Il a fallu cinq semaines après la tentative de meurtre contre le chef mafieux Salvatore Scoppa commise le 21 février 2017 à la sortie d’un restaurant de Terrebonne, pour que le présumé tireur, Frédérick Silva soit identifié par les policiers.

C’est ce qu’a raconté lundi un enquêteur de la Sûreté du Québec, Samuel Beaudet, au procès de Silva, accusé de la tentative de meurtre contre Salvatore Scoppa, mais également des meurtres de trois autres individus, dont deux auraient été reliés au crime organisé, et pour lesquels la preuve sera présentée ultérieurement.

Le témoin a déposé des photos et vidéos des évènements.

Sur l’une des vidéos, on voit Scoppa, qui vient de sortir du restaurant, ouvrir la portière de sa voiture à une femme qui l’accompagnait. Au moment de repasser devant son véhicule pour y monter, il s’arrête net et une silhouette décharge une arme à feu vers lui. Scoppa court et tombe lourdement sur le sol, visiblement touché. Il se relève et se remet à courir, suivi par le suspect qui continue de tirer. Puis les deux hommes sortent du cadre de l’image.

Des clients pressés

Ce soir-là, Salvatore Scoppa a été atteint de projectiles tirés par un individu qui faisait partie d’un groupe de 11 hommes qui ont semblé attendre que le mafieux sorte du restaurant avant de l’attaquer.

Selon le témoignage de l’enquêteur Beaudet, Scoppa est arrivé au restaurant Houston en compagnie de la femme à 18 h 17. À 19 h 27, un individu que l’enquêteur identifie comme étant Jonathan Massari est entré dans le restaurant, s’est arrêté dans l’entrée durant quelques secondes pour manipuler son téléphone cellulaire et a rejoint Scoppa à la table 43.

PHOTO TIRÉE D'UNE VIDÉO DÉPOSÉE EN COUR

Vêtu d’un manteau foncé et portant une tuque, Frédérick Silva (deuxième vers la droite selon le témoin) est sorti du restaurant Houston en tenant un objet dans sa main droite.

À partir de 19 h 44, 11 individus arrivés dans plusieurs véhicules ont commencé à entrer dans le restaurant et à s’assoir aux tables 10 et 11 situées près de la porte. À un certain moment, trois ou quatre d’entre eux se sont déplacés dans le restaurant comme s’ils effectuaient un repérage des lieux.

Vers 20 h 20, Salvatore Scoppa, sa compagne et Jonathan Massari sont sortis du restaurant, suivis quelques minutes plus tard par les 11 hommes qui ne sont guère restés plus d’une demi-heure dans l’établissement. L’un d’eux s’est arrêté avant de franchir la première porte intérieure, a laissé passer l’un de ses amis tout en sortant un objet de sa poche et en le tenant dans sa main droite, avant de suivre le mouvement des autres et de sortir à son tour.

C’est à ce moment que Salvatore Scoppa a été attaqué.

Dépêché sur les lieux, l’enquêteur Beaudet a épluché les images des caméras de surveillance du restaurant durant toute la nuit suivant l’attentat et en a tiré 117 captures d’écran pour identifier les suspects.

Il a confectionné des circulaires corporatives – photos et descriptions de suspects – qui ont été envoyées dans plusieurs corps de police, pour aider à l’identification des suspects. Ce n’est que cinq semaines plus tard qu’un enquêteur de la Division du crime organisé du SPVM a identifié Frédérick Silva comme étant le tireur. L’enquêteur Beaudet a ensuite demandé des filatures de Frédérick Silva en avril et en mai suivants pour en avoir le cœur net.

Voiture blindée illégale

Selon des admissions faites par la Poursuite et la Défense, le soir du 21 février 2017, « Salvatore Scoppa a été admis aux urgences d’un hôpital après avoir été atteint par des projectiles d’arme à feu qui lui ont notamment causé une fracture de l’humérus (os du bras) droit ayant nécessité une intervention chirurgicale ».

Sur la scène de crime le soir des évènements, les policiers ont découvert plusieurs morceaux de métal provenant vraisemblablement des attaches du manteau de marque Parajumper que portait Scoppa, et ceux-ci ont été expertisés au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec pour vérifier si les bris étaient compatibles avec des trajectoires de projectiles d’arme à feu, a expliqué le témoin Beaudet.

En fuyant devant le tireur, Salvatore Scoppa a aussi laissé tomber ses clés de voitures dans une allée. Les policiers les ont trouvées et s’en sont servies pour démarrer le véhicule de mafieux laissé sur place.

« Le véhicule, une Toyota Camry 2016, était blindé et possédait des vitres surdimensionnées qui ne descendaient pas complètement, et des gyrophares à l’avant », a décrit l’enquêteur Beaudet.

Ce dernier a ensuite fait enlever le système artisanal de gyrophares et a fait peser la voiture par les contrôleurs routiers de la Société automobile du Québec (SAAQ) pour vérifier si elle respectait le poids et les normes de construction de la Toyota Camry 2016, ce qui n’était pas le cas. La SAAQ a ensuite entamé des procédures pour que le droit de circuler de la voiture soit retiré et a eu avec Salvatore Scoppa des discussions dont le témoin ne connait pas l’issue.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.