Marie-Josée Viau dit n’avoir rien vu venir le 30 juin 2016, lorsque les frères Vincenzo et Giuseppe Falduto ont été assassinés par un tueur à gages à la solde de la mafia, dans le garage de sa propriété de Saint-Jude, près de Saint-Hyacinthe.

La femme de 46 ans, qui est accusée d’avoir comploté et d’avoir pris part aux meurtres des frères Falduto avec son conjoint Guy Dion, a poursuivi son témoignage lundi matin devant le jury et le juge Éric Downs de la Cour supérieure, au Centre de services judiciaires Gouin, dans le nord de Montréal.

Dans un témoignage ponctué de nombreux sanglots, la femme a raconté qu’elle travaillait à sa table de cuisine le 30 juin 2016, lorsqu’elle a entendu des coups de feu provenant de sa propriété.

Elle s’est précipitée à une fenêtre et a vu un individu surnommé Brad Pitt depuis le début du procès-car on ne peut l’identifier-devant son garage. Elle dit alors être sortie à l’extérieur et s’être rendue devant l’une des portes du garage.

« Brad Pitt, le tueur à gages et Guy étaient là. Il y avait quelqu’un par terre. Je ne sais pas. C’est une image que je n’oublierai jamais et je vais vivre toute ma vie avec ça. J’ai été malade sur le bord du garage. J’étais totalement sur le choc. Visiblement, il y avait quelqu’un de mort, j’en étais persuadée. C’est comme si le temps s’était arrêté ou le cerveau avait disjoncté », a-t-elle décrit en pleurant.

« J’étais en colère, mélangée avec le choc. J’étais peinée. Il n’avait jamais été mention de quoi que ce soit d’une affaire de même là ! Je me demandais pourquoi !

« J’ai vu le tueur à gages prendre quelque chose dans les pneus. Il y avait des sacs par terre. Il a fouillé là-dedans, ramassé des choses et il voulait que l’on fasse brûler le reste. Il pitchait ça en tas près de l’établi. Il m’a demandé des guenilles. Je suis allée chercher des guenilles dans la maison, je suis ressortie avec un petit truc d’eau de Javel et je suis allée dans le garage au moins ramasser la trace de sang qui était là », a poursuivi Marie-Josée Viau.

Cette dernière dit avoir ensuite ramassé les douilles pour les jeter. Elle a également récupéré des tas de guenilles et les a brûlées.

Elle a affirmé que ce n’est que plus tard, dans la soirée, qu’elle a constaté qu’il y avait une deuxième victime après avoir aperçu une deuxième flaque de sang, et que ce n’est que le jour de son arrestation, le 16 octobre 2019, qu’elle a su les noms des victimes.

Motus et bouches cousues

Marie-Josée Viau a raconté qu’elle et Guy Dion se sont alors retrouvés seuls avec une voiture, celle des victimes, contenant les deux corps dans leur garage.

Le couple a cru que Brad Pitt devait revenir en soirée pour régler la situation, en vain.

« Dans ma tête à moi, il n’a jamais été question de brûler des corps et même de nous occuper de la voiture. Je ne voulais juste pas qu’il n’y ait rien de nous sur la voiture. Ils [les tueurs] partaient avec tout ça et c’était fini. J’ai nettoyé la voiture. C’était ma décision, il y avait du sang », a-t-elle dit.

Le lendemain après-midi, donc environ 24 heures après les meurtres, le couple a reçu sur son appareil de communications cryptées fourni par Brad Pitt un message du mafioso Salvatore Scoppa qui leur disait qu’ils devaient s’occuper de tout.

Mais par la suite, Brad Pitt leur a envoyé un autre message leur demandant de laisser la voiture chez un certain Guidou, qui habite dans la région. Le couple a compris qu’il devait également y laisser les corps. Marie-Josée Viau et Guy Dion ont laissé la voiture et les corps chez Guidou durant la nuit du 1er au 2 juillet.

« En revenant à la maison, on s’est regardé et on s’est dit : « c’est fait. » Guy m’a dit : « All in. » On s’est promis que peu importe ce qui arrivera dans le futur, qu’on allait mourir avec ça, que ça ne sortirait jamais de notre bouche. Aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’on est accusé, mais je veux que les gens sachent comment ça s’est passé », a déclaré Marie-Josée Viau.

Elle dit avoir menti à la taupe

Marie-Josée Viau a affirmé que Brad Pitt lui avait dit que les frères Falduto ne devaient pas être tués, qu’ils se sont rendus chez elle ce jour-là pour acheter des armes.

Elle s’est dite soulagée lorsqu’elle a appris la mort de Salvatore Scoppa, tué en mai 2019, « car c’était une personne de moins qui savait ce qui s’était passé chez nous » a-t-elle dit.

Les huit litres d’eau de javel utilisés pour nettoyer le plancher de son garage et la voiture, les arbres coupés pour alimenter un feu dans lequel les corps ont brûlé durant de longues heures, sa conversation seule à seul sur une table à pique-nique avec Andrew Scoppa ; Marie-Josée Viau a dit avoir menti sur toutes ces choses lorsque le tueur à gages, devenu taupe pour la police, l’a enregistré à son insu durant l’été 2019.

« Pourquoi » ?, lui a demandé son avocate, MMylène Lareau.

« La peur. Je n’avais pas intérêt à lui dire la vérité. Je ne le connaissais pas, je ne lui faisais pas confiance. Je ne savais pas ce qui allait ressortir de ça. J’étais craintive. Je me suis dit : "Je vais lui dire un paquet d’affaires, il va peut-être changer d’idée" », a répondu l’accusée qui poursuit son témoignage mardi.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.