Un petit avion s’est écrasé à quelques centaines de mètres de la foule réunie pour le festival Osheaga, samedi à Montréal. L’accident, qui a coûté la vie à un passager et blessé le pilote, s’est produit dans le parc de Dieppe, en face de l’île Sainte-Hélène où les concerts battaient leur plein. Personne au sol n’a été blessé.

Earnest M., agente de sécurité postée sous le pont de la Concorde, sur l’autre rive, a assisté à toute la scène. Elle a rapidement composé le 911, à 18 h 01. Elle avait d’abord remarqué un petit avion qui survolait le fleuve Saint-Laurent à basse altitude et remorquait une banderole où était inscrit « Chantal Will You Marry Me ? ».

PHOTO FOURNIE PAR FÉLIX LANGLOIS

Le petit avion survolait le fleuve Saint-Laurent à basse altitude et remorquait une banderole où était inscrit « Chantal Will You Marry Me ? ».

« L’avion volait très bas, explique-t-elle. Il perdait peu à peu de la vitesse. La banderole s’est détachée dans l’eau. Il a voulu faire demi-tour et il s’est écrasé. Il y a eu du feu et un énorme nuage de fumée. »

Le Cessna qui s’est écrasé samedi soir appartenait à Gian Piero Ciambella et à son entreprise, Aerogram, spécialisée en publicité aérienne. L’appareil est sorti de l’usine en 1974.

  • Dimanche, le parc de Dieppe était toujours fermé. Des policiers du SPVM surveillaient le site de la tragédie, où les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports étaient attendus en fin de matinée.

    PHOTO ANDREJ IVANOV, COLLABORATION SPÉCIALE

    Dimanche, le parc de Dieppe était toujours fermé. Des policiers du SPVM surveillaient le site de la tragédie, où les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports étaient attendus en fin de matinée.

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Gian Carlo Ciambella, qui vit à Ottawa, était sous le choc lorsque La Presse l’a contacté samedi soir. Il avait pu confirmer que son frère était aux commandes de l’appareil. Au moment de publier, il ne connaissait pas son état de santé, mais avait appris qu’il se trouvait aux urgences de l’Hôpital général de Montréal. Il ignorait l’identité du passager qui a péri.

L’avion avait décollé à Saint-Mathieu, à l’ouest de l’autoroute 15, sur la Rive-Sud de Montréal. Quelques heures après l’accident, La Presse s’est rendue devant l’aérodrome de Saint-Mathieu. Sur place, le propriétaire Philip Lane avait la mine basse, sous le choc. Il n’était pas en mesure de confirmer l’identité de la victime ni celle de la personne blessée, « par respect pour les familles impliquées ».

Le site du festival Osheaga n’a pas été touché par l’accident et les spectacles se sont poursuivis normalement, ont précisé les organisateurs.

À l’arrivée de La Presse sur le lieu de l’accident, les flammes ayant ravagé le petit avion étaient éteintes. Une mousse blanchâtre recouvrait l’herbe autour de l’appareil presque entièrement détruit. Seules une aile et la gouverne (portion arrière de l’appareil), aux rebords noircis par les flammes, pouvaient encore être distinguées.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Une quinzaine de voitures du SPVM protégeaient le vaste périmètre de sécurité, situé à proximité d’Habitat 67. Deux camions du Service de sécurité incendie de Montréal étaient également sur place.

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a confirmé que l’appareil qui s’est écrasé était un Cessna 172 tirant une banderole. Des enquêteurs se sont rendus sur les lieux de l’accident samedi afin de recueillir des informations et d’éclaircir les circonstances de cet évènement. L’enquête se poursuivra au cours des prochains jours.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La mairesse sortante de Montréal, Valérie Plante, a réagi au tragique accident. « Mon équipe et moi suivons avec attention les développements à la suite de l’écrasement d’un petit avion au parc Dieppe. Mes pensées vont à la famille du défunt », a-t-elle écrit dans une publication Twitter.

Des hypothèses « à parts égales »

À ce stade, tous les éléments qui pourraient expliquer l’accident sont « à parts égales », explique le pilote de ligne Marc-Antoine Plourde.

Le pilote aurait pu vouloir observer le spectacle qui se déroulait dans l’île Sainte-Hélène. « Est-ce qu’ils ont ralenti ? Est-ce qu’ils ont décroché [du ciel], un peu comme un ski nautique qui va trop lentement et qui tombe à l’eau ? », s’interroge M. Plourde.

À cette hypothèse s’ajoutent celles d’un incident météo, d’un malaise physique du pilote, d’un problème mécanique, de la hauteur du vol de l’appareil, ou encore la possibilité d’un problème causé par la banderole.

L’appareil était en communication avec la tour de contrôle de l’aéroport de Montréal. La Presse a obtenu l’enregistrement audio dans lequel on entend le pilote qui appelle à l’aide. « Mayday », dit une voix d’homme. L’opérateur demande à la personne de répéter ce qu’elle a dit. Sa question demeure sans réponse.

Notez qu’une coupure d’environ 1 min 30 s a été effectuée entre les deux extraits.

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Le Cessna 172 est un avion très populaire, explique Marc-Antoine Plourde. « C’est un avion de base, tous les jeunes pilotes qui commencent en aviation privée commencent avec le Cessna 172 », dit-il. « C’est un appareil qui est stable, parfait pour apprendre à voler », poursuit-il.

Un pilote très expérimenté

Le propriétaire de l’appareil, Gian Piero Ciambella, pilote des avions depuis 1976 et cumule plus de 37 ans de vol avec ce Cessna 172 Skyhawk.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE GIAN PIERO CIAMBELLA

Gian Piero Ciambella et son avion

Il est propriétaire d’un immeuble à Longueuil où se trouvent aussi les bureaux de son entreprise de publicité par banderoles aériennes. Deux de ses locataires, Martin Roy et Marie-Josée Schinck, l’ont décrit comme un homme gentil et qui s’occupe bien de l’immeuble.

Un ami de M. Ciambella, Alexandre Bergeron, se trouvait au festival Osheaga lorsqu’il a vu le panache de fumée en provenance du lieu de l’accident. Il n’a toutefois fait le lien avec son ami pilote qu’après avoir été contacté par La Presse. Les deux hommes se connaissent depuis plusieurs années et jouent au volleyball ensemble.

Simon Choucroun a eu recours aux services d’Aerogram le 30 mai dernier pour une banderole portant le texte « We stand with Israel ». M. Choucroun a décrit à La Presse un pilote et entrepreneur très gentil, prêt à faire des ajustements et qui respecte les règles de sécurité.

Il a refusé d’avoir qui que ce soit à bord, pour des raisons de sécurité et parce que ce n’était pas permis.

Simon Choucroun, client d’Aerogram

En 2006, Gian Piero Ciambella avait fait les manchettes en atterrissant d’urgence sur la très achalandée avenue du Parc, au cœur de Montréal, avec le même avion. « Quand j’ai vu que la lumière était rouge, j’ai foncé », avait-il confié à La Presse à l’époque, ajoutant avoir réussi un atterrissage presque parfait, seulement « un peu trop à gauche de six pouces ». « J’ai effleuré une pancarte d’interdiction de demi-tour ! », avait-il précisé. L’avion transportait deux passagers. Le pilote avait reçu le trophée Robert-Piché pour cet exploit.

Un rapport du BST avait conclu que la panne avait été causée par la présence d’eau dans le réservoir d’essence. Celle-ci n’avait pu être purgée adéquatement avant le départ parce que l’avion n’était pas de niveau.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Atterrissage sur l’avenue du Parc, en 2006

En 2013, dans un article du journal Métro qui s’interrogeait sur la possibilité qu’un avion s’écrase au centre-ville de Montréal, Gian Piero Ciambella disait survoler fréquemment la métropole et constamment surveiller « les lieux les plus appropriés en cas d’atterrissage : les grands parcs, les terrains de soccer, les centres commerciaux, les rues à trois ou quatre voies ». « Si on veut être prévoyant, il est toujours possible de voler à une altitude supérieure, affirmait-il. Plus nous sommes hauts, meilleures sont les chances de pouvoir planer loin du centre. »

Plus récemment, les banderoles tractées par l’avion de M. Ciambella ont fait les manchettes à plusieurs reprises.

La semaine dernière, c’est un autre avion d’Aerogram qui a remorqué la banderole « Mange de la marde Pierre » commandée par Véronique Cloutier dans le cadre d’une démarche humoristique liée à son émission au 107,3 FM.

En 2012, l’avion de M. Ciambella avait été cloué au sol après qu’il avait été embauché pour tracter une banderole dénonçant le gouvernement de Stephen Harper au-dessus d’Ottawa. La Gendarmerie royale du Canada avait interrogé le pilote avant de le relâcher. Ce dernier avait défendu son travail, assurant ne jamais être entré dans l’espace aérien protégé autour de la colline du Parlement.

Le modèle d’aéronef le plus répandu

L’avion qui s’est écrasé samedi est l’un des 44 000 Cessna 172 Skyhawk sortis des chaînes de montage de l’entreprise américaine depuis les années 1950, ce qui en fait le modèle d’aéronef le plus répandu au monde. Il s’agit d’un appareil petit et léger, équipé d’un seul moteur de 180 chevaux-vapeur et pouvant accueillir un maximum de quatre passagers. Selon Cessna, il peut atteindre 230 km/h et parcourir plus de 1100 km entre deux pleins. Selon plusieurs publications spécialisées, il s’agit d’un avion sûr et relativement facile à manœuvrer. Cessna vante d’ailleurs son utilisation par un grand nombre d’écoles de pilotage. Le Cessna de M. Ciambella était sorti de l’usine en 1974, selon son enregistrement chez Transports Canada. Il lui appartenait depuis 1985. En 2006, au moment d’un atterrissage d’urgence sur l’avenue du Parc à Montréal, « l’appareil était muni de réservoirs de carburant à grande autonomie », selon un rapport d’enquête fédéral.

Philippe Teisceira-Lessard, La Presse