouvons les nommer.

Cette triste affaire commence par un nébuleux conflit sur les réseaux sociaux Discord et SnapChat entre Théo et les frères Peter et Max, la victime. Les trois adolescents de 15 et 16 ans étaient pourtant des amis inséparables jusqu’à la fin de 2019. C’est dans ce contexte que le 1er janvier, les deux frères donnent rendez-vous à Théo au parc Marc-Aurèle Fortin pour « régler » leur conflit.

Tout juste avant, au restaurant McDonald’s, quatre amis se rassemblent pour préparer la bagarre. Le plan retenu est de laisser les deux frères se battre seuls, pendant que Nick filmera la scène, témoigne ce dernier. En contre-interrogatoire, Nick admet que le plan initial était de « tous sauter » sur Théo, un adolescent décrit par son avocat Guy Poupart comme un « petit bonhomme ».

Au point de rendez-vous, Théo arrive seul, alors que les deux frères débarquent avec trois alliés, dont Nick. Quand la bagarre éclate, les frères s’avancent, alors que leurs amis restent en retrait, selon le témoin. Nick tente de filmer la rixe sur l’application SnapChat, mais celle-ci ne fonctionne pas.

« Des coups se donnaient, la majorité par [les deux frères]. Théo se préoccupait plus à se défendre qu’à redonner les coups », a décrit Nick mardi. Lors de son interrogatoire policier, le lendemain du meurtre, Nick a été plus précis en disant que Théo avait reçu de 10 à 15 coups de la part des deux frères.

« [Les deux frères] ont fait tomber Théo par terre. Ils lui ont dit : “Lève-toi et pars”. Théo n’a pas voulu partir chez lui et il leur a foncé dessus », a témoigné Nick. C’est à ce moment que le témoin entend son ami crier que Théo tient un couteau et que lui-même aperçoit l’arme. « J’ai laissé mon téléphone et je suis entré [dans la bagarre] », a-t-il poursuivi.

Dans son interrogatoire policier présenté en preuve mardi, Nick raconte avoir donné « des coups de poing et des coups de pied » à Théo avec son ami Carl*. Mais son objectif était alors « d’enlever le couteau » à Théo. « Il frappait vers le côté, il frappait partout. Sauf par le haut », décrit-il en mimant les mouvements de bras de l’accusé.

« Là, on frappe Théo encore. On le fait tomber par terre. Si on frappe bien fort, il va lâcher le couteau. Il n’arrêtait pas de se débattre avec. C’est lorsqu’on l’a mis par terre que le couteau est tombé », raconte-t-il au policier.

Toutefois, Nick n’a jamais vu Max être poignardé. « Je voyais juste du sang. J’étais comme bloqué, je ne savais plus quoi faire. J’ai vu Théo prendre son manteau et courir », enchaîne-t-il. Nick a alors pris Théo en chasse. « Je pensais juste à lui faire la peau », dit-il.

Le témoin a dit « n’importe quoi » aux policiers

À l’enquêteur, Nick a raconté avoir été « amené » à la bagarre pour s’assurer qu’il n’y avait pas de « couteau ou de flingue ». « Puisque moi, je pense toujours à ça, ça devrait être moi qui prend ce rôle-là », a-t-il déclaré. Mais dès le début de son interrogatoire mardi, Nick nuance : le seul rôle qu’il avait ce soir-là était de filmer la bagarre.

En contre-interrogatoire, Nick admet avoir de « l’expérience » en matière de bagarre. Mais à ce sujet, il a dit « n’importe quoi » aux policiers pour se « débarrasser » des questions. « Sur le coup, cette vérité-là aurait fait quoi ? », lâche-t-il. Son contre-interrogatoire se poursuit ce mercredi devant la juge Catherine Perreault.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Théo soutient avoir sorti son couteau par légitime défense, alors qu’il était roué de coups par plusieurs personnes. Après son arrestation, l’accusé a déclaré à l’enquêteur être tombé dans un « piège » tendu par ses amis pour l’attirer au parc.

« Ma tête sonnait, j’entendais “bip”, on dirait que j’allais mourir cette journée-là. […] Je voulais juste m’enfuir pour ma vie. J’avais peur. J’avais peur », a-t-il confié dans une vidéo présentée au début du procès.

Notons qu’un couteau a été retrouvé dans la poche de son manteau. Deux autres couteaux ont aussi été retrouvés dans le parc.

MMarie-Ève Vautier représente le ministère public.